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Procès putsch manqué: « Bon ballon » expéditif, Bamba plaide coupable mais…

Le colonel Omer Bationo dit « Bon ballon » et le médecin lieutenant-colonel Mamadou Bamba, le « communicateur » du putsch, se sont présentés hier, mercredi 26 septembre 2018 à la barre du tribunal militaire. L’interrogatoire du premier a été expéditif du fait de la légèreté de l’accusation et le second a reconnu sa part de responsabilité dans les événements de septembre 2015.

 

 

A la reprise de l’audience hier matin, le capitaine Dao entamait son 5e jour d’audition. Ses avocats ont souhaité d’emblée produire comme pièce du dossier le rapport de la commission d’enquête mise en place au lendemain du putsch avorté. Après une passe d’armes entre avocats et le parquet sur la question, le président du tribunal, Seidou Ouédraogo, s’appuyant sur son pouvoir discrétionnaire a rejeté sans ménagement la requête de la  SCPA THEMIS-B qui défend le commandant du Groupement des unités spéciales de l’ex-RSP. La parole a ensuite été donnée au capitaine pour son dernier mot. L’officier, comme la plupart des accusés, a conclu son interrogatoire en ayant une pensée pour les victimes et les parents des victimes des événements de septembre 2015.

Contrairement au capitaine Dao qui  a battu pour le moment le record du temps passé à la barre, le prochain accusé sur la liste, le colonel Omer Bationo, surnommé « Bon ballon » par ses camarades au prytanée pour ses qualités athlétiques, ne s’est pas tenu longtemps devant les juges, tant son audition a été pour le moins expéditive. Qu’ils l’aient affirmé sans ambages ou qu’ils l’aient reconnu à mots couverts, les différents intervenants se sont accordés sur le fait que le dossier contre l’ex-chef de corps du RSP (2007-2011) est peu fourni, pour ne pas dire « vide », pour reprendre la formule de son avocat commis d’office, Me Maria Kanyili.

L’officier lui-même a déclaré n’avoir pas sa place à la barre surtout, comme l’a mentionné son conseil, qu’il avait bénéficié d’un non-lieu total prononcé par le juge d’instruction. Trois charges pèsent en tout cas sur le militaire de 55 ans devant la chambre de première instance : complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtres et coups et blessures volontaires.

Au moment des faits, le colonel Omer Bationo dirigeait la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) mais faisait toujours partie des effectifs du RSP. Il a soutenu lors de son interrogatoire avoir reçu un appel du colonel-major Boureima Kéré le 16 septembre 2015 dans l’après-midi, l’informant de la « perturbation du Conseil des ministres » par des éléments de l’ex-RSP. Le chef d’état-major particulier de la présidence lui précisait par ailleurs qu’il avait reçu pour instruction de la part du chef d’état-major général des armées d’aller aux nouvelles.

Le lendemain, le père de trois enfants  a  relaté avoir vu à l’écran comme tous les Burkinabè la déclaration de prise de pouvoir  du CND lue par le médecin lieutenant-colonel Bamba. Il  a alors entrepris d’aller voir le général Gilbert Diendéré pour lui faire part de son souhait de ne pas être associé aux évènements en cours. Et ce, a expliqué cet officier de l’ordre national et décoré de la médaille d’honneur militaire, pour « protéger sa famille » qui avait été traumatisée par les mutineries de 2011. D’après ce qu’il a bien voulu dire au tribunal, son véhicule dans lequel étaient évacués ses proches a essuyé des tirs d’arme qui ont fait trois blessés. « C’était moi qui étais sûrement visé », a commenté le colonel. Pour ne pas subir de nouveau ce genre de mésaventure, il s’est rendu au camp Naaba Koom II en fin de matinée, aux environs de 10h-11h, où il a pu apercevoir le cerveau présumé du coup d'Etat. Mais il n’a pas pu s’entretenir avec Diendéré car ce dernier s’apprêtait à aller à une rencontre avec la hiérarchie militaire. Revenu une seconde fois aux environs de 17h, le DG de la DGSI  a retrouvé  Golf à la présidence. Et une fois encore, le général lui a rétorqué être occupé. « Il m’a dit qu’il devait aller rencontrer des gens à Laïco et que si je voulais le voir, de le suivre. J’ai prétexté du fait que j’étais en tenue civile pour ne pas y aller. Mais par respect pour lui, j’étais obligé de le suivre », a raconté l’accusé qui a toujours paru confiant tout au long de l’audience.

