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Restitution des biens culturels africains : La France fera-t-elle œuvre de pionnière ?

 

Chose promise, chose due ! Le président Macron l’avait annoncé le 28 novembre 2017 lors de sa visite au Burkina ; le rapport  Bénédicte Savoy- Felwine Sarr en balise le chemin : 90 000 objets d’art d’Afrique subsaharienne pourraient être restitués à leurs pays d’origine d’ici cinq ans. C’est du moins ce que laissent entrevoir les conclusions des travaux des deux experts que Paris avait commis pour réfléchir sur la mise en œuvre de restitutions temporaire ou définitive d’éléments du patrimoine africain.

 

 

Felwine Sarr et Bénédicte Savoy remettent leur  rapport ce matin au président Macron et d’Addis-Abeba à Yaoundé en passant par Bamako, Cotonou… bien des capitales africaines tendent l’oreille vers Paris. Que va répondre le président français aux deux experts, qui proposent et défendent l’idée de «restitutions permanentes» des biens culturels africains détenus par les musées publics français ?

 

La réaction du président Macron est attendue, car les recommandations des deux experts, qui demandent, entre autres, de modifier la loi française, notamment le code de patrimoine, afin de rendre possible ces restitutions, créent la polémique. En effet, actuellement la loi française n’autorise la restitution d’aucune œuvre d’art prise pendant la colonisation aux Etats qui en feraient la demande. Or, des 90 000 objets des musées publics de l’Hexagone identifiés par le rapport Savoy-Sarr comme provenant d’Afrique subsaharienne, deux tiers ont été acquis entre 1885 et 1960, c’est-à- dire en pleine période coloniale. Plus fondamentalement, la polémique porte sur le fait que restituer aujourd’hui ces biens, c’est assurément un aveu de culpabilité de la France rendue responsable de la forfaiture des militaires, des administrateurs coloniaux ou de leurs descendants qui ont organisé le rapt ou le trafic de ces œuvres d’art ; or la France peut-elle payer à l’Afrique la totalité de sa dette coloniale ?

 

Certainement pas, mais un tiens vaut mieux que deux tu l’auras, et dans cette volonté de restituer ces biens culturels, la France fait œuvre de pionnière. Si d’ici cinq ans le Bénin se réappropriait les trônes mystiques des rois Glélé, Ghezo et Béhanzin, le Sénégal le sabre d’El Hadj Omar, le Mali les masques sacrés dogons, l’Ethiopie, ses peintures sacrées, etc., ce sera toujours cela de gagné pour le continent en attendant l’hypothétique réparation officielle de la dette coloniale.

 

Sans présager donc de la réponse du président Macron aux recommandations des deux experts, on s’interroge déjà sur les conditions d’accueil de ses œuvres dont la restitution est  annoncée. C’est connu, bien des musées sous nos tropiques sont des bâtisses décrépies où les pièces sont exposées à la poussière, à l’humidité et  aux termites. On voit mal alors nos pays dépoussiérer d’ici cinq ans nos musées branlants pour accueillir 70 000 chefs-d’œuvre du prestigieux Musée du Quai Branly de Paris.

 

Au risque d’être un rabat-joie des nationalistes et des patriotes africains à la petite semaine, il faut dire que ces biens culturels sont plus protégés, plus valorisés, plus visités dans l’Hexagone qu’ils le seront une fois rendus à leurs pays d’origine. Nous sommes si peu à visiter les musées en Afrique. Si personne n’est contre la sauvegarde de nos valeurs culturelles, force est de reconnaître que la promotion de musées dignes de ce nom est le dernier souci dans des pays où tout est priorité… à commencer par manger à sa faim.

 

 

Zéphirin Kpoda

Dernière modification ledimanche, 25 novembre 2018 18:05

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