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Visite d’Etat du président du Faso en Chine : «Sortir de la pauvreté est possible à condition…» (Roch Marc Christian Kaboré)

 

Après l’accueil avec tous les honneurs à la Grande maison du peuple par le président chinois et la participation au 3e forum sino-africain à Beijing, l’acte 3 de la visite d’Etat de Roch Marc Christian Kaboré a été ce séjour à Shanghaï le mercredi 5 septembre 2018. Dans la capitale économique de la Chine, forte de 23 millions d’habitants et qui montre fièrement sa bourse et ses gratte-ciel, le président du Faso a effectué une visite à l’entreprise de robotique Siasun, accordé trois audiences, notamment avec une société textile, et a visité la Tour de Shanghaï. Dénommée la « Perle de l’Orient », elle mérite bien son surnom, elle qui culmine à 632 mètres et est le 3e plus haut monument construit par l’homme.  

 

 

 

 

 Quel bilan pouvez-vous dresser de votre séjour en Chine ?

 

 

 

Nous sommes venus en République populaire de Chine, pays avec lequel nous avons renoué les relations diplomatiques, il y a à peine trois mois. Nous avons articulé notre présence dans ce pays en deux grandes parties. D’abord, une visite d’Etat les 31 août et 1er septembre 2018. A la faveur de celle-ci, nous avons eu un entretien avec le président de la République populaire de Chine, Xi Jinping, qui a permis de faire un large tour d’horizon sur des questions d’intérêts réciproques. Le Burkina Faso a particulièrement évoqué les questions de santé et de l’agriculture avec toutes les implications possibles qu’offre ce secteur. Ainsi, nous avons souhaité que la partie chinoise, forte de son expérience dans le domaine de l’agriculture, nous aide à atteindre l’autosuffisance alimentaire, mais qu’elle nous aide aussi à mécaniser notre agriculture afin d’accroître la productivité. Pour englober tous les domaines agricoles, nous avons également abordé l’industrialisation à travers la transformation des produits locaux, en particulier le coton.

 

 

 

L’audience que vous avez accordée à une société textile lors de votre séjour dans la capitale économique de la Chine participe-elle de cela ?

 

Oui ; et nous comptons envisager avec elle la promotion de notre coton. Les questions de la formation sont revenues au cours des échanges. Vous vous souviendrez que juste après la rupture des relations avec Taipeh, s’est posée la question de nos étudiants, avec la nécessité de les transférer en Chine. Dès notre arrivée à Beijing, le 30 août, nous avons rencontré ces étudiants qui nous ont dit toute la satisfaction qu’ils ont eue grâce à la présence de l’Etat à leurs côtés pour faciliter leur inscription dans les universités. Au-delà de cette question ponctuelle d’inscription, nous avons obtenu de la Chine populairela promesse ferme de renforcer la coopération dans ce domaine afin de permettre aux Burkinabè d’étudier dans ses universités toutes filières confondues. Nous avons également discuté des questions liées aux infrastructures, des routes prioritaires, des hôpitaux et nous avons évoqué la question de l’électricité, avec des lignes de transport de l’énergie et, évidemment, de la question de la transformation et particulièrement de l’énergie solaire. Toutes ces questions, y compris celle sécuritaires, ont fait l’objet d’un accord de coopération que nous avons signé.

 

Avec la partie chinoise, nous avons décidé que la commission qui existe se réunisse rapidement. Globalement, la visite d’Etat a rempli toutes les attentes et a été positive. De part et d’autre, nous avons apprécié cette reprise des relations et nous nous sommes engagés à faire en sorte que ces relations soient fondées sur l’amitié et sur la sincérité. Nous avons tenu à préciser au président Xi Jinping que le Burkina Faso a le sens de l’endettement. Nous avons dit que les financements que nous allons solliciter, sont des financements que nous pouvons rembourser. Notre point de vue a été apprécié par la partie chinoise qui a souhaité que nous fonctionnions dans cette démarche de sincérité  et de partenariat gagnant-gagnant.

 

 

 

Il y a eu aussi cette participation du Burkina Faso au 3e Forum de coopération Chine-Afrique que vous avez honoré de votre présence et où vous avez eu un accueil des plus chaleureux…

 

 

 

Le Burkina Faso participait pour la première fois à ce forum qui existe depuis 2000. Le président Xi Jinping, au cours de cette rencontre, a déclaré que la Chine mettrait à la disposition de l’Afrique 60 milliards de dollars au cours des trois années à venir pour soutenir ce continent dans plusieurs domaines tels que la production agricole, le renforcement des capacités de l’Afrique et la nécessité que l’Afrique puisse se nourrir elle-même. Il a également évoqué la question du brassage culturel, insisté sur l’industrialisation de l’Afrique qui ne peut pas continuer à être une réserve de matières premières. Il a évoqué la nécessité que le commerce mondial puisse se développer entre l’Afrique et la Chine, à travers soit les routes, soit les ports, les chemins de fer ou l’interconnexion par le numérique. Il s’agit donc d’un grand projet entre l’Union africaine et la Chine. Ensemble, nous verrons donc comment faire en sorte que le programme de l’Union africaine puisse être pris en compte dans le cadre de l’initiative de la Ceinture verte. Les questions sécuritaires ont également figuré en bonne place. Il serait illusoire de vouloir développer l’économie tant qu’il n’y a pas la paix. Ainsi, l’apport de la Chine, individuellement ou dans des cadres organisés comme le G5 Sahel, est attendu pour que nous puissions lutter avec efficacité contre les forces obscurantistes qui, chaque jour, font de nombreux morts dans nos pays. C’est dire que la participation à ce forum et la visite d’Etat, ont été  des occasions de rencontre de nombreuses sociétés qui ont montré leur engagement et leur détermination à venir investir au Burkina Faso si d’aventure ces projets trouvaient des concrétisations vis-à-vis du gouvernement chinois.

