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Cameroun : Ça commence mal pour Biya à ce 7e mandat

Attaques des séparatistes anglophones, pressions de la communauté internationale, réserves des évêques du pays : proclamé vainqueur de l’élection présidentielle du 7 octobre dernier avec 71,28% des voix, Paul Biya ne commence pas son  7e mandat  sous de bons auspices.

 

En interne, après le rejet catégorique de ces résultats par l’opposition, tous partis confondus, c’est au tour de l’influente Eglise catholique d’exprimer ses réserves sur le scrutin. Ainsi pour Monseigneur Samuel Kleda, le président de la Conférence épiscopale, les chiffres donnés par le Conseil constitutionnel ne reflètent pas la réalité. Et le prélat de pointer du doigt, pour l’exemple, les 89% de suffrages exprimés en faveur du parti au pouvoir dans la région du Grand-Nord. Il juge ce taux de suffrages en faveur du président-candidat surréaliste, car provenant d’une région où les multiples difficultés existentielles des populations nourrissent depuis longtemps leur défiance vis-à-vis du pouvoir en place. On le voit bien, la position des évêques du Cameroun n’est pas loin de celle des opposants, d’une partie de la société civile du pays et de celle de tous ces observateurs qui dénoncent ces résultats comme étant «fabriqués» au service d’«une victoire volée».

A côté de cette contestation  pacifique interne de la réélection de Paul Biya, il y a celle armée des séparatistes qui donne plus que du fil à retordre au gouvernement de Yaoundé. Ils ont encore frappé hier dans les environs de Bamenda, la capitale de la région du Nord-Est, faisant deux morts parmi les forces de défense et de sécurité. Six jours plus tôt, ils avaient enlevé dans cette ville six élèves. Dans le Sud-Est, l’autre région anglophone, les conditions de sécurité se sont aussi dégradées avec une recrudescence des vols, des kidnappings et du trafic d’armes. Conséquence de cette situation sécuritaire délétère, 40 000 Camerounais ont émigré au Nigeria voisin tandis que 300 000 autres sont des déplacés dans leur pays.

Cette situation pas du tout reluisante dans la zone anglophone et l’inadéquation de la réponse gouvernementale à cette crise, conjuguées à une élection présidentielle aux résultats contestés, expliquent que la communauté internationale soit de plus en plus circonspecte sur la gouvernance de Paul Biya. Enfin, dira-t-on.

En tout cas, victoire volée ou pas à cette présidentielle,  on a noté les messages de félicitations timorées de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis à Paul Biya et l’embarras visible de la France devant cette réélection. Et si la contestation interne des multiples réélections de Paul Biya est récurrente, c’est une première qu’elle paraisse comme une pilule amère qu’avale difficilement la communauté internationale. Ainsi, les Etats-Unis n’excluent pas de saisir le Conseil de sécurité au sujet de la crise séparatiste tandis que la France ne cache plus son inquiétude devant la dégradation de la situation sécuritaire dans le pays.

Paul Biya n’a pas encore prêté serment pour son 7e mandat que sa légitimité est écornée et en interne et à l’international. Ce 7e mandat ne pouvait commencer plus mal pour ce dinosaure de la politique africaine qui règne plus qu’il ne gouverne un Cameroun désormais à la croisée des chemins : ou Paul Biya et son gouvernement changent leur fusil d’épaule pour abandonner la politique de répression des séparatistes pour explorer celle du dialogue inclusif, ou c’est la fuite en avant vers des lendemains incertains pour le pays. On se retient de prédire un chaos au Cameroun sans pour autant être inattentif à ces voix qui dénoncent la lourde mainmise du parti présidentiel sur le pays. Et si pendant longtemps la solution de la stabilité du Cameroun a été Paul Biya, sa grande longévité au pouvoir devient problématique pour bien d’observateurs. Et si ce 7e mandat était le mandat de trop ?

 

Zéphirin Kpoda

Dernière modification ledimanche, 28 octobre 2018 19:29

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