Logo
Imprimer cette page

Lazare Tapaga, ex-DG de la police nationale : "Je n’ai jamais refusé de répondre à une convocation"

L’audition du contrôleur général de police Lazare Tarpaga, ex-DG national de la force de troisième catégorie au moment du coup d’Etat de septembre 2015, s'est poursuivie le lundi 11 février 2019. Il a maintenu sa déposition selon laquelle sa demande de matériel pour le maintien d’ordre ainsi que les patrouilles qu’il a instruites n'étaient que des "manœuvres dilatoires" pour ne pas s’opposer frontalement au général Gilbert Diendéré. Lazare Tarpaga a également battu en brèche l’opinion, largement répandue, selon laquelle lui et la hiérarchie militaire ont refusé de répondre à la convocation du juge d'instruction. En fait, selon les dires de l’ex-DG, ladite convocation a été purement et simplement annulée et cela lui a même été notifié.

 

Le 16 septembre 2015, l’ex-DG de la police nationale dit avoir reçu 5 appels du général Gilbert Diendéré, notamment pour demander son soutien, celui de tout le corps, requérir des patrouilles à la place de la Nation. Ce que le président du CND a nié en bloc, car l’urgence ce jour était la rencontre avec la hiérarchie militaire.

Le contrôleur général a reconnu avoir demandé un appui pour faire les patrouilles, mais  expliqué que c’était une manœuvre dilatoire. "Malheureusement le général s'est débrouillé pour nous trouver les moyens demandés, même si c'était insuffisant. En effet, 4 de nos véhicules ont pris du carburant au Conseil de l’entente et nous avons reçu par la suite une enveloppe d'un million", a-t-il déclaré, amer, avant d’ajouter que les patrouilles, qui ont été intensifiées sur ses instructions personnelles, n'étaient nullement pour obéir aux ordres de Diendéré qui voulait le maintien de l’ordre par la dispersion des manifestants. "Nous avons fait des missions de surveillance contre d'éventuels pilleurs, et j'ai demandé à mes éléments de ne point interagir avec les manifestants".

Au sujet du million reçu, il dit avoir mis le week-end à profit pour apporter les précisions. Selon lui, c'est le commissaire divisionnaire Simon Soubeiga  qui a reçu la somme des mains du capitaine Dao dans les encablures de la radio nationale. "Le commissaire nous a immédiatement rejoints à la direction générale où nous tenions une réunion, et l'argent a été remis au responsable financier".

Les avocats de la défense n'ont pas été avares en réactions. Me Nion a interpellé le président du tribunal en ces termes : "Je ne veux pas charger Lazare Tarpaga, mais ce qui m'embête, c'est qu'il a reçu du matériel et de l'argent, ensuite il a fait patrouiller ses éléments, je ne veux pas le qualifier de complice mais je note que pour moins que ça, des gens sont actuellement dans le box des accusés. On me dira que c'est le parquet qui a l’initiative des poursuites, mais quand même !" Son confrère Olivier Yelkouni a enchaîné en interpellant le témoin : "Vous dites que, de par votre éducation et de par votre formation, vous êtes prudent en tout, mais pourquoi vous n'avez pas déposé le million sans le dépenser ? Et le carburant, pourquoi l'avez-vous utilisé ?"  A cette question le témoin a fait remarquer que, coup d'Etat ou pas, les patrouilles devaient se faire et que, dans ce cadre, la police a toujours eu besoin aussi bien de carburant que d’argent.

Le parquet s’est, quant à lui, félicité de la déposition du témoin : "C'est un témoignage crédible et fondamental", a-t-il souligné.

La partie civile, par la voix de Maître Prosper Farama, a soumis le général Diendéré à une série de questions portant, entre autres, sur la vidéosurveillance de la ville et sur la zone dévolue au RSP. "Vous dites que d'autres forces parallèles étaient sur le terrain alors que, malgré les caméras, vous n’êtes pas en mesure de le prouver", s’est étonné l’avocat.

Mais le général lui fait remarquer que tout était sous le contrôle du ministère de la Sécurité alors que lui a quitté sa fonction depuis l'insurrection. Concernant la zone de contrôle du RSP, le général a admis le fait que des éléments soient allés au-delà, même s’il ne peut le prouver.

Dans l’après-midi, après l’audition de Lazare Tarpaga, c’est Mathurin Bako, ancien président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), qui a été appelé à la barre. Sa déposition a porté sur les activités de recherche, de localisation de la fameuse radio pirate qui émettait au moment du coup de force.

