Menu

Patrimoine culturel: Restitution des objets d’art africains

Après l’engagement d’Emmanuel Macron de restituer de façon temporaire ou définitive les objets d’art africains spoliés par la France entre 1885 et 1960 dans un délai de 5 ans, il a commis l’écrivain sénégalais Felwine Sarr et l’historienne d’art la Française Bénédicte Savoy de proposer des options en vue de leur restitution temporaire ou définitive. Le rapport a été remis le 24 novembre 2018. Il suscite des débats vifs en France et en Afrique où les arguments sérieux côtoient d’autres plus fallacieux.

 

 

Beaucoup d’Africains avaient mis la promesse faite par Macron le 27 novembre 2017 au Campus de Ouaga sous le coup de la communication politique de même que la commission ad hoc a été perçue comme participant du dilatoire. Il y a eu tellement de rapports et d’études que Macron a commandités et prestement mis sous le boisseau comme le rapport de Borloo sur les cités.

Mais au finish, tout le monde est bien surpris. Les deux universitaires ont rendu un rapport d’une grande rigueur scientifique et qui propose  une petite révolution dans le règlement du passif patrimonial entre la France et ses anciennes colonies d’Afrique. Ce rapport  suggère que la France rende de manière définitive les objets du patrimoine spoliés pendant la période coloniale et, pour ce faire, que le code du patrimoine soit relu pour permettre cette restitution d’Etat à Etat sur demande expresse du pays africain qui le souhaite.

Et depuis que le rapport est annoncé, on assiste à une levée de boucliers des opposants à ce rapport qui se recrute dans les rangs des directeurs de musées et des marchands d’art français ainsi que des Africains chargés de le diffamer.

Stéphane Martin, directeur du Musée du Quai Brandy qui détient plus de 70 000 objets du patrimoine africain, craignant certainement que la restitution vide son Musée de ses plus belles pièces, a voulu affaiblir les recommandations du rapport en arguant que le patrimoine du Musée appartient à l’universel et qu’il faut plutôt penser à la circulation des œuvres entre Paris et l’Afrique à travers des prêts temporaires. C’est ce que dit aussi Erick Cakpo en convoquant le concept d’ « hétérotopie » de Michel Foucault pour parler des musées comme des « lieux autres ». On pourrait leur rétorquer que le retour définitif des œuvres ne signifie pas qu’elles ne circuleront. Mais pas ce sera au Quai Branly de prêter ses œuvres et non l’inverse.

L'ex-ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon s’est aussi fendu d’un article pour défendre l’universalité du patrimoine et la nécessité de faire des musées parisiens les places tournantes de cette universalité. Certains marchands arguent qu’il existe des objets qui n’ont été ni volés  ni butin de guerre, qui ont été achetés à des détenteurs africains.  C’est à dessein que celui-ci veut faire l’amalgame entre les objets à restituer qui sont ceux pris pendant la période coloniale et appartiennent à l’État français et les objets appartenant à des privés. Même les immenses collections amassées  par les missionnaires de l’Eglise catholique ne sont pas concernées par cette restitution.

 

Il y a des pays africains leaders dans la réclamation de leurs objets pillés tels le Bénin. D’ailleurs, Macron a décidé dès la réception du rapport Sarr-Savoy de restituer au pays de Béhanzin  les vingt-six objets subtilisés lors de la conquête du royaume du Dahomey.

Le Sénégal et la Côte d’Ivoire jouent aux équilibristes en insistant sur la circulation des biens et non sur leur retour. Etrange comme l’histoire bégaie et se répète. Comme lors du référendum de 1958, de ces deux pays ne viendra pas le choix de l’émancipation. La position du Burkina Faso n’a toujours pas été précisée bien que l’idée de la restitution y ait été lancée. Le ministère de la Culture informe qu’il précisera sa position ce jeudi 29 novembre 2018. On espère que le pays des hommes intègres prendra la décision que dictent la raison et l’histoire : la restitution. Ni l’absence de musée ni toute autre considération ne peuvent prévaloir sur l’impérieuse nécessité  de reconnecter la jeunesse burkinabè avec son patrimoine et le génie de son art. Le pays a d’ailleurs eu tout le temps de se préparer pour accueillir le retour du  patrimoine dont il a été spolié, car il n’y a pas de prescription sur la date de la réclamation ; elle peut intervenir à tout moment. Aussi ce jeudi est-il un moment historique pour  le Burkina Faso. Qu’il veuille récupérer légitimement son dû ou le laisser entre les mains du pays qui l’en a dépossédé…

Saïdou Alceny Barry

 

 

Ajouter un Commentaire

Code de sécurité
Rafraîchir

Retour en haut