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Une Lettre pour Laye : 14 terroristes tués : croire ou ne pas croire ?

Cher Wambi,

 Je n’aurai même pas eu le temps de me réjouir. Les bonnes nouvelles du front sont tellement  rares que, pour une fois que j’en recevais, j’étais pris d’une certaine fébrilité. Après l’attaque de Kain-Ouro dans le Yatenga (là où, tu te rappelles, ton défunt beau-frère a servi comme préfet), qui aurait fait une quinzaine de morts le lundi 4 février 2019, l’état-major général des armées a publié un communiqué selon lequel les Forces de défense et de sécurité ont effectué un ratissage terrestre et aérien à l’issue duquel «146 terroristes ont été neutralisés». Cher cousin, en langage militaire, neutraliser signifie en français facile « tuer ». Certains de leurs thuriféraires ont vite fait d’ailleurs d’y voir la première victoire du trio Sy Chériff-Compaoré Ousséni-Miningou Moïse, récemment installés aux ministères de la Défense, de la Sécurité et à l’état-major général des armées.

Comment donc pourrais-je ne pas me féliciter de cette information qui devrait redonner du moral aux combattants et aux populations alors que, depuis quelques mois, nos FDS tombent comme des mouches, victimes des balles assassines de ceux qui sont tellement courageux qu’ils n’osent pas les affronter face à face ? Mais j’avais beau être transporté de joie, celle-ci était quand même mesurée au regard du chiffre annoncé. 146 trophées que personne n’a du reste vu alors qu’à la moindre occasion les images des terroristes liquidés, prises par ceux qui y ont accès, circulent sur les réseaux sociaux. Même les Français de Barkhane, avec des moyens autrement plus conséquents, n’ont jamais fait autant de macchabées en une seule fois depuis qu’ils se sont aventurés dans les sables mouvants du Sahélistan. Était-ce des colonnes entières qui ont  été prises sous le feu nourri de nos soldats pour que le bilan soit aussi lourd ? Je ne saurais le dire, la Grande Muette, fidèle à sa tradition, s’étant contentée d’un communiqué laconique au risque de laisser le champ libre à l’intox et à la manipulation de l’opinion alors que cette guerre sale se mène aussi sur le terrain de la communication.

 

J’en étais à me poser mille et une questions  quand, cher Wambi, dès mardi, des enregistrements ont davantage jeté le trouble. Le premier émanait de quelqu’un qui se présentait comme un militaire ayant participé au ratissage en question. Et si l’on en croit ce qu’il dit sous le sceau de l’anonymat, la  haute hiérarchie militaire nous mentirait parce que non seulement il  n’y aurait pas eu 146 terroristes tués, mais, pire, l’un des trois villages cités (Bomboro en l’occurrence) n’existerait pas dans la zone. Comment est-ce possible ?

 

Mais on n’en avait pas fini puisqu’un autre post sur les réseaux sociaux parlait carrément d’exécutions sommaires de populations civiles cueillies au saut du lit dès potron-minet, une trompette que le très officiel Human rights watch embouchera à son tour. Je suis donc perdu, et j’attends désespérément qu’une voix autorisée ôte ces doutes qui m’assaillent. Car, comme on ne le sait que trop, dans toute guerre, la vérité est la première victime.

 

Cher Wambi, l’Armée est décidément au cœur de la polémique depuis le début de la semaine. Cette fois, c’est le communiqué de l’état-major menaçant de radier dorénavant les soldats qui déserteraient de leur poste de combat qui fait jaser. A dire vrai, cher cousin, il m’est parfois arrivé de penser, en fonction de certains faits troublants et d’informations qui me revenaient de différentes sources, que toutes nos FDS ne se donnaient pas à fond. Si dans l’art martial, décrocher face à un ennemi dont l’effectif et la puissance de feu sont supérieurs peut être une stratégie payante, ça finit par poser problème quand il n’y a plus que ça, quand systématiquement, on abandonne les positions pour se tapir quelque part. On raconte même que, dans certaines localités, la nuit venue, certaines de nos « braves » FDS déserteraient brigades ou commissariats pour emménager chez l’habitant ou dans les arbres. Vrai ou faux, allez savoir ! Le tir de sommation du CEMGA contre les fuyards venait donc pour moi à point nommé, car dans le principe, c’est inadmissible.

