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XVIIe sommet Francophonie : Michaelle Jean sacrifiée sur l’autel de la réconciliation franco-rwandaise

La bataille des dames ne devrait finalement pas avoir lieu, et les deux rivales n’auront peut-être pas besoin de se crêper le chignon pour avoir les faveurs des 54 délégations ayant le droit de vote sur les 84 que compte l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).

 

A la veille de l’ouverture de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement qui se tient les 11 et 12 octobre 2018 à Erevan en Arménie, le Canada et le Québec ont annoncé mardi qu’ils se ralliaient à la candidature de Louise Mushikiwabo. Officiellement pour ne pas rompre le sacro-saint consensus en vigueur  dans la famille sur le choix du secrétaire général. Une façon diplomatiquement correcte sans doute de retirer son soutien à la SG sortante, la Canadienne d’origine haïtienne Michaelle Jean, qui espérait renouveler son bail  de quatre ans au 19-21 avenue Bosquet dans le 7e et qui, bien qu’en mauvaise posture face à sa challengeure, entendait aller jusqu’au bout. Va-t-elle camper sur sa position comme son entourage le clamait encore hier au risque d’insulter l’avenir en  se mettant  définitivement à dos son pays, ou bien les nombreuses tractations et autres marchandages courants en pareilles circonstances l’obligeront-elle  à baisser pavillon ? Réponse demain vendredi au plus tard lors du huis clos des chefs de délégation en fin de matinée.

En tout cas avec ce ralliement canado-québécois, c’est un boulevard qui s’ouvre désormais devant la ministre des Affaires étrangères du Rwanda dont la candidature a été suscitée par le président français, Emmanuel Macron, qui était pratiquement son directeur de campagne. Et quand bien même il faudrait passer aux votes, on ne voit pas comment l’affaire pourrait échapper  à celle qui, en plus de la France, est  soutenue par la Belgique, l’Union africaine (qui l’a adoubée en juillet dernier à Nouakchott) ainsi qu’une bonne trentaine d’Etats africains.  

Jupiter, qui n’avait même pas eu l’élégance de prévenir l’autre grand bailleur de l’institution avant d’officialiser son choix le 23 mai 2018 sur le perron de l’Elysée au sortir d’une audience avec l’homme mince de Kigali, a-t-il  promis en échange  de soutenir Ottawa dans sa volonté de devenir membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU ? C’est en tout cas ce qui se dit, même si le Coq gaulois, qui se prend parfois pour ce qu’il n’est  pas, n’y peut pas grand-chose sans l’aval de l’Aigle américain.

En attendant, l’ancienne gouverneure générale du Canada aura été sacrifiée  sur l’autel  de  la réconciliation entre Paris et Kigali qui a toujours accusé la France officielle d’avoir soutenu les génocidaires de 1994 et exigeait d’elle, jusque-là  en vain, un acte de contrition publique. Si bien que les rapports entre Kagame et ses homologues successifs à l’Elysée ont souvent été glaciaux.  A l’évidence  donc, c’est  pour expier ses péchés présumés que l’Hexagone a porté à bout de bras le dossier Mushikiwabo.

 Qu’importe si le Rwanda a tourné ostensiblement le dos au français et à la francophonie en devenant membre du Commonwealth. Qu’importe également si « le soutien aux droits de l’homme» figure en bonne place parmi les valeurs cardinales de la Charte de l’OIF, or tout le monde sait qu’au pays des mille collines, la Déclaration de Bamako n’est pas le texte préféré des autorités :   journalistes,  opposants, artistes et tous ces « droits-de-l’hommistes», qui sont autant d’empêcheurs de gouverner en rond, sont pourchassés, parfois à l’étranger, et  régulièrement victimes d’arrestations arbitraires et d’assassinats, même si nombreux sont ceux qui lui pardonnent toutes ses dérives autocratiques en raison des indéniables progrès socio-économiques qu’il enregistre depuis maintenant un quart de siècle.

Certes, pour faire bonne figure avant le rendez-vous arménien et après des conseils amicaux et autres pressions discrètes,  celui qui ne supporte pas qu’on tousse a consenti dans un timing suspect à donner des gages de bonne volonté en libérant  le 15 septembre dernier des centaines de prisonniers dont de nombreux détenus politiques et d’opinion parmi lesquels  l’opposante Victoire Ingabire et le chanteur Kizito Mihigo. Mais c’était pour menacer de renvoyer au bagne quiconque ne se tiendrait pas à carreau.

Il a beau vouloir de cette prestigieuse fonction pour sa chef de la diplomatie, on ne  se refait pas après 24 ans de règne, et ce n’est pas la désignation de Louise Mushikiwabo qui va y changer quelque chose, pas plus que les relations franco-rwandaises ne vont se réchauffer dans la durée rien que pour ça. Il suffit qu’un petit juge français s’intéresse de nouveau à sa propre responsabilité  dans la tragédie de 94 et c’est reparti. Macron aurait alors fait un mauvais calcul s’il pensait le convertir. 

 

Ousseni Ilboudo  

Dernière modification lejeudi, 11 octobre 2018 22:15

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