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Année scolaire 2018-2019 : Pas de rentrée à l’école… Somgkaamba

Pour les 320 élèves de l’école Somgkaamba de Zongo, la rentrée est hypothéquée.  Alors qu’ils s’apprêtaient à reprendre le chemin de l’école aujourd’hui lundi 1er octobre 2018, un bulldozer en a terrassé les bâtiments le jeudi 27 septembre 2018. 

 

Le quartier Zongo du secteur 18 de Ouagadougou comptait, jusqu’au 27 septembre 2018, trois écoles primaires. Maintenant il n’en reste que deux puisque l’école primaire Somgkaamba est par terre. Dans la matinée du jeudi 28, l’évènement fait encore l’objet de débats dans les kiosques dans le quartier. La frayeur était de mise. Maintenant qu’elle est passée on peut bien s’en moquer. Certains, qui ont cru dès les premiers moments à une opération antiterroriste, se sont empressés de mettre leurs progénitures à l’abri des balles perdues. Mais ce n’était qu’une simple opération de démolition. Au lendemain des faits, chacun y allait de son point de vue : « Il aurait pu demander en contrepartie une compensation financière pour l’occupation de son terrain au lieu de procéder ainsi », estime un habitant flanqué sur un banc de kiosque. En tout cas, le jeudi vers 8 heures, un bulldozer sous bonne escorte de trois cargos de gendarmes et accompagné d’un huissier a fait irruption à l’école primaire Somgkaamba privée et détruit les deux bâtiments qui servaient de classe, les W-C, la cantine et l’administration. Le promoteur de l’école n’est autre personne que le chef de terre de Zongo. Elle  n’est plus que l’ombre d’elle-même. « Quand ils sont arrivés, les élèves du CM2 qui ont entamé les cours depuis le 17 septembre, étaient en classe. Ils les ont fait sortir et ont démoli le bâtiment », retrace Barthélemy Douamba, un des fils du chef de terre. Dans le bâtiment en banco rien n’a pu être récupéré. « Tables bancs, manuels scolaires, actes d’état civil des enfants, tout y est resté », égrène-t-il. Dans le second bâtiment l’essentiel est sauvé. Avec le concours de certains témoins, les tables et autres matériels ont été sortis de toute urgence et entassés au pied d’un arbre. Au moment de la démolition, Barthélemy, militaire de carrière, a tenté de s’opposer à l’opération mais les gendarmes l’en ont empêché. « J’ai refusé qu’on détruise l’école. Même s’ils allaient m’écraser avec l’école je n’avais pas peur. Les gendarmes m’ont approché pour savoir qui j’étais. Je leur ai dit que je suis militaire. Je n’ai pas peur de mourir pour ça. De toutes les façons, ce sont mes collègues qu’on tue au nord du pays et au Sahel. Je ne suis pas exempt de la mort », relate le soldat.

Ce conflit foncier remonte à quelques années. Le Teng-Soba installé devant sa cour sur un tronc d’arbre mort nous conte l’histoire. « Personne ne m’a devancé ici dans ce village. L’école est sur les ruines de mes premières concessions. J’ai aménagé ici et ai fait de cet espace une école primaire. Au moment du lotissement, le maire Séraphine Ouédraogo avait promis de m’aider pour que j’en aie les papiers. Une promesse qui ne sera jamais accomplie jusqu’à ce qu’un certain Eloi Gansonré vienne nous montrer des papiers et nous dire qu’il est le propriétaire du terrain ». Par la suite, la bataille se fera devant les juridictions puisqu’ils ont été astreints en justice par le sieur Gansonré. Selon son fils ils ont gagné le procès dans un premier temps avant qu’il fasse appelle. C’est à l’issue de cette bataille judiciaire qu’il a tenté le premier déguerpissement en 2016 en vain. Mais cette fois-ci, la population et les promoteurs n’ont pu s’y opposer.

 

Songkaamba sera-t-elle « sous paillote » ?

 

Au lendemain de la démolition, parents et administration de l’école se concertent. Réunis sous un arbre au milieu des ruines de l’école, ils cherchent des solutions pour sauver l’année scolaire. Un monsieur squelettique et élancé donne la parole à tour de rôle. « Nous sommes ici ce matin pour convenir de ce qu’il faut faire après la destruction de l’école. S’il faut qu’on vous rembourse la scolarité pour que vous trouviez la place ailleurs nous le ferons », a-t-il suggéré aux parents des élèves. Une proposition qui n’a pas eu l’assentiment des concernés. « Comment pourrons-nous trouver des places à nos enfants à deux jours du début des classes ?» relève un parent d’élève. L’épineuse question de la rentrée scolaire des élèves de Somgkaamba de Zongo reste posée. Vont-ils suivre les cours sous des tentes ou des paillotes comme le proposent certains parents ? Avant que nous ne quittions les lieux du conseil de classe d’urgence, l’idée de dresser les tentes en guise de classe circulait de façon insistante.