 

Cela dit, cher cousin, il faut aussi qu’on se dise la vérité, et j’espère que les adeptes d’une information lyophilisée ne vont pas dire que je porte atteinte au moral des troupes. Comme disent les zougloumans, «gwè est mieux que drap». Je veux donc bien que le général Miningou prenne un tel oukase, mais ce serait plutôt injuste et contre-productif s’il n’y avait pas de mesures d’accompagnement. Car avant de crier à la désertion des troupes, il faut leur donner les moyens conséquents de livrer bataille face à un ennemi parfois mieux armé et numériquement supérieur. Il faut aussi qu’ils mangent bien, car si l’ordinaire ne suit pas, un soldat mal nourri ne peut être opérationnel. On pourrait même, pourquoi pas, penser à les égayer de temps à autre, question de leur oxygéner l’esprit. Pendant la Seconde Guerre mondiale, une chanteuse comme Marlène Dietrich, «l’Ange bleu» ou «la Vénus blonde» ainsi qu’on la surnommait, n’est-elle pas devenue la mascotte de l’armée américaine en allant chanter au front pour les « Boys » avant de recevoir en 1947 la Medal of Freedom, la plus haute distinction militaire américaine qu’un civil peut obtenir ? De la même manière, nos artistes, engagés ou pas, pourraient par moments faire la ronde des casernes, de Ouaga à Djibo en passant par Nassoumbou, Fada, Pama… pour déstresser  nos vaillantes FDS. Ce serait aussi leur contribution à l’effort de guerre.

 

Et que dire de ces brigades de gendarmerie et de ces commissariats de police ouverts aux quatre vents, sans mur d’enceinte ; autrement dit des marchés où on peut entrer et dont on peut sortir quand on veut ? Ou encore de cette chaîne de commandement souvent rompue qui fait que des sous-officiers se retrouvent à commander des compagnies en lieu et place d’un officier subalterne ? On pourrait multiplier à l’infini ces exemples qui, sans absoudre les poltrons en treillis, pourraient quelquefois expliquer leurs actes.

 

Sans oublier, cher cousin, que jusque-là, nos officiers, sous-officiers et hommes du rang ont eu des carrières «tranquilos», avançant régulièrement jusqu’à leur retraite au fur et à mesure des examens et stages professionnels, entre autres, à l’ENSOA pour les uns, à l’école d’officiers, au cours d’état-major ou à l’école de guerre pour les autres. Si on excepte les escarmouches en 1974 et 1985 entre le Burkina et le Mali, la guerre, c’était seulement à l’entraînement, et les missions de maintien de la paix à l’extérieur, c’était avant tout pour mettre un peu de beurre dans les épinards. Leurs seuls hauts faits d’armes donc, c’était les coups d’Etat, les mutineries ou les bastonnades de civils désarmés parfois pour des histoires de fesses. Rien de bien dangereux donc. Et voilà que, subitement, avec la montée du péril terroriste, ils découvrent que le métier des armes est potentiellement mortel et qu’un soldat, comme qui dirait, ne meurt pas dans son lit mais sur le champ d’honneur. Pour les jeunes gens, les camps ne sont de ce fait plus les planques sûres qu’elles étaient. Le problème, c’est qu’ils ne semblent pas psychologiquement préparés à affronter une telle réalité cruelle, de surcroît dans un conflit asymétrique, et il faut même craindre que la note de service du CEMGA produise un effet boomerang en devenant pour beaucoup un prétexte pour fuir sans risquer des poursuites administratives ou judiciaires. Voilà où nous en sommes.       

 

                  

 

Cher Wambi, à présent, je t’invite à feuilleter avec moi le carnet secret de Tipoko l’Intrigante dont le contenu est particulièrement peu fourni pour des raisons indépendantes de sa volonté, pour reprendre une formule consacrée.

 

 

 

-Tous ceux qui se rendent dans la salle des banquets, où se déroule le procès du putsch manqué, ont remarqué l’absence, depuis une bonne dizaine de jours, d’un des accusés vedettes : il s’agit du général Djibrill Bassolet. Selon une source digne de foi, la santé de l’ancien chef de la diplomatie burkinabè sous Blaise Compaoré serait très préoccupante. Interné pendant plus d’une semaine à la Clinique du cœur, le général de gendarmerie a finalement été transféré à l’hôpital Blaise Compaoré. L’accès à la salle d’hospitalisation serait bien encadré.

 

On se rappelle que, suite à une première admission à la Clinique du cœur, le cardiologue Ali Niakara avait préconisé la réalisation d’une angiographie coronaire (…), qui ne peut être réalisée au Burkina Faso dont les centres de cardiologie n’ont pas le plateau technique.

 

Malgré tout, les requêtes des avocats de Bassolet pour une évacuation à l’étranger n’ont pas abouti.

 

D’abord incarcéré à la Maison d’arrêt et de correction des armées (MACA), Djibrill Bassolet a finalement bénéficié en octobre 2017 d’une mise en résidence surveillée.

 

 

 

-Suite au communiqué de l’état-major faisant état de la neutralisation de près de 200 terroristes cette semaine, la polémique enfle entre les « saints Thomas », qui ont besoin de voir pour croire, et ceux qui ont accueilli l’annonce sans le moindre scepticisme. Il n’en fallait pas plus pour que les réseaux sociaux prennent le relais avec tout ce qu’il y a comme dérives. Ainsi donc des personnes, dont nous préférons taire les noms pour des raisons évidentes, ont été citées  comme des «activistes qui travaillent nuit et jour à mettre le pays à genoux».  

