Situation sécuritaire à l’Est : La lettre du commissaire Drabo
- Écrit par Webmaster Obs
Face à l’insécurité grandissante qui prévaut depuis quelques mois à l’Est, le Directeur régional de cette localité a adressé une lettre à son supérieur hiérarchique. Vu que cette correspondance ne trahit aucun secret militaire, nous avons choisi de la publier au regard des éclairages qu’elle apporte sur l’épineuse question du péril sécuritaire qui s’est abattu depuis sur cette partie du Burkina.
«J’ai l’honneur de porter à votre connaissance la situation sécuritaire et l’ambiance sociale qui prévalent après les attaques terroristes survenues dans la province de la Kompienga.
La situation sécuritaire dans la province de la Kompienga se dégrade de jour en jour depuis le mois de juin 2018, avec la présence persistante d’hommes armés dans la forêt de Kabonga, département de Pama. Ces personnes viseraient à implanter des bases aux fins d’attaques terroristes dans cette zone et ses environnants. Si l’identité de ces individus reste inconnue, il y a que leur accoutrement et leur langue de communication laissent penser à des étrangers provenant probablement de pays voisins. Ils sillonnent la forêt pour la plupart à motos de grosse cylindrée et parfois avec des véhicules 4x4.
Leur présence plusieurs fois répétée par nos sources d’information témoigne que ces tristes individus armés gagnent du terrain. Nos patrouillés n’arrivent plus à les contrer en raison du couvert végétal devenu important et des voies par endroits inaccessibles à la faveur de l’hivernage.
Du 10 au 22 août 2018, une opération conjointe menée par les Forces de défense et de sécurité n’a pas permis de débusquer tous les nids mafieux parce que ceux-ci sont fortement incrustés dans des endroits aux accès difficiles.
C’est ainsi que dès le lendemain de la fin de l’opération, une série d’attaques a été perpétrée comme suit : une équipe motorisée des Eaux et Forêts a essuyé une attaque le 26 août 2018 dans la forêt de Kompienga, puis ce fut une attaque contre la Brigade territoriale de Gendarmerie de Pama le 28 août 2018, suivie d’une embuscade par usage d’engin explosif tendue au renfort militaire, laquelle a fait sept (7) morts et plusieurs blessés. Le 29 août 2018, ces sinistres individus ont poursuivi leur basse besogne par l’incendie du campement de chasse présidentiel à Kompienga, suivi de tirs nourris tout le long de la nuit.
Ces actes répétés inquiètent plus d’une personne. Le constat fait état d’une psychose généralisée au sein de la population et des usagers de l’axe Pama-Fada. Les activités économiques semblent fortement grippées, voire moroses. Les nuits, à partir de 19 heures, les populations sont terrées à la maison. Certains fonctionnaires en déplacement ont peur de regagner la province.
Au sein des Forces de défense et de sécurité, le moral est affecté du fait de leurs moyens très limités en matière de logistique et de l’absence de réaction appropriée du niveau central dès le lendemain des attaques. Cependant, les activités de sécurisation se poursuivent.
Nos sources de renseignement continuent de signaler des présences répétées d’hommes armés dans la zone de Kabonga, Kompienga, Tuiré, Nassougou, Natiaboani et la colline de Nadiagou se prolongeant jusqu’au département de Kompienga.
Il est à craindre que si des actions de riposte vigoureuses ne sont pas mises en œuvre diligemment, les assaillants auront le temps de s’installer et de parsemer d’engins explosifs aux alentours des sites qu’ils auront occupés.
Il est vivement souhaité que la Direction provinciale de la Police nationale de la Kompienga bénéficie d’au moins un véhicule utilitaire, car le véhicule dont il dispose actuellement est en mauvais état.
Il est nécessaire d’implanter un détachement militaire sur cet axe stratégique car la province de la Kompienga partage ses frontières avec le Bénin et le Togo.
Je signale que depuis la dernière embuscade meurtrière contre le renfort militaire, aucun constat n’a pu être fait sur les lieux par crainte d’éventuelles mines explosives dissimulées en ces endroits.
Il est souhaitable qu’une intervention aérienne soit faite pour déloger les assaillants qui se trouveraient toujours tapis dans ces zones. Cette action militaire pourrait également rassurer les populations et les FDS de cette localité.
Si rien n’est fait sous peu, la situation sécuritaire pourrait se dégrader davantage avec les conséquences négatives que cela pourrait avoir sur la vie sociale et économique de la province, voire de toute la région de l’Est ».
Karim Drabo
Commissaire divisionnaire de Police
Chevalier de l’Ordre national
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