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Grève des enseignants : Les élèves exigent leurs copies dans la rue

Alors que le gouvernement se faisait attendre, eux battaient le pavé. «Nos copies, on veut nos copies…», «Direction, MENA», telles étaient les phrases scandées par les élèves qui ont pris d’assaut les rues de la capitale Ouagadougou, le jeudi 24 janvier 2019 dès 7h du matin et en direction du ministère de l’Education nationale et de l’Alphabétisation (MENA), pour revendiquer la reprise de leurs évaluations et de leurs cours afin d’éviter une année blanche. Une inquiétude qu’ils avaient déjà exprimée au  cours d’une conférence de presse le 18 janvier 2019. Pour se faire entendre, ils ont décidé cette fois-ci de marcher sur  leur ministère de tutelle.

 

Depuis environ 72 heures, des manifestations scolaires spontanées et de manière éparse étaient aperçues dans la capitale. On se rappelle qu’au cours d'une conférence de presse, animée le 18 janvier 2019, l'Association des élèves du secondaire de Ouagadougou (AESO)  exprimait son inquiétude face à la tournure qu’avait prise l'année scolaire. Après ce coup de semonce, les apprenants privés d'évaluations du fait  de la grève de leurs enseignants entamée depuis le 3 décembre 2018, avaient promis de durcir le ton pour éviter l’année blanche. Les scolaires, pour ce faire, débrayent depuis le 23 janvier.  Ce jeudi matin, les sections de l’AESO ont fait donc  monter le mercure d’un cran dans la ville de Ouagadougou avec  une marche en direction de leur ministère de tutelle.

 Dès 7h, les scolaires sonnent  le rassemblement de soutien à leurs encadreurs. Le  LTN,  le LTAC, le Bogodogo, le Marien i le Zinda, le Nelson Mandela, le  Vénégré, le Bambata, le Mixte de Gounghin, etc., ont battu le pavé pour se rendre au ministère de l’Education nationale et de l’Alphabétisation  (MENA) et exprimer leur inquiétude et leur désarroi  à leur ministre, en particulier au Premier ministre nouvellement nommé.

 

C’est donc derrière les scolaires de Bruno Buchwieser, ancien centre Austro, que nous avons suivi cette matinée de protestation.  Sur leur passage, ils laissent le chaos. Munis de gourdins, de cailloux, de morceaux de bois ou de fer, les plus nombreux sont ceux  qui progressent à pied. En rangs serrés ils obligent les autres usagers de la route à se rabattre sur une moitié de la chaussée ou, au pire des cas, à changer vite de route. Les élèves motorisés jouent à la tête de pont pour cette marée humaine qui rampe vers le MENA. Sifflet en mains, ils scandent : «Nos copies, on veut nos copies…», ou encore «direction, MENA».

A hauteur du Lycée Marien N’Gouabi, d’autres élèves entrent dans la danse et le nombre des marcheurs s’accroît. A la place de la Nation, autour de 9h, les frondeurs font une halte pour reprendre  du souffle. Là, ils s’asseyent à même le goudron pendant quelques minutes.  L’un des manifestants nous apprend que la halte est aussi  stratégique et va permettre le ralliement d’autres élèves.   Un cortège de 5 véhicules  sortant de la mairie est très vite pris dans le tourbillon.  L’escorte permet fort heureusement au maire Armand Béouindé et à sa suite de quitter la zone en passant par la radio municipale. Une fois sur l’avenue de l’Indépendance, les jeunes venus de l’ouest de la ville sont rejoints par leurs camarades du centre et de l’est de la ville qui ont arpenté l’avenue Charles De Gaulle  pour se rendre au lieu du rendez-vous, le MENA.