 

« Il ne construira rien sur ce terrain »

 

Pris de court, dépassé par les évènements, le chef de terre, qui ne réalise pas ce qui lui arrive, est peu bavard. Son fils évoque un problème de santé. « Il souffre de la tension. Avec l’émotion, il s’exprime difficilement», nous a-t-il expliqué. « Ce qui m’arrive je ne le comprends pas. Ils veulent me faire la force. Je les laisse avec le ciel et la terre », a fini par cracher le chef de terre. Son fils militaire, lui, ne rechigne pas. Il ne compte pas abandonner le combat de sitôt. Il promet de barrer la route au nouveau propriétaire de la terre. « Il est venu avec l’aide de la gendarmerie détruire l’école.  Mais il ne va pas construire quoi que ce soit sur cet espace », a-t-il promis. 

Le jeune militaire n’en revient pas du tout après ce qui est arrivé à l’école de son géniteur. Il n’en croit pas ses yeux et ne cache pas son indignation face à la justice burkinabè. « Venir faire sortir des élèves en cours et terrasser une école avec l’aide d’un tel effectif de gendarmes ;  c’était inadmissible pour moi. Mais avec l’argent on peut tout faire. Il a utilisé son argent pour corrompre les juges », a-t-il regretté. A l’en croire, l’école est reconnue par l’Etat qui y envoyait chaque année des vivres pour leur cantine scolaire.

 

Même le succès de Somgkaamba ne l’a pas sauvée

 

L’école primaire démolie est sortie de terre en 1999 avant les lotissements de Zongo. C’est en 2008 qu’elle a accueilli ses premiers élèves. Pour cette rentrée, Somgkaamba compte au mois 320 élèves dont 52 en classe du CM2. Dans son parcours, elle a enchaîné les succès jusqu’à présent. Selon les dires de la directrice, son école a déjà eu trois fois un taux de succès de cent pour cent. Aux examens du certificat d’études primaires, de la session passée sur 37 candidats seuls deux ont échoué. Malgré ces performances, Somgkaamba n’est aujourd’hui qu’un amas de gravats. Le litige qui a abouti à la destruction de l’établissement a commencé en 2012. Le premier coup de semonce de l’opérateur économique Eloi Gansonré date  de 2016. « Il était déjà venu forcer les serrures des portes et mettre les tables et manuels scolaires dehors. En son temps le maire central, Armand Pierre Béouindé, le ministre d’Etat, Simon Compaoré, se sont déplacés sur les lieux. Ils ont promis de trouver un terrain d’entente pour mettre fin à ce conflit foncier », relate Barthélemy. Mais que nenni. Il n'y a jamais eu depuis ce jour d’initiative de conciliation jusqu’à ce que le gros engin  vrombisse pour mettre tout à terre, sens dessus dessous, laissant tristes et inquiets   des parents.

 

Lévi Constantin Konfé

 

Encadré :

« Ils prennent juste le minimum »

 

Les parents qui n’ont pas de problème de places vaquent tranquillement aux préparatifs La rentrée scolaire est un théâtre avec des acteurs comme parents d’élèves, libraires et élèves. Leur scène, les marchés et boutiques, les bords des rues…  Une rentrée scolaire, ce n’est jamais par surprise qu’on l’apprend. Mais certains s’y prennent toujours à la dernière minute. Le vendredi 28 septembre aux environs de 11h 28 mn, quand nous mettons les pieds à la librairie DIACFA, il était difficile comme d’habitude de se frayer un passage sans un jeu de coudes. Cette affluence n’est pas sans désagréments pour les responsables de l’entreprise. Zigané, comptable à DIACFA, trouve envahissants les commerçants qui se sont installés juste à l’entrée. Difficile de se garer par là.

De petits commerçants installés autour de la librairie hèlent les clients et courent après eux. « Vous cherchez l’entrée de la librairie ? Venez ! C’est par là », nous lance un d’entre eux non sans nous inviter à jeter un coup d’œil sur ses marchandises. A l’intérieur de la librairie, juste une vingtaine de parents d’élèves venus avec leurs enfants parcourent les rayons des fournitures. Louis Zoungrana, père de deux élèves dit être juste venu faire des achats complémentaires. S’il préfère DIACFA, c’est parce qu’il est sûr de la qualité de ses produits. Un avis qui tranche avec celui de Maï Touré et d’Yvette, deux filles en classe de terminale qui ont opté pour les librairies parterre. Leur explication est qu’elles trouvent les prix à la librairie plus exorbitants.

 Alizata Zongo, agent de la librairie, affirme que cette année l’affluence est en baisse par rapport aux années antérieures. « Les gens viennent cette année juste pour acheter les cahiers, ils n’achètent pas les livres. Ils prennent juste le minimum».

M. Yaméogo en compagnie de son épouse marchande le prix d’un sac avec un ambulant. Sans attendre qu’on lui pose de question, il s’avance et se plaint de la cherté des fournitures scolaires. Lui qui jure n’avoir jamais mis les pieds dans une librairie soutient qu’il est de passage à Ouaga et veut en profiter pour faire le marché.

 

Rabiatou Congo (Stagiaire)

 

Dernière modification lemardi, 02 octobre 2018 09:19

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