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Augmentation du prix des hydrocarbures : Nos « gilets jaunes » étaient en rouge

Comme annoncé par la Coalition nationale de lutte contre la vie chère, la corruption, la fraude, l’impunité et pour les libertés (CCVC), la journée nationale de protestation contre la hausse des prix des carburants a eu lieu le 29 novembre 2018 sur l’ensemble du territoire national. A Ouagadougou, les marcheurs ont demandé un retour au prix des hydrocarbures d’avant la décision gouvernementale d’augmentation de 75 francs CFA, datant du 08 novembre dernier.

Sur leurs affiches et pancartes, on pouvait lire «oui au retour de l’ancien prix des hydrocarbures», «non à la vie chère», «oui à la relecture du prix des hydrocarbures», ou encore «non au règne inutile de Roch et ses alliés». Zaliatou Yaonaba, enseignante du primaire, tire sa motivation du premier slogan. «L’augmentation du prix des carburants à 75 F CFA, c’est trop. C’est révoltant», s’est-elle offusquée. Si Zaliatou a décidé de marcher aujourd’hui, c’est aussi contre le prélèvement à la source de la taxe de résidence. Elle ne comprend pas la logique qui a prévalu.  « On augmente le prix du carburant à la pompe, et on nous coupe au même moment le salaire soi-disant que c’est pour la taxe de résidence. Sur quelle base ces coupures ont été faites ? Il y a des gens qui avaient déjà payé la taxe de résidence, malgré cela, on a coupé quelque chose dans leur paie. Il n’y a aucune logique. Nous ne sommes pas d’accord. Il y a des couples où on a coupé chez l’époux et chez l’épouse. C’est le cas de mon époux et moi.  Qu’est-ce qui explique cela ? ». L’enseignante, qui a déjà touché son salaire de ce mois, a constaté sur son bulletin de paie que la taxe de résidence a été prélevée. Ce qui n’est pas sans incidence sur son budget mensuel de fonctionnement. « La somme coupée n’est pas petite, a fait remarquer l’enseignante. 5 000 francs CFA, ça suffit pour renouveler son abonnement télé. 5 000 francs CFA, ça fait 10 jours de carburant. Je suis maintenant obligée de chercher cette somme ailleurs pour boucher le trou ».

Quelques mètres plus loin, Denis Nassala, en jean bleu et en tee-shirt rouge du Syndicat national des télécommunications (SYNATEL), scande «non à la vie chère». Pour lui, il est inconcevable que le prix du carburant monte en flèche du jour au lendemain. « Pendant que le peuple est en train de trimer,  n’arrive pas à joindre les deux bouts, on prend des décisions comme pour nous ramener en arrière. On veut diminuer le pouvoir d’achat de la population. Le moment est vraiment mal choisi. 75 francs CFA comme augmentation, c’est trop, quels qu’en soient les motifs avancés », a-t-il affirmé. 

Jean Pilabré, travailleur à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), a dit avoir été surpris par l’augmentation des prix des carburants, surtout, a-t-il indiqué, quand cette décision vient d’un gouvernement qui est venu au pouvoir après une insurrection populaire. « Depuis que le pouvoir actuel est là, je n’ai pas vu ce qu’il a pu apporter dans l’amélioration des conditions de vie des travailleurs. Dès que j’ai appris l’annonce de la marche, j’en attendais impatiemment le jour, car l’augmentation des prix des carburants nous touche tous. Le gouvernement se justifie en demandant aux gens de contribuer à l’effort de guerre, cet effort ne doit pas venir du citoyen lambda tout seul. Nos autorités doivent donner l’exemple. On parle de réduction du train de vie de l’Etat, jusqu’à présent, je ne vois pas ce que l’Etat fait pour cette réduction. Tout le monde en parle, mais l’Etat y reste sourd. A mon avis, l’exemple doit venir d’en haut », a développé ce militant de la CGTB.