 

San Evariste Barro

Abdou Karim Sawadogo

 

Encadré

Les mots de passe

 

Pour ce qui est de la mise en œuvre du  couvre-feu,  la gendarmerie et la police ont été instruites de composer les mots de passe. Ainsi Lazare Tarpaga et le colonel Marcel Tuandaba Coulibaly ont composé chaque soir un mot de passe fait d'une question et d'une réponse. Cela, pour protéger les éléments sur le terrain et non pour obéir au CND, selon le premier cité. Le colonel-major Boureima Kiéré, patron de la sécurité présidentielle d'alors, a nié avoir donné des instructions dans ce sens.

La preuve, l'ex-DG a été pris pendant les heures de couvre-feu par des éléments du RSP qui n'ont pas demandé le fameux mot de passe. Il a donc fallu appeler Bouriema Kiéré qui, lui aussi, ignorait ledit mot, pour intervenir en faveur du contrôleur général. "Si c'est moi qui vous ai demandé de composer le mot de passe, pourquoi je n’ai pas été informé par la suite de sa teneur ?" s'est demandé ce haut gradé.

Et un avocat de poser cette question piège : "N'est-ce pas une complicité que de faire tout ce que vous avez fait?"  Réponse du témoin : "C’est vous qui le dites".

 

A.K.S.

 

Encadré

A propos des convocations de la hiérarchie

 

Dans ce procès, bien des observateurs dénoncent l'absence de la hiérarchie des forces de défense  et de sécurité au moment des faits et cela, au regard de certains de leurs actes. La défense a donc saisi l'occasion du passage de l'ex-DG de la police pour évoquer le sujet.

"Pourquoi avez-vous refusé de répondre à la convocation du juge Rapademnaba?" a demandé Me Olivier Yelkouni.

"Je n'ai jamais refusé de répondre à une convocation, j'ai reçu une convocation, et la veille de la rencontre, j'ai reçu une correspondance  de report à une autre date. Ensuite, j'ai reçu une note suspendant la convocation. J'ai toutes les preuves ; si j'avais su, je les aurais apportées".

L’avocat, en réaction, a parlé d'un P-V de non-comparution qu'il n'arrive plus à trouver malgré la demande de la partie civile et du ministère public.

Mais Me Barry Mireille de la défense pense que la pièce y relative a été soustraite du dossier et que c’est la preuve que "les documents ont été manipulés".

Pour sa part, le parquet a estimé que de telles affirmations ne se justifiaient pas, car "dénuées de tout fondement".

 

A.K.S.

 

Encadré

Le témoignage de Monsieur Bongo n'est pas crédible

 

On se rappelle que la presse a fait écho d’un certain  Bongo qui aurait été exfiltré par la police, car il détenait des informations compromettantes sur des personnalités dont le général Djibrill Bassolet. En effet, cette personne prétendait avoir participé à une rencontre à Bamako dans la capitale malienne où ledit général a rencontré des gens dans l'optique de faire un coup d'Etat et qu'une réunion similaire  se serait même tenue à Ouagadougou avec les mêmes personnes.

Me Mireille Barry a voulu qu'on lève un coin du voile sur cette affaire. "Connaissez-vous Monsieur Bongo ?" a demandé l'avocat en s’adressant à Lazare Tarpaga. "Je ne l'ai pas vu, on ne s'est jamais rencontré", a répondu le témoin. Mais il a indiqué que, selon lui, c'est en avril 2015 que le sieur Bongo est entré en contact avec les renseignements généraux pour porter les accusations contre Djibrill Bassolet et a demandé en retour de l'argent.

"C’est le prototype du chasseur de primes, comme il a réclamé tout de suite de l'argent, sa crédibilité a été mise en doute", a souligné le policier, qui a fait remarquer que ce monsieur a fait la prison à Bobo et utilisait des subterfuges pour se tirer d'affaire.

"On dit que c'est la police qui a payé son billet d'avion. Il est loisible au juge d'instruction de faire une enquête pour infirmer ou confirmer cela", a suggéré le témoin.

"C'est fait, et cette accusation est infondée", a répondu le parquet militaire.

"Alors je suis soulagé", a déclaré Lazare Tarpaga.

Même sentiment pour Me Barry qui doutait fort de la crédibilité  de ce nommé Bongo aux desseins inavouables, mais dont les propos ont été abondamment relayés par la presse.

 

A.K.S.

 

Ajouter un Commentaire

Code de sécurité
Rafraîchir

© 2011-2014 - Observateur Paalga - Tous droits réservés I Conception: CVP Sarl.