 

S’estimant diffamés et livrés en pâture à la vindicte populaire, ces derniers ont décidé de recourir aux juridictions compétentes pour laver leur honneur ainsi bafoué. 

 

Affaire donc à suivre…   

 

 

 

-On ne finit pas de parler de Yirgou dont le bilan du drame continue de faire polémique : 49 morts officiellement à la date d’aujourd’hui, mais plus de 200 dénombrés par le Collectif contre l'impunité et la stigmatisation des communautés (CISC). C’est dans ce contexte de paix fourrée que nous avons appris la tenue d’une cérémonie de pardon et de réconciliation demain samedi dans plusieurs localités de Barsalogho. A en croire nos sources, c’est à l’initiative de la première autorité coutumière de la contrée, Sa Majesté le Dima de Boussouma. Outre les chefs de canton des zones de conflit de son ressort territorial, dont, entre autres, le Piktenga Naaba, il sera pour la circonstance accompagné par le cardinal Philippe Ouédraogo, le président de la Communauté musulmane du Burkina Faso (CMBF), El hadj Abdoul Rasmané Sana, d’un représentant de la Fédération des églises et missions évangéliques, qui seraient tous de la province du Sanmatenga.

 

Vivement que cette initiative contribue à la reconstitution du tissu social déchiré et au retour à la paix.

 

 

 

-A peine les éventuels repreneurs de l’aéroport international de Ouagadougou ont effectué une mission de collecte de données la semaine dernière, que le Syndicat unique de la météorologie et de l'aviation civile et assimilés (SUMAC) organise un panel de haut niveau sur le thème central : «Enjeux de la concession de l’aéroport international de Ouagadougou pour un développement sûr de l’aviation civile et l’épanouissement des Burkinabè : quelles stratégies pour la construction de l’aéroport international de Ouagadougou-Donsin».

 

Ce panel se tiendra le samedi 09 février 2019 à partir de 09 heures dans la salle de conférences du Conseil burkinabè des chargeurs (CBC). A travers ce panel, le SUMAC sonne la mobilisation de ses troupes contre cette concession qui ne semble pas être de son goût.

 

-Le journaliste-écrivain Alexis Yaméogo, dit Clément Zongo, s'est encore servi de sa plume pour dépeindre une société minée par la misère à travers son livre dédicacé le 2 février 2019 et intitulé : "Moah le fils de la folle". Cette œuvre, de 210 pages, relate la vie de Moah, un enfant de cinq ans vivant à l'ombre d'un baobab avec sa mère, qui est une déficiente  mentale. Ils vivent de la mendicité et de la fouille des poubelles et dorment à la belle étoile, même pendant la saison pluvieuse. Un état de dénuement contre lequel  Moah va se battre jusqu'au bout... 

 

L’œuvre, écrite dans un style aussi simple que limpide, a remporté le premier prix du grand prix national des arts et des lettres de la 19e édition de la Semaine nationale de la culture.

 

« Moah le fils de la folle » est loin d’être un coup d’essai de son auteur, journaliste - chroniqueur à Radio Pulsar et aux «Editions Sidwaya», qui a déjà placé sur le marché du live plusieurs ouvrages dont "Juste un coup de plume" ; "Les larmes de la terre" ; "La révolte  des balibali".

 

 

 

-Samedi 9 février 2019, de l’effervescence et des retrouvailles parentales au quartier Ouidi de Ouagadougou à l’occasion de la fête coutumière de naaba Karfo de Ouidi. Dans la tradition moaga, l’organisation annuelle de cette fête coutumière suit une préséance bien établie : après celui du Moro, vient le nabasga du Ouidi, deuxième personnage de la cour royale de Ouagadougou.

 

Toujours le même samedi, autre lieu mais même cérémonie : en effet ce jour et le lendemain dimanche 10 février, sera célébré le ranyounga de naaba Boulgou, chef coutumier de Toeyoko, localité située dans la commune de Koubri.

 

 

 

Tipoko l'Intrigante n'apprend rien d'elle-même, elle  n'invente jamais rien. Tipoko l'Intrigante est un non-être. Elle n'est ni bonne en elle-même, ni mauvaise en elle-même. Elle fonctionne par intuition, car "l'intuition c'est la faculté qu'a une femme d'être sûre d'une chose sans en avoir la certitude..."

 

 

 

Ainsi va  la vie.

 

Au revoir.

 

 

 

Ton cousin

 

 Passek Taalé

 

 

 

Dernière modification ledimanche, 10 février 2019 20:23

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