 

«Nous soutenons nos parents»

 

Dans la foule, un homme exprime sa colère. Il crie tellement fort que, malgré les bruits des sifflets, sa voix se fait entendre.  Il en veut au gouvernement. «Nous voulons qu’on revienne à l’ancien prix, a souhaité Abdoulaye Cissé, fonctionnaire. Cette augmentation a un impact très négatif sur le niveau de vie des populations. Les arguments avancés pour justifier la hausse des prix des hydrocarbures ne volent pas haut. Le gouvernement pouvait nous dire qu’aujourd’hui, il est confronté à un problème grave de déficit budgétaire lié à son incompétence dans la gestion des finances publiques, et qu’il veut temporairement faire augmenter les taxes pour pouvoir supporter le budget. Là, je serais d’accord ». Pour le moment, le jeune fonctionnaire n’a pas pris son bulletin de paie, donc il ignore si la taxe de résidence a été prélevée. Contrairement à lui, Fousséni Diallo, gestionnaire des ressources humaines, a écarquillé les yeux quand il a pris son bulletin de salaire. Il les a bien frottés pour regarder avant de se rendre à l’évidence que 5 000 francs CFA ont été enlevés de ses 30 jours de dur labeur. «Je ne sais pas sur quelle base cette somme a été enlevée. Ce n’est pas le fait de couper qui me pose problème, c’est la manière dont cela a été fait. Nous voulons des explications».

Dans les rangs, des élèves. Les tenues kakis sont les plus remarquées. Ils sont touchés par cette hausse parce que le pouvoir d’achat de leurs parents en prend un coup. «Nous apportons notre soutien à nos parents. C’est eux qui nous donnent l’argent pour mettre le carburant dans nos motos», a ainsi justifié sa présence, Arnaud, un élève du lycée Philippe Zinda.

Après la remise de la plateforme minimale revendicative au ministre du Commerce, retour au point de départ : la Bourse du travail. C’est le moment pour les organisateurs de prendre la parole. En rappel, c’est le 8 novembre dernier que la décision d’augmenter les prix des hydrocarbures a été prise. Son application s’est faite le lendemain 9 novembre. «Une mesure brusque, injustifiée et injustifiable, prise dans un contexte extrêmement difficile pour la très grande majorité de nos populations des villes et des campagnes, qui ploient déjà sous le poids de la vie chère et de la misère», a déploré Chrysogone Zougmoré, vice-président de la Coalition nationale contre la vie chère (CCVC).

Dans une circulaire datée du 28 novembre 2018, le ministre de la Sécurité a adressé au chef d’état-major de la gendarmerie une «réquisition particulière» de gendarmes pour le maintien de l’ordre dans le cadre de la marche de la coalition contre la vie chère. Cela fait sourire Bassolma Bazié, secrétaire général de la CGT-B. «Qu’ils soient des gendarmes, des policiers, des militaires, ce sont des frères burkinabè. Du reste, dans leurs engins, ils ne circulent pas avec de l’eau plate, c’est avec du carburant», a indiqué celui qu’on appelle le général dans le milieu syndical.

Les gens sont restés des heures à la Bourse du travail à danser et à scander le mot d’ordre de la lutte, observant ainsi le piquet de grève de 24h.

Akodia Ezékiel Ada

 

Encadré :

Les points de la plateforme minimale revendicative

 

1.    Retour aux prix des hydrocarbures d’avant la décision gouvernementale d’augmentation du 08 novembre 2018 ;

2.    Relecture de la structure des prix des hydrocarbures conformément aux conclusions de l’atelier du comité interministériel de détermination des prix des hydrocarbures tenu à Bobo-Dioulasso en juillet 2009 ;

 

3.    Audit indépendant de la SONABHY et de la SONABEL impliquant les structures de lutte contre la corruption ;

 

4.    Identification et saisie des biens et fonds détournés par les dignitaires du régime de Blaise Compaoré et prise sans délais des mesures nécessaires en vue de recouvrer l’ensemble des fonds dissimulés à l’intérieur et/ou à l’extérieur du territoire national ;

 

5.    Recouvrement effectif et exhaustif des créances de l’Etat dues par tout dignitaire (ministres, députés, directeurs, directeurs généraux, etc.) et par des opérateurs économiques ;

 

6.    Audit du secteur minier et relecture, au bénéfice de la Nation, des conventions passées avec les sociétés d’exploitation minière ;

 

7.    Arrêt des atteintes aux libertés démocratiques et syndicales 

 

 

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