Menu

Lutte contre le terrorisme : De la responsabilité citoyenne du Burkinabè

 

 

En proie depuis avril 2015 à une déferlante terroriste qui sème partout chaos et désolation, le Pays des hommes intègres cherche, pour le moment sans grands résultats, le remède au mal. Pour Laurent Kibora, spécialiste en sécurité et développement, on ne pourra vaincre ce fléau  que si chaque Burkinabè joue sa partition. Explication dans les lignes ci-dessous.

 

 

Le Burkina Faso, pendant longtemps, a joué le rôle de  médiateur dans  les conflits au sein de l’espace sahélo-saharien. Les conflits qui ont opposé les rebelles touaregs à leurs gouvernements respectifs du Mali et du Niger ont connu quelques  accalmies grâce à cette médiation.

 

L’implication du Burkina Faso dans les médiations des conflits de la sous-région lui a conféré une bonne connaissance de la situation sécuritaire et une familiarisation avec les différents belligérants de la zone sahélo-saharienne. Cet état des lieux aurait, semble-t-il,  joué en sa faveur, lui attirant les faveurs des mêmes belligérants qui l’ont épargné des attaques terroristes sur son territoire.  Cette paix à l’allure de pacte de non-agression a été rompue à la chute du régime politique de l’ancien président Blaise Compaoré. C’est dans ce contexte qu’est intervenu, quelques mois après le changement de régime, le premier enlèvement, celui du Roumain Lulian Gherghut, responsable de la sécurité de la mine de Tambao, le 04 avril 2015. Il a été revendiqué par le groupe terroriste Al-Mourabitoune.

 

 

 

La stratégie des chaos

 

 

 

Le Burkina Faso, de par sa situation géographique, est le carrefour de pays en proie au terrorisme (Mali, Niger) avec lesquels il partage la plus grande partie de ses frontières,  1628 km environ (628 km avec le Niger et 1000 km avec le Mali sur un total de 3193 avec tous ses voisins). Les revendications territoriales (l’AZAWAD par les Touaregs), ethniques (mouvement peul, Mouvement foulbé au Mali pour lutter contre l’oppression des Peuhls par les Dogons et les Touaregs), politiques (la volonté d’une création d’un Etat islamique au Sahel) et l’extrémisme religieux (la volonté d’instaurer la charia et un califat) sont les principales causes du terrorisme dans la bande sahélo-saharienne dont fait partie le Burkina Faso. A ces causes il faut ajouter la faible représentation de l’Etat dans certaines zones, le sentiment de l’abandon des populations, la prolifération des armes dans cet espace et la recherche du gain car dans cette zone très pauvre avec 753 dollars par habitant de PIB au Burkina Faso, selon la Banque mondiale, « le terrorisme nourrit son homme ». Les richesses du sous-sol du Sahel qui regorge de pétrole et de métaux précieux, attisent les convoitises. C’est ainsi que, sous couvert des différentes raisons ci-dessus, le terrorisme est devenu un fonds de commerce et un business très lucratif, une mafia à travers lequel, les superpuissances et des personnalités puissantes se combattent par  groupes terroristes interposés avec son cortège de trafics de toutes sortes : drogue, cigarettes, carburant, armes, personnes, le  rançonnement des personnes enlevées, le pillage, l’exploitation de ressources minières tels l’or dans certaines localités contrôlées par les terroristes, les viols et les mariages forcés. C’est un univers où se rencontrent plusieurs acteurs qui nouent et dénouent leurs liens et leurs alliances au gré de leurs intérêts. A cela s’ajoute le sentiment de supériorité des terroristes face à la faiblesse des Etats, ce qui décuple leur motivation. Par ailleurs, les politiques de coopération des puissances occidentales,  pour être réellement efficaces, doivent être dénuées de tout calcul égoïste  et plutôt sincères et orientées vers la recherche effective de solutions à l’insécurité et au terrorisme, ce qui n’est pas toujours le cas.