 

Les élèves sur le territoire national ne sont pas contents

 

9h25, les voilà tous réunis à la porte du MENA. Ils sont des centaines d’élèves venus d’horizons divers. Ils prennent d’assaut la porte du ministère. Difficile de se frayer un chemin.  Seuls les responsables des sections de l’AESO arrivent à franchir le grand portail qui a été vite fermé par la Compagnie républicaine de sécurité (CRS) qui tente de contenir la foule de plus en plus menaçante dehors.  Des discussions s’engagent entre policiers et scolaires pour calmer la situation.  C’est à ce moment que le coordonnateur de l’AESO, Dramane Sankara, se hisse sur l’un des poteaux du portail pour parler aux impatients restés dehors. Les élèves assiègent les deux portes. Les manifestants poirotent avant de rencontrer le SG du MENA. Brandissant des morceaux de papiers et de cartons sur lesquels ils ont inscrit «pupils need validation» ou encore «non à une année blanche», ces derniers ont fredonné des chansons tels que «Noëllie lili kékéliba» qu’ils ont pris le soin de réadapter à leur situation avant de se décider à entrer dans l’enceinte du ministère pour rencontrer le secrétaire général.   «Officiellement, comme jusqu’à présent il n’y  a pas de ministre, nous avons décidé de vous transmettre un message oral», a-t-il laissé entendre à Khalifa Traoré. A ce sujet, le coordonnateur de l’AESO a tenu à donner son point de vue au SG afin qu’il le transmette à Christophe Dabiré, le nouveau Premier ministre: «Nous interpellons le Premier ministre qui a été nommé que nous ne sommes pas prêts à recevoir quelqu’un qui viendra nous dire qu’il vient d’arriver, qu’il est nouveau et ne connaît pas la crise qui est au sein du système éducatif. Nous voulons un ministre qui dès son arrivée, prend en compte nos problèmes. Que les évaluations puissent reprendre dans les différents établissements. Nous ne sommes pas prêts pour un ministre qui viendra mettre de côté les préoccupations des élèves connues de vos services».  

Et de livrer ensuite le contenu de leur plateforme en ces termes : «Cela fait deux mois que la crise dure, deux mois qu’il n’y a pas d’évaluations, nous n’avons pas eu de premier trimestre alors que nous sommes au niveau du deuxième trimestre. Nous ne sommes pas d’accord, nous ne sommes pas contents et nous réclamons vivement que dans les meilleurs délais les évaluations puissent reprendre afin de permettre aux élèves de savoir s’ils vont passer en classe supérieure ou rester dans leur classe, quitter le lycée ou rester, afin que ce ne soit pas une année blanche. Nous, ce que nous craignons c’est une année blanche. Les élèves partout sur le territoire national ne sont pas contents, revendiquent des évaluations pour que l’année soit sauvée, nous ne voulons pas d’année blanche», a-t-il déclaré.  Et au SG de les assurer d’avoir pris acte et promis de transmettre fidèlement leur message même s’il aurait préféré que cela soit manuscrit ou en audio pour qu’on ne dise pas après que le message a été modifié. «Nous aurions souhaité que ce soit écrit, d’ici là qu’on dise que j’ai déformé le message, ce n’est pas loin. Vous voyez ce que ça donne. On aurait pu l’enregistrer pour l’écouter après. Mais je me dis que j’ai puisé l’essentiel et ce sera transmis à qui de droit».  À en croire Sankara, les chefs d’établissements avaient l’intention de boycotter leur manifestation. Pour cela, Sankara sollicite du SG  «d’appeler la direction régionale pour qu’elle informe les chefs d’établissements afin qu’ils sachent que nous sommes prêts. Les chefs d’établissements ont fermé les établissements et le parking pensant que la marche n’aurait pas lieu ; elle a eu lieu et ils ont tapé bidet». Contrairement à certains qui soutiennent ne pas avoir depuis le début de l’année fait ne serait-ce qu’un seul devoir, Néwa Stéphanie, élève en terminal G2 au lycée Song-taaba, affirme avoir effectué six devoirs sur treize matières mais n’avoir  toujours pas reçu de copies. Elle exhorte par ailleurs le gouvernement à mettre fin au bras de fer qui les oppose à leurs encadreurs.

Les manifestants ont rebroussé chemin avec l’espoir  que leur message passé auprès des responsables de l’éducation nationale sera suivi d’effets pour que leur année soit sauvée.

 

W. Harold Alex  Kaboré

Rabiatou Congo (Stagiaire)

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