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Rwanda : Grâce présidentielle aux couleurs de marketing diplomatique

Le président Paul Kagame lâche-t-il du leste en matière de droits humains et politiques ? Si oui, pourquoi ? Questions légitimes qui viennent à l’esprit après la libération surprise des opposants Victoire Ingabire et Kizito Mihito ce 15 septembre.

 

Pour les autorités rwandaises, ces libérations n’ont rien de surprenant, car elles interviennent dans une procédure liée aux demandes de grâce présidentielle formulées par les intéressés. Des explications qui sont loin de convaincre tout le monde d’autant plus que les demandes de grâce en question ont été faites depuis belle lurette sans que le président Kagame ait voulu y répondre. Pourquoi le fait-il maintenant ? Les analystes y voient deux raisons :

-                     Primo, le président Kagame aurait cédé aux pressions de la communauté internationale, notamment des Etats-Unis dont le Secrétariat d’Etat ne fait pas mystère de son agacement devant la chape de plomb que fait peser le régime de Paul Kagame sur ses opposants : en effet, les principaux leaders des partis d’opposition rwandais sont soit en prison, soit en exil, contraints par un pouvoir peu ouvert aux contradictions politiques. Les critiques timorées de la communauté internationale avaient jusqu’à présent eu l’effet d’un poids de duvet sur la fermeté du président Kagame, obnubilé par la consolidation de son pouvoir. Mais selon Faustin Twangiramungu, un des opposants en exil de Paul Kagame, les Etats-Unis n’ont cessé, depuis 2012, de présenter Kigali comme l’un des moutons noirs du respect des libertés démocratiques en Afrique. Cette politique de stigmatisation de Washington aurait donc commencé à porter ses fruits ;

-                     Secundo, le pouvoir de Kigali, qui s’est découvert une vocation de puissance régionale, voire continentale, veut polir son image en matière de démocratie. Cette grâce présidentielle pour deux prisonniers politiques, dont l’emblématique Victoire Ingabire, n’est donc pas exempte de calculs politiques. Elle participerait fortement d’une opération de marketing diplomatique visant à séduire les décideurs de l’OIF en vue de faciliter l’élection de la cheffe de la diplomatie rwandaise, Louise Mushikiwabo, au poste de Secrétaire générale de la Francophonie.

Par ailleurs, il faut rappeler que Paul Kagame est le président en exercice de l’Union africaine, et il doit travailler à balayer devant sa porte en matière de promotion des droits humains et des libertés démocratiques avant de donner des avis, voire des leçons, à ses pairs en la matière. L’ambition d’être diplomatiquement plus actif sur le continent et dans le reste du monde commande que Kigali rabote l’aspérité de sa politique intérieure : le bâillonnement de son opposition, la grosse tache noire du régime à côté de ses succès sur les plans économique et social. Voilà qui explique cette grâce présidentielle qui tombe à un mois du sommet de la Francophonie. Sans doute un calcul pour plaire à Paris, qui avait de plus en plus de mal à expliquer pourquoi il a adoubé la candidate de Kigali. Pourtant, c’est connu, le Rwanda dans un passé récent était très critique envers la France au point d’adhérer au Commonwealth.

Quoi qu’il en soit, qu’il s’agisse du résultat d’une pression de la communauté internationale, notamment de Washington et de Paris, et/ou d’une opération de marketing diplomatique, ces libérations d’opposants politiques sont un premier pas de Paul Kagame vers une décrispation de la vie politique dans son pays. On espère que d’autres pas suivront en faveur de la dizaine d’opposants toujours dans les geôles à Kigali ou en exil. En tout cas,  une perestroïka à la rwandaise polirait davantage l’image de panafricaniste intègre que Kagame souhaite laisser de lui à la postérité.

 

La Rédaction

Dernière modification ledimanche, 23 septembre 2018 21:11

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