 

La stratégie des attaques terroristes au Burkina Faso nous ramène inéluctablement  à la stratégie terroriste enseignée par Abu Bakr al-Naji dans son ouvrage intitulé  « La gestion de la barbarie ». Cet ouvrage, qui connaît un grand succès au sein des groupes terroristes et «djihadistes», enseigne comment mener les «djihads» et les actes terroristes. Selon ledit ouvrage, il faut provoquer un déchaînement de violence  dans les pays musulmans ; les «djihadistes» contribueront ainsi à l'épuisement des structures étatiques et à l'instauration d'une situation de chaos ou de sauvagerie. Les populations perdront confiance en leurs gouvernants, qui, dépassés, ne sauront répondre à la violence que par une violence supérieure. Les «djihadistes » devront se saisir de la situation de chaos qu'ils auront provoquée et obtenir le soutien populaire en s'imposant comme la seule solution : en rétablissant la sécurité, en remettant en route les services sociaux, en distribuant nourriture et médicaments et en prenant en charge l'administration des territoires. Ils géreront ce chaos, conformément à un schéma de construction étatique hobbesien. À mesure que les «territoires du chaos» s'étendront, les régions administrées par les «djihadistes» se multiplieront, formant le noyau de leur futur califat. Convaincues ou non, les populations accepteront cette gouvernance islamique.[1]

 

 

 

«L’Etat n’est pas solution»

 

 

 

Dans ce contexte, il est important que chaque Burkinabè comprenne non seulement le phénomène du terrorisme, mais surtout le rôle qu’il doit jouer pour pouvoir contribuer à l’éradiquer du Burkina Faso. La solution au terrorisme, bien qu’étant la combinaison de plusieurs paramètres (renseignements, politiques, équipements armés adéquats, lutte contre la pauvreté, etc.), repose avant tout sur les populations, c’est-à-dire sur chaque Burkinabè. L’Etat n’est pas la solution au terrorisme, ni les FDS, ni les spécialistes ou les experts du terrorisme, encore moins les OSC qui, d’ailleurs, critiquent plus qu’elles ne proposent de solutions.

 

Vu la réalité du terrorisme, il est clair que la solution la plus pacifique, la moins coûteuse, la plus efficace et la plus rapide c’est l’engagement de chaque Burkinabè, sans distinction d’âge, de sexe, de parti politique ni d’appartenance religieuse ou ethnique. La  solution au terrorisme, c’est chaque Burkinabè, ce sont tous les Burkinabè. Selon la DGSE malienne, la stratégie des terroristes est d’autant plus préoccupante qu’en plus du  bénéfice de la langue, de la connaissance du terrain, ils jouissent de continuités familiales dans toute la zone ouest-africaine leur permettant de s’infiltrer facilement, de s’équiper et d’atteindre les positions isolées des forces de défense et de sécurité sans risque d’être dénoncés.

 

C’est pourquoi chaque Burkinabè doit dire :

 

-        Non à la collaboration avec les terroristes ;

 

-        Non à l’enrôlement dans les rangs des terroristes ;

 

-        Non à l’extrémisme violent ;

 

-        Non à la stigmatisation, le terroriste n’a pas d’ethnie ;

 

-        Non aux critiques stériles, à l’accusation de l’Etat ou des FDS encore moins de l’ancien régime, mais oui aux propositions constructives ;

 

-        Non à l’usage des réseaux sociaux (Facebook, WhatsApp) pour dénigrer les FDS et l’Etat, oui à l’usage des réseaux sociaux pour le soutien des FDS et des autorités et à la construction de la paix ;

 

-        Non à l’utilisation des médias pour faire la propagande des groupes terroristes ;

 

-        Non à la haine des terroristes qui sont, avant tout, des frères et dont on ne connaît pas toutes les motivations, oui à la réflexion sur l’opportunité  ou l’inopportunité de recherche de paix avec les terroristes.

 

Le terrorisme au Burkina Faso n’est pas un fléau sans solution, ni une difficulté au-delà de la capacité des Burkinabè mais un problème dont la solution est très simple, pourvu qu’il y ait de la volonté de la part des citoyens burkinabè. Le terrorisme est un mal qui se développe dans un environnement où il y a des divisions, de l’indiscipline, des conflits. L’exemple du Rwanda, où chaque Rwandais est engagé dans la sécurité et la défense du pays, devrait inspirer les Burkinabè.

 

 

 

 

 

Laurent O. M. Kibora

 

 Spécialiste en sécurité et développement, auteur de «Actions de développement d’un système local de sécurité. Quel type d’organisation pour les services de renseignements et les forces antiterroristes.»

 

E-mail : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

 

 

 

 

 

[1] Syrie.blog.lemonde.fr ›2015/03/04/letat-islamique-un-etat-a-part-entiere-23/

 



[1] Syrie.blog.lemonde.fr ›2015/03/04/letat-islamique-un-etat-a-part-entiere-23/

 

 

Ajouter un Commentaire

Code de sécurité
Rafraîchir

Retour en haut