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Conflit foncier à Dinahoro : 12 hectares d’anacarde détruits

Triste constat à Dinahoro, situé à une dizaine de km de Sindou, depuis les 29 et 30 septembre 2018. Sous prétexte que les terres appartenaient à leurs parents, des individus ont procédé à la destruction pure et simple d’environ 12 hectares de champs d’anacarde. Cela, sous le regard pacifique du propriétaire. Depuis, c’est le suspense dans cette localité où la cohabitation interethnique est mise à rude épreuve, et les regards sont tournés vers la justice, où une plainte était déjà déposée.

 

 

Sous son regard frustré mais pacifique, le sexagénaire, N’Galima Coulibaly, entrepreneur agricole né à Dinahoro, a vu son champ d’anacarde saccagé par des individus mobilisés et déterminés à commettre cet acte. Munis de fusils et de machettes, ils se sont attaqués à l’exploitation qu’il a héritée de son père. Ces derniers ont pris le soin de couper les anacardiers qui avaient commencé à produire depuis l’année passée. Après, ils sont allés jusqu’à dessoucher une bonne partie des arbres et à les incendier. Les anacardiers avaient commencé à produire, donc c’était la désolation chez la victime et ses proches qui disent avoir réussi à garder leur sang-froid et à maîtriser leur communauté 2 jours durant devant ce spectacle combien ruinant de tant d’années d’efforts. Cependant, ils ont pris le soin de recenser les noms des individus qu’ils ont pu reconnaître et une liste de 37 noms a été dressée.

 Cette sortie semble un message clair adressé aux occupants, qui sont traités d’«usurpateurs » de terres. « Ils veulent que nous quittions les lieux », explique N’Galima, qui indique que leurs déboires ont commencé il y a 3 ans. Trois des leurs ont été agressés et une plainte a même été déposée en justice. Mais il y a eu l’intervention du chef du canton de Kawara, qui, dit-on, demandait aux « Nantioros » (ethnie autochtone) de laisser les terres aux occupants. C’est donc dans la surprise totale que ce « massacre environnemental » a été perpétré, obligeant le préfet de Sindou, à travers une réquisition,  à envoyer les services de l’environnement sur les lieux. La victime qui dit avoir confiance en la justice du Faso, attend d’être rétablie dans ses droits, mais craint désormais une escalade de la violence. « Ils peuvent même venir nous attaquer de nuit et qu’est-ce qui pourrait se passer si notre communauté entre dans la danse ? », craint un habitant. Car aucun de la liste dressée n’avait encore été entendu dix jours après les faits.

Ce qui confirme les craintes d’une escalade chez N’Galima Coulibaly, c’est qu’il y a eu des victimes avant lui. Au dire de Soungalo Coulibaly, il y a 3 ans, il a vu les terres d’anacarde héritées de son père retirées par des gens du village qui se réclament propriétaires légitimes.  «J’ai vu des gens du jour au lendemain venir ramasser mes noix de cajou et quand j’ai voulu parler, ils m’ont convoqué à la police», témoigne ce dernier qui a soutenu avoir été gardé en cellule pendant une semaine à Sindou jusqu’au paiement d’une caution de 100 000F CFA. Une somme réglée par le sexagénaire, qui depuis, le soutient socialement et financièrement. Avec 2 femmes et 8 enfants, il avoue que c’est dur. Les flics lui reprochaient d’avoir menacé avec un fusil, ce qu’il ne reconnaît pas. Mais, lui, semble avoir plus de chance, car il y aurait 8 chefs de famille qui ont été obligés de quitter le village car leurs champs ont été purement et simplement retirés. Adama Coulibaly a eu la malchance de voir une partie de son champ, 2 hectares d’anacarde de 3 ans, détruite et retirée. «Que deviendrait un paysan sans terre cultivable alors qu’il n’est pas commerçant ?», c’est la question lancinante que se posent les victimes de Dinahoro où la liste pourrait s’allonger si rien n’est véritablement entrepris. C’est en effet le cas de Sanogo, qui, après avoir exploité un champ d’anacarde durant 27 ans, a eu un sursis suite à l’intervention du préfet de la localité le 30 septembre dernier. Les destructeurs de l’environnement avaient en ligne de mire son champ.

La culture de l’anacarde qui fait des millionnaires dans les rangs des pionniers du domaine y est pour beaucoup, engendrant une pression foncière, qui, si l’on n’y prend garde, pourrait constituer une poudrière dans bien des localités. La réaction diligente de l’administration pourrait peser lourdement en faveur de la paix sociale et ce ne sont pas les textes d’application qui manquent.

En effet, à Sindou, notre passage est même salué par le préfet, André Lankouandé, pour qui, cela permettra à certains de se «remuer». Se défendant,  il dira que le dossier n’est plus dans ses mains depuis le dernier trimestre de 2017 mais à la justice. Il dit avoir instruit les services des Eaux et forêts pour un premier constat et il attend une seconde évaluation. Le dossier de ce constat devra être reversé dans le dossier judiciaire pour appréciation du juge qui tranchera. Il a reçu les protagonistes à plusieurs reprises  mais avoue que le dossier dépasse sa compétence au regard de la plainte du producteur semencier.

A la direction provinciale des Eaux et forêts de la Léraba, Bonaventure Traoré, directeur provincial, es quant à lui, formel après le constat effectué par ses services. «Le code de l’environnement condamne cela». Car, sous aucun prétexte, pas même ce problème foncier latent, on ne peut se rendre justice en massacrant l’environnement, que ce soit des espèces protégées ou non.

 

Luc Ouattara

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