 

 

 

Pourrait-on quantifier ce que le Burkina pourra avoir comme soutien pour la matérialisation de toutes ces intentions d’investissement ?

 

 

 

Je rappelle qu’il y a seulement trois mois que nous avons renoué avec la République populaire de Chine. En matière de dons octroyés à notre pays, le chiffre s’élève à plus de 95 milliards de francs CFA qui seront investis dans des secteurs comme la santé.

 

Nous avons engagé avec des sociétés chinoises des recherches de financements avec des banques chinoises. Ce sont des dossiers en cours qui feront l’objet des travaux de la commission mixte entre nos deux pays afin que nous puissions les faire avancer avec célérité. Au nombre des dossiers qui seront étudiés, il y a l’autoroute Ouaga-Yamoussoukro, les transports d’énergie avec la construction de panneaux solaires et la question du parc industriel qui nous tient à cœur et sur lequel nous allons travailler de manière à ajuster ces curricula au regard de notre niveau d’endettement. Le Burkina Faso a toujours fait preuve de prudence en matière d’endettement. Nous pensons qu’il est toujours mieux de gérer l’avenir. Aujourd’hui, des pays endettés vis-à-vis de la Chine ont vu leur endettement rééchelonné et la Chine consent à annuler purement les prêts des pays sans littoral sur un certain nombre d’engagements. Nous sommes tenus d’avoir un endettement contrôlé pour rester en conformité avec nos partenaires.

 

 

 

Au cours de votre séjour, vous avez visité de nombreuses structures spécialisées en matière de sécurité. Mais pendant que vous êtes absent du pays, des attaques terroristes sont perpétrées, occasionnant des pertes en vies humaines de nos soldats, situation qui pourrait faire douter de la capacité de votre gouvernement à avoir la pleine mesure de la sécurité du pays. La Chine est-elle disposée à aider le Burkina dans sa lutte contre l’insécurité ?

 

 

 

Chaque fois qu’il y a une attaque contre le Burkina Faso, ou quand, de façon inattendue, des terroristes posent des bombes ça et là qui tuent des Burkinabè, cela n’atteste pas d’une incapacité de nos forces. Le terrorisme est un élément pernicieux. Où que vous soyez, quand une bombe posée par des terroristes tue des gens, cela ne traduit en rien l’incapacité des forces de défense et de sécurité. C’est le caractère indicible de ces actes terroristes qui pose problème. Le plus important, c’est surtout la collecte des informations en demandant aux Burkinabè de contribuer à lutter efficacement contre le terrorisme. La Chine, pendant longtemps, avait décidé de contribuer au G5 Sahel, mais ne nous mettait pas dans la liste puisque nous n’avions aucune relation diplomatique avec elle. Au cours de notre séjour, nous avons discuté de la question avec le gouvernement chinois mais aussi avec des sociétés d’armement en Chine qui peuvent produire des armes plus adaptées au combat contre le terrorisme dans notre pays. Le président Xi Jinping a demandé que nous puissions faire venir une mission militaire pour discuter de ces questions avec le ministre de la Défense de la République populaire de Chine de manière à ce que le matériel que nous voulons puisse être adapté aux missions que nous voulons mener.

 

 

 

Selon vous, quelles leçons l’Afrique pourrait-elle tirer de l’expérience chinoise, après avoir visité ses mégastructures hors-normes et son modèle économique dans lequel l’Etat est omniprésent ?

 

 

 

Il n’y a pas longtemps, la Chine vivait une pauvreté endémique. La Chine, c’est d’abord l’engagement des hommes, leur courage, la discipline et le sens de l’engagement et de l’intérêt national. C’est autant de choses qui nous manquent en Afrique. Prenez l’exemple de la Grande maison du peuple à Pékin, où toutes les grandes rencontres se tiennent. Elle a été construite sous Mao Zedong en dix mois seulement avec trente-deux mille employés ! Voyez la Muraille de Chine construite sur des milliers de kilomètres par des hommes pour résister à l’attaque extérieure. C’est une preuve d’abnégation, de courage, de discipline et d’engagement pour le pays. Tant que ces facteurs n’existeront pas, l’Etat a beau vouloir diriger, ce sera difficile. Grâce à ce dynamisme, il y a aujourd’hui trois cents millions de Chinois qui constituent la couche moyenne et du même coup des consommateurs potentiels. La lutte contre la pauvreté a produit des résultats par l’industrialisation, la consommation, la transformation, l’agriculture. Le président Xi Jinping nous a fait remarquer qu’il reste trente millions de Chinois qui vivent sous le seuil de pauvreté et il se donne trois ans afin que, chaque année, il y ait dix millions de ces Chinois qui quittent ce cercle. Sortir de la pauvreté est une chose possible pour nos Etats, à condition que nous puissions mettre l’intérêt supérieur de nos pays au-dessus de nos intérêts égoïstes.

 

 

 

Propos recueillis par

Issa K. Barry

Dernière modification ledimanche, 09 septembre 2018 19:18

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