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RDC: Et Kabila créa la surprise !

« Et si Kabila nous réservait la surprise du chef !» Tel était le titre de notre éditorial d’hier, consacré à la présidentielle congolaise et qui chutait par ces mots : « …à moins qu’à l’heure ultime du choix, seul avec sa conscience, il soit visité par la sagesse et habité par la tentation de Venise en nous réservant la surprise du chef. Ce serait le meilleur service qu’il rendrait à la RDC ». C’est désormais chose faite, et le moins qu’on puisse dire, c’est que nous avons  eu le nez creux, autant qu’au lendemain de son traditionnel discours sur l’état de la nation le 19 juillet dernier, quand nous écrivions ceci : « …mais n’allons pas trop vite en besogne, car qui nous dit qu’il ne nous réserve pas cette surprise du chef qui le ferait sortir par la grande porte, lui qui est entré par effraction dans l’histoire de la RDC et qui risque fort d’être défenestré un jour comme tant d’autres avant lui, s’il s’amuse à jouer le match de trop ».

Le suspense et le flou artistique longtemps entretenus par le chef de l’Etat congolais ont en effet pris fin hier mercredi 8 août 2018, date limite du dépôt des candidatures. Et ce ne sera pas Joseph Kabila Kabenge qui portera les couleurs du Front commun pour le Congo (FCC), mais Emmanuel Ramazani Shadari, ancien gouverneur, ancien vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur et actuel secrétaire permanent du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie, le PPRD, principale formation politique de la coalition au pouvoir.

Il a donc tenu parole. Il avait beau marteler depuis de longs mois qu’il respecterait la Constitution, nombreux étaient ceux qui doutaient de cette parole présidentielle. Il est vrai que le locataire du palais de la Nation ne faisait rien non plus pour balayer les soupçons des 80 millions de Congolais, même si en vérité il n’était pas tenu de proclamer urbi et orbi son départ prochain. Le doute était donc toujours permis et cela d’autant plus que, ces derniers temps, certains de ses fidèles lieutenants laissaient entendre que la révision du code électoral équivalait à un changement de Constitution qui remettrait le compteur de leur champion à zéro. Et si envers et contre tous Joseph Kabila avait fait acte de candidature, on ne voit pas quel juge constitutionnel se serait permis d’invalider ses prétentions.

On ne peut donc qui lui dire bravo et se féliciter qu’il ait résisté au chant des sirènes de son camp, cela d’autant plus qu’à tout juste 47 ans, celui qui a hérité du Congo après l’assassinat de son père, Laurent Désiré, n’a rien d’un Cincinnatus prompt à retourner à sa charrue sitôt sa mission de dictateur accomplie. Il faut seulement espérer que sa volonté de se retirer soit sincère puisqu’il conserve la présidence du PPRD taillée à sa mesure lors du dernier congrès.

Pour peu on penserait que Kabila, qui a effectué le 2 août dernier une visite chez son voisin lusophone, s’est inspiré de l’expérience angolaise qui a permis au président Eduardo Dos Santos de passer la main à João Lourenço… à ses risques et périls, car désormais l’ancien cacique ne cesse de remettre en cause les énormes intérêts et passe-droits du clan Dos Santos. A moins que l’inspiration soit venue de Russie où Vladimir Poutine, empêché par la Constitution de briguer un troisième mandat, était devenu le Premier ministre de Medvedev le temps de revenir aux affaires. Mais quelle que soit l’hypothèse la plus plausible, le choix d’Emmanuel Ramazani Shadari ne s’est pas fait au hasard, car  « Monsieur coup sur coup », comme on le surnomme, est réputé être un des faucons du régime et à ce titre, il fait partie des personnalités congolaises frappées en 2017 par des sanctions de l’Union européenne pour « entraves au processus électoral et violation des droits de l’homme ».

 

H. Marie Ouédraogo

Dernière modification lejeudi, 09 août 2018 20:24

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