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G5 Sahel : Jupiter à Nouakchott pour mettre le turbo

Pour un peu on croirait qu’Emmanuel Macron est plus préoccupé par la situation sécuritaire au Sahel que les pays concernés eux-mêmes.

 

Le président français a en effet débarqué hier à Nouakchott où se tenait le 31e sommet de l’Union africaine, consacré, rappelons-le, à la lutte contre la corruption et à l’autonomie financière de l’organisation panafricaine. Une autonomie qui passe, entre autres solutions, par une taxe de 0,2 % sur certains produits importés en Afrique.

Si ces questions sont d’une importance évidente, c’est surtout le conclave entre les 5 chefs d’Etat du G5 Sahel et le locataire de l’Elysée qui aura retenu l’attention. Comment pouvait-il d’ailleurs en être autrement alors que la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UA a été précédée de deux attentats sanglants le week-end : vendredi le quartier général du G5 à Sévaré a été attaqué à l’heure de la prière (trois personnes tuées) et  dimanche, le jour même de l’ouverture du sommet, c’était au tour d’une patrouille de la force française Barkhane d’être prise pour cible à Gao (quatre civils maliens tués).

On peut dire tout ce qu’on veut du président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, notamment qu’il est un autocrate peu respectueux des droits de l’homme, mais il faut reconnaître qu’il a raison dans cette analyse : « Si le cœur même du dispositif sous-régional a été attaqué facilement, c’est forcément qu’il y a eu des insuffisances et des failles qu’il faut rapidement corriger. »

Comment atteindre sa puissance de feu tant recherchée si la force commune est incapable d’ériger un périmètre de sécurité digne de ce nom autour de son QG ?

En vérité les cœurs ne battent pas vraiment à l’unisson au sein de cet attelage, les dirigeants tchadien et mauritanien tenant les trois autres chefs d’Etat et leur armée en piètre estime. C’est à croire que les deux militaires du groupe doutent des aptitudes de commandant en chef de leurs pairs civils.

A la décharge de la grande armée sahélienne, il faut reconnaître que les promesses d’aide faites à grand renfort de publicité à Bruxelles ne se sont pas  vraiment concrétisées et l’enveloppe des 420 millions d’euros tarde à se remplir, au point qu’il faudra attendre jusqu’en décembre, donc dans six mois, pour que les 5000 soldats aient de simples gilets pare-balles dans leurs paquetages. Comment peut-on mener une telle guerre et la gagner dans un tel état de dénuement matériel ?

Il faut espérer que la réunion d’aide permettra à la machine encore poussive de mettre le turbo dans l’intérêt des Africains mais aussi de la France. Car si Jupiter pousse à la roue, c’est certes  parce que le terrorisme est un phénomène mondial dont la France est aussi l’une des victimes emblématiques mais on aurait tort de penser que c’est juste par charité chrétienne qu’il porte à bout de bras la force conjointe. Ce que Macron espère avant tout, c’est que les armées des pays de la ligne de front puissent prendre en charge leur propre sécurité, seules comme des grands afin qu’il puisse, si possible d’ici la fin de son mandat en 2020, rapatrier les quelque 4500  soldats déployés dans la région et qui lui coûtent cher  financièrement mais aussi en vies humaines. Le financement de Barkhane est évalué, rappelons-le, à environ 1 million d’euros par jour, ce qui commence à faire beaucoup puisqu’ils sont là depuis 2012. Et à ce jour, 12 militaires tricolores sont tombés sur le sable chaud du Mali pour une cause qui est aussi la leur mais dont le théâtre des opérations est si loin de leur douce et généreuse patrie.

 

Hugues Richard Sama

Dernière modification lemardi, 03 juillet 2018 20:57

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