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Radio Bobo : «Baro déni bana»1

Il était l’animateur radio le plus écouté mais aussi le plus adulé par les auditeurs de la ville de Sya et ses environs. Avec son émission fétiche de débats « Baro déni », ce qui signifie en français « la petite causerie », Kéita Suntéré Adama, dit Jacob 1er, avait toujours su accrocher son auditoire en abordant chaque jour sur les antennes de radio Bobo des sujets de discussion inspirés de faits réels. Avec un langage simple mais surtout teinté d’humour et sous-tendu par des proverbes africains dont lui seul avait le secret, cet animateur hors pair que certains considéraient, et à juste titre comme un objecteur de conscience, avait fini par se construire une solide réputation dans toutes les sphères de la vie socio-économique et culturelle de la région de Bobo. Après 46 ans de métier, Kéita Suntéré Adama a tiré sa révérence dans la nuit de samedi à dimanche à son domicile, à Niéneta.

 

 

On le savait malade depuis très longtemps mais beaucoup d’auditeurs de radio Bobo gardaient l’espoir de le retrouver en chair et en os sur les antennes. Un espoir qui allait grandissant avec ces anciennes émissions rediffusées et que les adeptes de Baro Déni éprouvaient encore du plaisir à réécouter. Hélas, la maladie contre laquelle Suntéré luttait depuis toujours a finalement eu raison de lui. Très tôt en effet dans la matinée d’hier dimanche, la triste nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre, plongeant de nombreux Bobolais dans une profonde consternation. Cette voie du fulgurant animateur de radio Bobo à laquelle les populations de la région s’étaient familiarisées depuis plusieurs années s’est en effet éteinte à jamais.

Une perte énorme pour le monde radiophonique bobolais, qui garde de Suntéré l’image d’un vrai professionnel du métier qui a toujours su distiller la bonne humeur, prodiguer des conseils et conscientiser les différentes générations sur les faits de société à bannir ou à encourager. Toujours imitée mais jamais égalée, l’émission Baro Déni de Suntéré fera des émules dans le paysage radiophonique de la région. Une émission dont le contenu se résume généralement à des affaires à scandale familial résultant le plus souvent de relations sexuelles des plus inimaginables et frisant parfois l’inceste, aux problèmes d’héritage qui divisent les familles, aux histoires de maraboutage entre coépouses, à l’infidélité des hommes et des femmes etc. Des thèmes de débat du genre dont raffolent les Bobolais, Suntéré en avait plein dans son sac et voyait chaque jour le cercle des participants à l’émission s’élargir. Kéita Suntéré Adama, qui s’était aussi autoproclamé ministre de l’ambiance et du plaisir avec résidence à Sya, se targuait sur les antennes de battre le record de longévité au gouvernement pour n’avoir jamais été concerné par les remaniements ou les coups d’Etat. Ses mérites ont d’ailleurs été reconnus par sa hiérarchie lors de la célébration du cinquantenaire de radio Bobo en 2012 et il a reçu à son domicile la visite d’une délégation de la RTB conduite par l’ex-ministre de la Communication Alain Edouard Traoré.

Malgré cette forte audience dont il jouissait auprès des auditeurs de la région et cette attention particulière dont il faisait l’objet de la part de sa hiérarchie, Kéita Suntéré Adama a souvent connu des déboires avec son émission. Dans une interview qu’il nous avait accordée en décembre 2013, il disait ceci : « Un auditeur qui était très fâché après un débat sur les antennes parce que se sentant directement concerné est venu le lendemain pour me battre à la radio. Et il a fallu l’intervention des vigiles pour me sauver des griffes de cet homme. J’ai même reçu des menaces de mort et je me rappelle que quelqu’un est venu nuitamment à mon domicile tirer des coups de feu en l’air… » Des déboires, il en a connu aussi sous la Révolution, car ayant été révoqué de la Fonction publique, qu’il avait intégrée en 1974, avant d’y revenir en 1992. Et c’est encore à Radio Bobo qu’il déposera ses pénates avec cette fois la création de Baro Déni. Une émission qui lui vaudra le prix du meilleur animateur radio en 1997 en même temps que feu Norbert Zongo qui recevait celui du meilleur journaliste d’investigation. Admis à faire valoir ses droits à la retraite en 2005, l’infatigable Kéita Suntéré Adama était depuis cette date sous contrat avec la RTB2/Hauts-Bassins.

A 65 ans, Kéita Suntéré s’en est allé, laissant derrière lui 3 veuves et huit enfants. La levée du corps est prévue aujourd’hui à 10 h à la morgue de l’hôpital Souro Sanou, suivie du transfert de la dépouille à son domicile à Niéneta et de l’enterrement à 14 heures au cimetière municipal route de Banakélédaga.

Jonas Apollinaire Kaboré

 

(1) «Baro déni bana» : La petite causerie est finie

 

Kéita Suntéré Adama est rentré de Côte d’Ivoire en 1973. Demi-frère de l’ex-ministre ivoirien Balla Kéita, assassiné à Ouagadougou en août 2002, il sera vite repéré par l’abbé André Ouattara, animateur de l’émission des jeunes Allo Clubs sur radio Bobo. Les talents indéniables de Kéita Suntéré Adama ne passeront pas inaperçus. Et du coup, il sera vite intégré à la Fonction publique en 1974. Et c’est lui désormais qui conduira l’émission en compagnie de Mamady Sanoh, actuel vice-président de la Chambre de commerce du Burkina et président du Groupement professionnel des industriels (GPI). Jusqu’à un passé très récent, Kéita Suntéré Adama, qui s’était autoproclamé ministre de l’Ambiance et du Plaisir avec résidence à Sya  avait plusieurs émissions à son actif comme Souvenirs-Souvenirs, le bal du samedi soir, le quart d’heure du retraité, le rendez-vous du disquaire et le concert en dioula.

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