Avec son véhicule personnel, il a donc suivi le cortège du président du CND qui devait rencontrer des ambassadeurs à l’hôtel Laïco. Si au cours de cet aparté entre Gilbert Diendéré et les diplomates, le colonel Bationo Omer a été présenté comme faisant partie de sa délégation, c’était une méprise, a indiqué l’intéressé, puisqu’il n’y était que dans l’objectif de pouvoir s’entretenir avec la principale figure du putsch, selon lui.

L’occasion va se présenter à lui lors d’une suspension de la réunion. Après avoir lui avoir fait part de son souhait de ne pas être impliqué dans la situation en cours, le général, selon l’accusé, lui a indiqué « avoir compris ». Il a donc quitté la seconde suivante les lieux et n’a pas assisté à la suite de la rencontre avec les plénipotentiaires.

Depuis cette date,  a assuré, le colonel Bationo, il n’a plus eu de contact avec le général Diendéré. Par contre, il  a échangé deux fois avec le colonel-major Kéré qui était, a-t-il précisé, son voisin, au sujet de la situation en cours et des difficultés liées au désarmement. Il lui a  conseillé de se démarquer du mouvement  et de se rendre  « Voilà tout ce que  je pouvais dire sur les évènements », a conclu cet ex-patron du RSP.

« Aviez-vous été appelé par le général Diendéré ? » ; « Aviez-vous entendu que Diendéré avait besoin de vous ? » ; « Aviez-vous eu des échos qui faisaient état du fait que Diendéré voulait vous impliquer ? ». A ces questions incessantes du ministère public, l’accusé a répondu par la négative. « Pourquoi alors se sentir obligé d’aller voir le général Gilbert Diendéré ? », a relancé le parquet. Et Omer Bationo de rétorquer que faisant partie des effectifs de l’ex-garde prétorienne de Blaise Compaoré, il avait peur que son nom figure sur une liste d’officiers du régiment pour occuper des postes de responsabilité. Il a rappelé sans le nommé le précédent fâcheux de Jean Baptiste Natama dont le domicile a été saccagé parce qu’il était présenté sur les réseaux sociaux comme devant devenir le Premier ministre du CND.

 

« Il faut le laisser partir »

 

L’accusation, qui salue la constance de l’accusé tout au long de la procédure, a qualifié néanmoins sa démarche d’« illogique ». Le parquet a pointé le fait qu’il se retrouve membre de la délégation de Diendéré alors qu’il voulait se démarquer du coup d’Etat. Omer Bationo, tout en rappelant ne pas être allé à Laïco de gré a réagi en ces termes : « Si je voulais faire partie de la délégation, j’allais y rester après m’être entretenu avec Diendéré ». 

Sur sa décision d’aller dire de vive voix à Golf son souhait d’être mis à l’écart alors qu’il aurait pu procéder autrement, l’accusé a reconnu qu’il aurait en effet  pu le faire au téléphone, que ce soit par un appel ou un message. Mais cela, d’après lui, aurait pu tout aussi être problématique. « Je ne vois pas en quoi il a péché en allant voir Diendéré », a soutenu Me Maria Kanyili. A la lumière des propos de son client et des déclarations du général Gilbert Diendéré qui a maintenu lors de l’enquête que « le colonel Bationo n’avait rien à avoir dans cette affaire », le conseil en conclut que son client n’est pas mêlé aux événements de septembre 2015. « Il n’y a aucune preuve contre lui. Il faut le laisser partir », soutiendra quant à lui Me Yelkouny, un avocat de la défense.

Après l’interrogatoire du colonel qui n’a pas tiré en longueur, a débuté l’audition du « visage cathodique » du coup d’Etat : le médecin lieutenant-colonel Mamadou Bamba, celui-là même que certains journalistes surnomment perfidement « notre confrère », parce qu’il lisait à la télé tous les communiqués du CND et notamment le premier annonçant la prise du pouvoir.

Marié et père d’un enfant, le médecin-militaire de 56 ans est poursuivi pour les faits de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, de meurtres, et de coups et blessures volontaires. « Je reconnais ma part de faits mais je ne pouvais pas prévoir les conséquences prévisibles », a d’entrée affirmé l’accusé de sa voix qui est désormais gravée dans de nombreuses mémoires. Autrement dit, il plaide coupable pour le premier chef d’inculpation mais réfute les deux autres.

 

« Dao m’a dit qu’il y a un coup d’Etat »

 

Selon sa narration, le 16 septembre, il a appris alors qu’il se trouvait au ministère de la Défense dans le bureau du directeur des marchés, que « ça chauffe en ville ». Il a passé des coups de fil pour se renseigner. Prévenu que la population se bousculait dans les stations-service en prévision d’une pénurie d’essence, il est allé lui aussi se ravitailler avant de rentrer chez lui. « Vers 4h du matin, alors que j’étais couché dans la chambre avec ma compagne, j’ai reçu un appel du capitaine Dao. Il m’a dit qu’il y a un coup d’Etat et que j’étais désigné pour lire une déclaration. Je n’en revenais pas. Je suis sorti de la chambre. J’ai pesé le pour et le contre et j’ai répondu qu’il n’y avait pas de problème. Il m’a dit qu’il allait me revenir », a raconté le natif de la province du Kénédougou.

