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An IV insurrection populaire : Quid du dossier judiciaire ?

Quatre ans après l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 ayant mis fin au régime de président Blaise Compaoré, beaucoup doivent bien se demander ce que devient le procès des membres du gouvernement d’alors. A la Haute cour de justice (HCJ), la juridiction chargée de juger les anciennes autorités, on n’attend plus que la fin du procès du coup d’Etat manqué, pour mettre en branle la machine judiciaire. C’est ce que nous a confié le 25 octobre 2018, Armand Ouédraogo, le procureur général de la HCJ.

 

 

L’ancien Premier ministre, Luc Adolphe Tiao et les 34 autres membres de son gouvernement avaient été mis en accusation par la Résolution no 29-2015/CNT du 16 juillet 2015 du Conseil national de la Transition. Ils sont, en effet, poursuivis pour avoir décidé, au cours du Conseil extraordinaire des ministres du 21 octobre 2014, de prendre une réquisition complémentaire spéciale ; laquelle faisait appel à l’armée pour maintenir l’ordre avec usage d’armes à feux, dans la perspective du vote de la loi consacrant la modification de l’article 37 de la Constitution burkinabè. C’est sur cette base donc que le CNT avait joué son rôle de procureur en mettant en accusation tout le gouvernement Tiao avant d’envoyer le dossier au procureur général de la Cour de cassation qui fait office de procureur de la Haute cour de justice. C’est cette juridiction, selon la loi, qui est chargée de juger les membres du gouvernement et le chef de l’Etat.

«En instruisant le dossier, deux ministres ont bénéficié d’un non-lieu car ils étaient absents et n’ont donc pas participé au Conseil extraordinaire des ministres. Ce sont  Yacouba Ouédraogo (ministre des Sports et des Loisirs) et Clotilde Ki (ministre délégué chargé du Budget) », a indiqué le procureur Armand Ouédraogo.  

Aussitôt ouverte, aussitôt suspendue

L’instruction terminée, l’audience, elle, s’est ouverte le jeudi 27 avril 2017, au tribunal de grande instance de Ouagadougou, qui a abrité à l’occasion, l’audience de la Haute cour de justice, présidée par le député, Mathieu Bèbrigda Ouédraogo. A l’issue de l’appel nominatif des 35 inculpés, 6 ont brillés de par leur absence : Blaise Compaoré (ministre de la Défense) ; Lucien Marie Noël Bembamba (Economie et Finances) ; Koumba Boly/Barry (Education nationale et de l’Alphabétisation) ; Salif Lamoussa Kaboré (Mines et Energie) ; Tinga Jérémie Ouédraogo (Ressources animales) et Assimi Kouanda (ministre d’Etat, chargé de mission auprès du président du Faso). Les membres du gouvernement Tiao III sont poursuivis, entre autres, pour «complicité d’homicide volontaire » et «coups et blessures volontaires» car la répression menée contre les manifestants a causé la mort de plus d’une vingtaine de personnes et près de 600 autres ont été blessées.  

On se rappelle que le procès avait été suspendue « parce que les avocats de la défense ont soulevé des exceptions et la plus importante consistait à dire qu’au niveau des textes internationaux que le Burkina Faso a ratifié, toute personne a droit à ce que sa cause soit jugée par un deuxième degré de juridiction. C’est le principe du double degré de juridiction. Nous au parquet, nous étions fondé à dire que la loi sur la Haute cour de justice est belle et bien conforme à notre Constitution, mais les avocats se sont opposés en estimant que cette loi ne prévoit pas ce principe du double degré. Après une suspension, nous sommes allés devant les juges du Conseil constitutionnel qui ont tranché en déclarant que le texte n’est pas conforme à la loi fondamentale. Il fallait donc qu’on relise le texte sur la Haute cour de justice d’où la suspension du procès », a expliqué Armand Ouédraogo. Depuis lors, beaucoup croyaient que le dossier n’allait plus être jugé mais le temps de la suspension a été mis à profit par les techniciens du Droit pour mettre la législation burkinabè en conformité avec des textes comme le Pacte international sur les droits civils et politiques.        

La loi sur la Haute cour et celle relative à la justice militaire, relues au même moment

C’est à la faveur de la 2e session extraordinaire de l’année 2017 que l’Assemblée nationale a examiné et voté le 4 juillet le projet de loi relatif à la modification de la loi organique portant organisation et fonctionnement de la Haute cour de justice. La Représentation nationale a ainsi décidé de créer une deuxième chambre à même de statuer sur la décision que va rendre la première instance. C’est le même jour qu’a été également examiné et voté le projet de loi relatif à la modification de la loi portant Code de justice militaire en vue d’intégrer le même principe.

Après ce vote, la Haute cour de justice et le tribunal militaire sont aptes pour juger les dossiers pendants devant eux. Mais il fallait trouver l’ordre des procès car les deux juridictions ne peuvent pas juger simultanément. Pourquoi ? Réponse du procureur général : « D’abord, à la Haute cour de justice, nous avons une partie du dossier du putsch manqué puisqu’on a inculpé un ministre pour complicité, le colonel Sidi Paré. Du coup, on ne peut pas le juger avant de connaitre le sort des Diendéré et autres qui sont les auteurs principaux. Cela veut dire que si le général Diendéré et autres sont déclarés innocents par exemple, nous sommes obligés de relaxer immédiatement le ministre Paré. Ce sont les textes qu’on applique, s’il n’y a pas d’auteur principale, il ne s’aurait y avoir de complice, voilà techniquement ce qui nous bloque. Ensuite, par rapport au dossier de l’insurrection populaire qu’on avait commencé à instruire, il y a des inculpés qui figurent sur les deux tableaux (le général Djibril Bassolé par exemple, ex ministre des Affaires étrangères, il y des témoins dont nous avons besoin, mais ils se retrouvent de l’autre côté). On s’est alors concerté avec les juges militaires pour que eux commencent leur procès ».        

Les parties civiles peuvent désormais se constituer

 «Dès que la justice militaire donne le verdict, le lendemain, nous serons à mesure de donner une date pour la reprise du procès du gouvernement Tiao III », a indiqué Armand Ouédraogo qui a précisé que de nouvelles citations à comparaitre seront produites, il en est de même pour la convocation de témoins et le tout par voix d’huissiers. A la reprise de l’audience, les parties civiles pourront désormais se constituer dans le but de demander des dommages et intérêts, si toute fois les mis en cause sont reconnus coupables.

Il faut noter que le nouveau Code pénal exclue la peine de mort. Un autre changement : le procès se tiendra aussi dans la salle des Banquets de Ouaga 2000 mais sera médiatisé, car la loi permet la retransmission en direct des débats, «même si on étudie toujours les modalités ». A l’opposé du procès du putsch, les journalistes, pourront tourner des images et enregistrer le procès.

Selon la loi, à la fin du procès, il y a possibilité de faire appel. Dans ce cas, la décision rendue en première instance sera suspendue le temps que le deuxième degré de juridiction vide sa saisine. Pour ce procès en appel, les accusés feront face à un magistrat professionnel car les juges politiques ne siègent pas en appel.     

 

Aboubacar Dermé

Dernière modification lejeudi, 01 novembre 2018 22:39

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