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Hommage artistique à Norbert Zongo: « Si Blaise Compaoré avait lu Le Parachutage… »

Vous êtes à la recherche de nouvelles sensations ? Vous voulez pratiquer un autre genre de distractions ? Alors vous devez peut-être faire un tour à l’ex-INJEPS (Institut de la jeunesse, de l’éducation physique et des sports) pour suivre le spectacle sur « Le Parachutage » de Norbert Zongo. Montée par Paul Zoungrana, metteur en scène, la pièce est jouée depuis le 28 novembre dernier et ce jusqu’au 22 décembre 2018. Le moins que l’on puisse dire c’est que cette aventure a permis à certains  de mieux connaître le roman. D’aucuns diront même que si Blaise Compaoré avait lu le livre, il n’aurait peut-être pas vécu ce qui lui est arrivé.

 

 

Comme une chanson que l’on écoute en boucle parce qu’on l’a aimée à la première note, nous ne nous lassons pas de suivre le spectacle sur « Le Parachutage » de Norbert Zongo. Nous l’avons déjà vu une fois, deux fois et nous en avons toujours envie, autant que la première fois. C’est d’ailleurs le cas de toutes les personnes avec qui nous avons échangé après la représentation théâtrale. En témoigne les propos de Carlos Gondo, étudiant en deuxième année de finance comptabilité, qui, avec enthousiasme, a promis de faire une deuxième fois le déplacement à l’ex-INJEPS où la pièce est jouée tous les mercredis à 18 heures pour les scolaires ainsi que les jeudis, vendredis et samedis pour le grand public. Notez que la représentation a commencé le 28 novembre et se poursuivra jusqu’au 22 décembre 2018.

Qu’est-ce qui nous a le plus captivée ? Le jeu des acteurs qui sont d’un professionnalisme certain ? Les p’tites plages musicales composées, pour certaines, à partir des récits du livre ? La voix mélodieuse de David Zoungrana ? Probablement même si le metteur en scène, lui, en a aussi une petite idée. « Norbert Zongo est très théâtrale », dira-t-il. Et quand il aborde le style d’écriture du journaliste d’investigation, tout de suite son visage s’illumine : « Il écrit comme un film, il s’amuse, c’est un auteur qui invente les mots. Il crée des noms de villes en langues comme Watinbow (c’est celui qui est venu qui a cherché). Le président s’appelle Gouama. Son récit est presque oral, il emploie des termes simples et fait des jeux de mots assez amusants… Il y a dans le texte des euphémismes, des allégories et de la rhétorique. Il donne à ses personnages de réels sentiments et même un Gouama peut inspirer de la pitié… Son écriture est gaie et pleine d’espoir. Il cite des proverbes qui montrent qu’il a eu une éducation traditionnelle et donne dans ce livre beaucoup de leçons d’humanité… Bref, Norbert Zongo était un auteur rare ».

 

« Si c’était à refaire, ce serait sans hésitation »

 

C’est pour ces raisons qu’il a voulu adapter l’œuvre au théâtre. Il y a aussi le fait que le roman avait  été censuré et qu’il n’est plus aujourd’hui accessible au public burkinabè bien que figurant dans le programme scolaire. La troisième raison est liée au fait que Norbert Zongo est politiquement important et « Le Parachutage » est une œuvre prophétique. «  Ecrite il y a trente ans, elle retrace une actualité flagrante de notre pays. L’écrivain a eu une vision d’une Afrique qui ne change pas et il a voulu questionner un peuple sur un sujet qui le taraude depuis longtemps, souhaitant que nous tous nous soyons les éléments de la solution », a expliqué l’homme de théâtre, considérant que la prophétie n’est pas totalement accomplie car on parle aujourd’hui de la possible extradition de François Compaoré. « Tout cela dénote la grandeur de l’homme et c’est pourquoi, à l’occasion du vingtième anniversaire de son assassinat, nous avons voulu mettre son roman en lumière ».

A la question de savoir si les objectifs sont atteints, le comédien a répondu par l’affirmative, car après avoir fait près de deux mois de répétition, ils ont commencé à jouer et même s’il souhaite plus d’engouement, il a apprécié la participation des scolaires, surtout que plusieurs écoles ont annoncé leur venue. Notre interlocuteur a tenu à souligner que pour en arriver à ce résultat, le chemin a été long. « Nous avons déposé des demandes partout mais nous n’avons pas eu de soutien. Le peu de moyens que nous avons eus a été apporté par la Compagnie art en intersection. Toute l’équipe a aussi contribué d’une manière ou d’une autre », a-t-il expliqué avant de nous confier : «On va s’en sortir, mais avec des dettes de quatre millions de francs ». A son avis, dans ce pays, les gens ne soutiennent que l’évènementiel et ils font des campagnes politiques au quotidien. Il pense également que beaucoup ont peur du nom Norbert Zongo car ils ne savent pas à quelle fin, eux, artistes, ont mis en œuvre cette initiative.

Mais qu’importe, toute l’équipe s’est engagée à faire œuvre utile car, malgré les difficultés, ils n’ont pas lâché l’affaire, estimant qu’en tant qu’artistes, ils doivent aussi impacter les consciences, pour reprendre les propos de Mahamadou Tindano, celui-là même qui joue le rôle de Tiga, le Wakman (sorcier) du président. Et David Zoungrana d’ajouter : « Nous n’avons pas fait ça pour nous enrichir. D’ailleurs, le metteur en scène nous a choisis parce que nous avons tous des  valeurs. Et grâce à cette création, j’ai beaucoup appris. Je me dis que si Blaise Compaoré avait lu Le Parachutage, il n’aurait peut-être pas connu cette situation ».

Des acteurs comme les Français Didier Dugast et Michel Tabarand sont venus exceptionnellement de France au nom de la confiance placée en Paul Zoungrana. Malgré les conditions compliquées, ils ont déclaré que si c’était à refaire, ce serait sans hésiter. C’est d’ailleurs le cas des autres comédiens :  Charles Wattara, Marcel Balboné, Wilfried Ouédraogo et Harouna Dabré, dit Dabross.

Zalissa Soré

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