Des dires de Bamba, sa compagne qui l’a trouvé « tendu » après ce coup de fil, et qui le questionnait abondamment sur ce changement d’humeur, et il a fini par cracher le morceau. «  Je lui ai dit que si je ne pars pas, ça va créer des problèmes, si je pars aussi, ce sont des problèmes. Mais je me suis dit que c’est mieux que je parte. Comme ça, si quelque chose m’arrive tout le monde saura. Comme je n’avais pas vu de résistance, il y avait deux conditions : soit ceux qui ont fait le coup d’Etat ont su maîtriser les contestations soit ils ont beaucoup de gens derrière eux », a révélé l’accusé qui a rappelé maintes fois n’être pas concerné par les histoires au RSP puisqu’il n’était pas du régiment.

Quelque temps après, le second coup de fil du capitaine Dao est arrivé, son interlocuteur lui donnait rendez-vous à la télévision nationale et lui conseillait de mettre une tenue Bassawarga. «  J’ai pris mon véhicule et j’ai pris la route. Dao m’attendait devant la porte de la télévision, il m’a fait entrer et on s’est salué. Il m’a tendu une chemise rose dans laquelle il y avait des documents. J’ai pris les documents et je me dirigeais vers le studio. Le capitaine m’a alors interpellé. Il m’a dit : mon colonel vous prenez des documents et vous ne cherchez pas à savoir ce qui est à l’intérieur ? C’est en ce moment que je me suis adossé à un mur pour prendre connaissance de la déclaration », a développé l’accusé.

Dans le studio d’enregistrement, le capitaine Abdoulaye Dao se rendant compte que le lecteur du communiqué n’avait pas le drapeau burkinabè sur sa tenue, a enlevé le sien et l’a collé sur la manche du lieutenant-colonel. Après la lecture de la déclaration, le médecin militaire a indiqué avoir remis le texte au capitaine Dao. C’est ce dernier d’ailleurs, selon ses dires, qui lui remettait les autres communiqués qu’il a lus tout au long de la journée. Après avoir accompagné Dao aux environs de 13h30 au Conseil de l’entente, les deux ont rejoint ensuite le camp Naaba Koom II vers 16h30. De là, l’ex-médecin des sapeurs-pompiers a indiqué s’être rendu à l’hôtel Laïco dans le véhicule d’un soldat qui a bien voulu l’y amener pour la réunion avec les ambassadeurs.

C’est là qu’il a échangé les contacts avec le diplomate américain Tulinabo Mushingi  avec qui il restera en lien durant toute la durée des événements. Le reste du temps, Bamba viendra, d’après ce qu’il a affirmé, faire «  acte de présence » au camp qu’il a définitivement quitté quand il a appris que des soldats des garnisons de l’intérieur du pays étaient en mouvement vers Ouagadougou.

 

« La Constitution ne peut pas me tuer »

 

La version des faits telle que relatée par le conseiller technique du ministre en charge des Relations avec le Parlement au moment des faits (car Bamba occupait ce poste) est en contradiction avec les propos de son intermédiaire au RSP, le capitaine Dao, qui a maintenu, tout au long de son audition, que c’est Bamba qui s’est porté volontaire pour lire la déclaration.

Mais le médecin, pour qui « le jour de l’accouchement, il n’y a pas de honte » a déclaré à ce propos : « Quand j’ai écouté Dao le premier jour, je n’ai pas pu dormir. J’ai passé toute la nuit à pleurer. Comment il peut venir dire ça à la barre alors que c’est lui qui m’a appelé à 4h du matin. J’aurais aimé ne pas connaître Dao dans ma vie ».

Au parquet qui a voulu savoir si l’accusé savait que tout militaire à l’obligation de pas obéir à un ordre qui porte atteinte à la sûreté nationale, le lieutenant-colonel, dont tout le monde aura remarqué le sens de la formule a eu cette saillie : « Il y a des moments où il faut réfléchir sur quand il faut mourir pour la patrie et d’autres moments où il faut réfléchir sur quand il faut vivre pour la patrie ».

« Donc vous avez plus peur du capitaine Dao que de la loi ? », a alors demandé le ministère public. « La Constitution de ce pays ne peut pas me tuer », a rétorqué l’accusé, déclenchant l’hilarité dans l’assistance.

