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Procès putsch manqué : Les avocats du général désertent

 

 

L’audition du général Djibrill Bassolet s’est poursuivie le mardi 15 janvier 2019 à la barre du tribunal militaire de Ouagadougou. Alors que la défense pensait que l’intervention de Me Yérim Thiam mettrait fin au débat, le président du tribunal, Seidou Ouédraogo, a donné la parole au parquet pour de nouvelles observations. Cette décision a amené les avocats de Bassolet à quitter la salle.

 

 

 

 

La nuit portant conseil, Me Yérim Thiam est revenu plus en force à la reprise de l’audience pour battre en brèche les écoutes téléphoniques, la principale pièce que détient le parquet contre le général Djibrill Bassolet. Pour l’avocat de la défense, l’autre camp, c’est-à-dire la partie civile, a parlé de droit sans donner d’explications. Lui en tout cas en a donné en citant Me Olivier Michel, avocat au barreau de Paris : « Le prévenu a le droit de ne pas collaborer à l’administration de la preuve. Il peut adopter une attitude purement passive sans qu’on puisse en déduire quoi que ce soit… »

 

Ainsi, la défense veut faire comprendre au parquet qu’il lui revient d’apporter la preuve de l’inculpation de son client. « Ce n’est pas parce qu’un prévenu ne parle pas qu’il admet ce qu’on lui reproche. C’est au parquet d’apporter la preuve de sa culpabilité. Je suis ahuri quand j’entends certaines déclarations du parquet », a déclaré l’homme en robe noire. Pour renforcer son argumentaire, il a lu quelques passages des retranscriptions des écoutes téléphoniques et s’est demandé où se trouvent les éléments de complicité et ceux de trahison. Extraits : « Oui. Il est obligé de faire avec » ; « L’un ou l’autre, ce sont des gens absolument sûrs » ; « Il suffit de montrer comment ça se fait. Même s’il faut qu’ils se déplacent, ils le feront » ; « Oui oui c’est bon, le fait déjà qu’ils tiennent bon… » ; « Pour cette raison précise, ils ne veulent pas coopérer ».

 

L’auxiliaire de justice a poursuivi son développement en citant encore son confrère Olivier Michel : « La conclusion des rapports d’expertise n’a que la valeur d’un avis, si les preuves de l’expert ne sont pas étayées par des preuves probantes ». Selon Me Thiam, on n’a pas signifié à son client dans quelles circonstances son dialogue avec Guillaume Soro, le président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, a eu lieu. D’où son étonnement de voir qu’il est reproché au général d’être de connivence avec des forces étrangères.

 

Après l’intervention de Me Thiam, le président du tribunal, Seidou Ouédraogo, a demandé aux autres avocats de la défense s’ils voulaient prendre la parole. Me Thiam ayant remarqué que son confrère Me Silvère Kiemtarenboumboula avait levé la main, il lui a fait un geste, comme pour lui dire : « Ce n’est pas la peine ». Celui-ci renonce alors à prendre le micro. La parole a été donnée à l’accusé pour son mot de fin. Mais ses avocats ont demandé la suspension de l’audience pour pouvoir se consulter avec leur client. Une suspension de dix minutes a été accordée.

 

A la reprise, le président décide de donner le micro au ministère public pour qu’il réagisse à l’intervention de l’ancien bâtonnier sénégalais. Le parquetier n’a pas le temps de placer une phrase entière que Me Antoinette Ouédraogo de la défense a déjà demandé la parole. « Pour nous, c’était le dernier tour de parole. Nous sommes vraiment dans l’incapacité de continuer le débat. Me Bonkoungou et Me Barry sont malades. Me Thiam doit repartir au Sénégal aujourd’hui. Je serai obligée de quitter la salle si le débat doit se poursuivre », a-t-elle fait savoir au tribunal.

 

Face à cette situation, le parquet a estimé que la défense méprise les textes, car aucune disposition ne dit que la parole doit être donnée, 3, 4 ou 5 fois à toutes les parties. La loi, a-t-il signifié, impose seulement que la défense ait la parole en dernière position. Me Guy Hervé Kam de la partie civile, lui, est étonné de la posture de la défense du général. Pour lui, la police de l’audience revient au président du tribunal, pas aux avocats de la défense. « Depuis le début de l’audience du général, lui et ses conseils ne cessent de vouloir diriger le débat. Si ce n’est pas pour dire de ne pas poser telle question, c’est pour dire à qui revient la parole. Non, le débat ne se mène pas de la sorte. Le débat dans la procédure, c’est la transparence. On ne peut pas intervenir et vouloir que l’autre camp se taise. Cette défense se croit elle-même la procédure pénale. Tout ce que nous disons est ouvert à discussion, et tout ce que la défense dit est ouvert à discussion », a-t-il affirmé.

 

La réplique de la défense a été immédiate. Me Silvère Kiemtarenboumbou est le premier. « C’est vrai, la défense a toujours le dernier mot, nous le savons. Ce n’est pas Me Kam qui va nous l’apprendre. Il n’a pas besoin de crier pour ça. Nous avons l’impression que quand il s’agit du général Bassolet, il y a un traitement particulier. Nous sommes étonnés qu’on ouvre le débat après les interventions terminales des avocats de la défense ».

 

Me Barry, souffrante, a signifié au parquet qu’elle n’a plus la force de poursuivre le débat. Quant à Me Thiam, il avait prévu de quitter la salle à 11h30 pour aller honorer d’autres engagements au Sénégal. Il a donc tenu à faire savoir au parquet et au tribunal que s’ils constatent son absence, il ne faudra pas qu’ils considèrent cela comme un acte de mépris.

 

Après une suspension de dix minutes, et comme on pouvait s’y attendre, à la reprise la défense du général était absente. Constatant cela, le président du Tribunal a demandé au greffier de noter cela dans le dossier et a permis au général de rejoindre sa place.

 

L’audience de l’après-midi a été consacrée à l’examen des demandes de liberté provisoire et au cas du sergent Lamoussa Badoun, dont l’audition n’est pas encore terminée.

 

L’audience reprend ce matin à 10 heures.

 

 

 

San Evariste Barro

 

Akodia Ezékiel Ada

 

Bernard Kaboré

 

 

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