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Mémorial Thomas Sankara : Le symbole en attendant la justice

Le projet a enfin pris corps

En effet, la première pierre du futur mémorial de Thomas Sankara a été officiellement posée hier lundi 15 octobre 2018 au siège du Conseil de l’entente où le chef de la révolution burkinabé a été abattu (lire aussi page 8). Soit trente-et-un ans après l’assassinat du président du Conseil national de la révolution (CNR) et de ses douze apôtres.

 

Une cérémonie qui a pris l’allure d’un pèlerinage sur les lieux du crime et, où  trois décennies après le jeudi sanglant d’octobre 87, l’émotion est encore vive chez les fidèles du capitaine Sankara.

Germaine Pittroipa, première femme à occuper le poste de haut-commissaire, qui fond en larmes, et le président du comité international Mémorial Thomas Sankara, le colonel-major Bernard Sanou qui écrase une larme. Il faut croire que la douleur reste vivace.

En entrant dans ce bâtiment devant lequel Thom Sank a rendu le dernier souffle, fauché par les balles de ses frères d’armes et compagnons de lutte, comment, en effet, ne pas éprouver quelques frissons ?

C’est donc pour perpétuer la mémoire du bouillant et charismatique leader de la révolution que ce monument sera érigé pour être un espace de rencontre et de recueillement ainsi qu’un lieu de promotion des valeurs et idéaux que l’illustre disparu a défendus et même incarnés.

Pour autant, l’initiative ne semble pas faire l’unanimité au sein de la galaxie sankaraiste, certaines étoiles, y compris dans sa famille biologique, s’en étant désolidarisées pour diverses raisons.

En fait rien de bien nouveau sous le soleil sankariste, tant  l’unité est loin d’être la vertu cardinale des héritiers de l’icône de la révolution d’août avec cette kyrielle de partis politiques qui se multiplient par scissiparité ; chacun revendiquant sur tous les toits la vraie sankaritude.  Résultat de cette pitoyable guéguerre de filiation politique : si la tête du héros se vend toujours bien, ses rejets peinent encore à constituer une véritable force politique susceptible de conquérir et de gérer seuls le pouvoir d’Etat. Tant et si bien que certains leaders ont parfois été obligés de composer avec ceux à qui le crime a profité.

Ce fut d’abord le cas sous Blaise Compaoré et ça l’est encore sous Roch Marc Christian Kaboré, puisque le principal parti sankariste, l’UNIR/PS, est aujourd’hui membre de la majorité présidentielle, et son patron, Me. Bénéwendé Stanislas  Sankara, vice-président de l’Assemblée nationale.

Pendant donc qu’ils sont en train de se ruiner en querelles picrocholines, le mémorial prend corps au moment où le dossier judiciaire patine.

Certes, par le fait du prince la procédure judiciaire a été rouverte d’autorité après l’insurrection populaire d’octobre 2014 par le président de la Transition, Michel Kafando.

Certes encore une quinzaine de personnes, parmi lesquelles  le général Gilbert Diendéré et le médecin militaire Alidou Diébré ont été inculpées (1).

Certes, toujours, des mandats d’arrêt internationaux ont été émis contre certains suspects.

Certes, enfin, la France a levé le secret défense sur cet assassinat, comme l’avait promis Emmanuel Macron lors de sa visite à Ouagadougou le 28 novembre 2017.

Mais le dossier semble de nouveau enterré depuis l’exhumation de ce qui est censé être les restes des suppliciés du 15 octobre.

Après plusieurs test ADN, les célèbres ossements restent muets, ce qui a eu pour conséquence le ralentissement de la machine judiciaire qui s’était pourtant emballée sous la Transition.

Trente-et-un ans après, les ayants droit attendent toujours que la lumière se fasse enfin sur le jeudi noir d’octobre 87.

 

Alain Saint Robespierre  

(1)                       Médecin-commandant à l’époque des faits, c’est lui qui a signé le certificat de décès de Thomas Sankara sur lequel il est mentionné : « décédé le 15 octobre 1987 à 16h 30 de mort naturelle. »

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