Titulaire d’un diplôme en management, Bamba a aussi justifié son choix de lire le communiqué en se fondant sur un principe qui guide la décision en management, le SWOT, qui peut se traduire par l’analyse de ses forces, de ses faiblesses, des menaces et des opportunités. « Quand j’ai fait l’analyse, j’ai vu que seules les faiblesses étaient positives, tout le reste était négatif », a expliqué celui qui affirme avoir obéi à Dao car il n’excluait pas que ce soit ce dernier l’auteur du putsch et au regard également de tout le mythe qui entourait l’ex-RSP : « J’ai peur du RSP. Il y a des évènements qui m’ont marqué. Il faut avoir peur de gens qui ont tiré une roquette sur leur chef. »

Son audition se poursuit le vendredi 28 septembre 2018 à partir de 9h.

 

San Evariste Barro

Hugues Richard Sama

 

Encadré 1

Ex-médecin personnel de Roch

 

Il ressort du récit de Bamba qu’il a connu le capitaine Dao au PMK dans les années 99-2000. Lui était médecin-chef du prytanée et Dao un simple élève. Ils se sont retrouvés des années plus tard en école de droit avant de se perdre à nouveau de vue quand Bamba est allé en stage aux Etats-Unis. Après avoir notamment servi 7 ans dans les sapeurs-pompiers,  il a été affecté à l’Assemblée nationale en tant que  médecin personnel du titulaire du perchoir qui était à l’époque Roch Marc Christian Kaboré, l’actuel président du Faso. N’étant pas en bons termes avec son successeur Soungalo Apollinaire Ouattara, qui s’est confié à un autre médecin, Bongnessan Arsène Yé lui a trouvé un point de chute au sein du département qu’il dirigeait, celui des Relations avec le Parlement.  Son bureau se trouvait à Ouaga 2000. Et un jour il a croisé dans les environs le capitaine Dao avec qui ils ont échangé leURs contacts. Selon Bamba, les deux s’appelaient de temps en temps et ça s’arrêtait là. « Dao ne connaît pas chez moi, je ne connais pas chez Dao », a-t-il affirmé.

 

H.R.S.

 

Encadré 2

Les 10 millions dans le sachet

 

« Parlez-nous de l’argent que vous a remis Fatou Diendéré ? », est une question du président du tribunal adressée à celui qui se considère comme « la mascotte du coup d’Etat ». Et l’accusé de préciser qu’il n’a pas reçu de l’argent des mains de l’épouse du général mais en a reçu de sa part. Il a confié en effet avoir appelé l’ex-député du Passoré à l’approche de la Tabaski et lui aurait parlé à cette occasion de ses soucis, notamment de son véhicule qui était sur cale. Sur demande de celle qu’il appelle sa « maman », il a affirmé s’être rendu à son domicile, en  l’absence des époux Diendéré, et s’est vu remettre à sa surprise un sachet  d’argent par un homme. « Il m’a dit que c’était pour le colonel Abdoul Karim et moi ». Dans l’emballage il y avait 10 millions de francs CFA que les deux acolytes se sont partagé à parts égales.

 

H.R.S.

 

Encadré3

« Je n’ai pas lu le communiqué par opportunisme »

 

Pendant son interrogatoire, Bamba a dit ignorer qu’un coup d’Etat était en gestation. La seule chose qu’il reconnait est que dès potron-minet, il a reçu un coup de fil du capitaine Dao l’invitant à lire le communiqué. De l’avis du parquet militaire, si tant est que le mis en cause n’en savait rien, c’est qu’il a accepté la proposition du capitaine par « opportunisme. »

Mais pour Bamba, il n’en est rien. « Si c’était le cas, je ne serais pas resté au Burkina Faso. J’ai eu plusieurs offres d’emploi à l’international, mais je n’y suis pas allé. Si j’étais opportuniste j’allais rejoindre le RSP », s’est-il défendu, avant d’ajouter « J’ai été au mauvais endroit au mauvais. J’ai joué un mauvais rôle dans un mauvais film».

 

H.D.

Dernière modification ledimanche, 30 septembre 2018 22:25

Commentaires   

0 #1 BlackPanther 28-09-2018 09:21
Vous voyez l'état d'esprit de nos officiers ?
malgré que le pays se saigne pour les former dans les grandes écoles militaires Vous voyez ? CHACUN VEUT SAUVER SA TETE ET SA FAMILLE ET SE REMPLIR LES POCHES AU PASSAGE !
On comprend maintenant les déboires de nos FDS face aux terroristes ! LE COMMANDEMENT EST NUULLLL !! ZERO POINTé
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