Menu

An V du MPP : «Nos contempteurs voient le cataclysme partout» (Alkassoum Maïga, ministre de l’Enseignement supérieur)

 

Moins de deux ans après sa création, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) est parvenu à se hisser au sommet de l’Etat en remportant la présidentielle de novembre 2015. Aujourd’hui, le parti de Roch Marc Christian Kaboré prépare la célébration de son cinquième anniversaire. C’est dans cette perspective que nous avons rencontré dans ses bureaux  Alkassoum Maïga, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’Innovation, le 18 février 2019. Avec lui, nous avons échangé sur le parcours de ce parti ainsi que sa gestion du Pays des hommes intègres. Selon Alkassoum Maïga, le Burkina avance même si « les contempteurs du régime voient le cataclysme partout ».

 

Le MPP souffle sa cinquième bougie mais est-ce qu’il y a matière à fêter, vu le contexte national dans lequel cet anniversaire se déroule ?

 

 

Evidemment, qu’il se pose la question de l’opportunité de fêter, pourtant il ne s’agit pas de fêter, mais plutôt de se remémorer le parcours qui a déjà été fait. Il est important de ne pas oublier que le MPP est une grosse machine qui a fait de la mobilisation et qui a permis de placer un de ses cadres au plus haut niveau des responsabilités du Burkina.

 

Le temps n’est donc pas à la fête, même si cela ne doit pas nous empêcher de vivre, parce que plus nous allons montrer que nous tenons bon, plus nous allons montrer que nous sommes un peuple courageux et solide qui refuse de céder une quelconque portion de son territoire, et plus la victoire pourrait être éclatante. Donc, il n’y a pas de fête au sens jubilatoire, pas de djandjoba comme on le dit, mais plutôt un travail de mémoire pour donner de l’espérance et de l’espoir au peuple à travers l’exemple que nous allons donner en étant dans un esprit engagé pour la construction de ce pays.

 

 

 

Parlant de la création du MPP, on ne peut pas dire que vous étiez connu du grand public avant votre nomination, Monsieur le ministre. De quel parcours politique pouvez-vous vous prévaloir ?

 

 

 

Je pense effectivement que vous avez raison mais nous avons décidé, dans tous les cas, qu’en tant qu’intellectuel, nous devons mettre nos connaissances au service des plus démunis.  Et ce travail peut se faire à plusieurs niveaux : sur le plan social, économique, politique, etc.

 

C’est peut-être mon engagement politique à travers la prise d’une carte d’adhésion d’un parti qui n’avait pas été constaté mais nous avons participé à pratiquement toutes les luttes de ce pays. J’ai fait ma thèse en France, je suis rentré en 96 et j’étais à l’université comme vacataire. Puis l’INERA m’a recruté et affecté à la station de recherche de Saria à Koudougou. Pour celui qui connaît l’histoire de ce pays, on sait qu’en 98, Koudougou était la ville la plus chaude. Je militais dans le mouvement syndical, j’étais le représentant SYNTER de la station de recherche et, à ce titre, j’ai contribué à la lutte du Collectif contre l’impunité créé suite à l’assassinat de Norbert Zongo. On a battu le pavé, on était dans les marches à longueur de journée. Le théâtre populaire de Koudougou était notre QG, on s’y retrouvait pour décompresser autour des jeux de cartes et autres. Ceux qui ont fait Koudougou à cette époque, savent qui était Monsieur Maïga.

 

Après cela, en 2004, je suis revenu à l’université de Ouagadougou au département de sociologie où, en tant qu’enseignant et intellectuel, je montrais mon engagement à travers les cours que je développais. J’étais également engagé dans le SYNADEC qui avait engagé une lutte pour revaloriser le statut de l’enseignant-chercheur.

 

Il faut dire que mes premiers engagements remontent au lycée. J’étais à Dori en classe de 5e où on nous envoyait les enseignants qui étaient du PCRV (Ndlr : Parti communiste révolutionnaire voltaïque, formation toujours clandestine de nos jours) pour les punir. Si vous grandissez à l’ombre de ces personnes, vous finissez par être un militant de plusieurs causes.

 

 

 

Contrairement à ce qu’on pouvait croire, vous avez donc attrapé très jeune le virus de la politique…

 

 

 

Tout à fait, ma première manifestation remonte à ma classe de 5e quand notre professeur de physique a été arrêté et on a marché pour qu’il soit libéré. Après, les luttes se sont poursuivies sur le campus pendant la révolution où les CDR étaient divisés en deux : les pro-Sankara et les pro-Blaise. Moi je faisais partie des pro-Sankara.

 

J’ai continué dans mon engagement jusqu’en décembre 2013 où un cousin proche des RSS comme vous les appeliez (NDLR : Roch, Salif, Simon) est entré en contact avec moi pour m’informer que bientôt ils vont quitter le CDP, qu’ils vont créer un nouveau parti et que si je le souhaitais, on pouvait cheminer ensemble. J’ai eu des échanges avec les premiers responsables et j’ai été convaincu par ce qu’ils faisaient. Dans la foulée, je dois rappeler que feu le président Salif Diallo était venu à l’université pour échanger avec les enseignants et on lui avait dit qu’on était un couteau à double tranchant. On est capable d’accompagner mais aussi de les critiquer si jamais ils ne prenaient pas le bon chemin. Ce qui a fait que pour la première fois, un parti politique a bénéficié de l’accompagnement et l’adhésion de la plupart des enseignants-chercheurs. Nous étions convaincus que si on voulait se débarrasser des pratiques du CDP, nous devions composer avec ceux qui étaient avant dans le système. Parce que c’est de l’intérieur qu’on pouvait faire imploser ce parti et non de l’extérieur. On s’est dit qu’ils sont de bonne foi, ils l’ont prouvé en partant du CDP.

 

Voilà comment je suis venu au MPP. J’ai pris ma carte, j’ai été dans le Bureau politique et le secrétariat exécutif puis nommé ministre. J’ai fait, si vous voulez, une entrée par effraction dans le champ politique et c’est ainsi que les gens m’ont découvert brutalement, mais mon engagement politique ne date pas de maintenant.

 

 

 

Le MPP est arrivé au pouvoir moins de 2 ans après sa création, n’est-ce pas parce que vous êtes les cousins germains du CDP ?

 

 

 

Je suis allé au MPP parce que j’avais la conviction que si on voulait se défaire du CDP, il fallait composer avec ceux qui sont venus de l’intérieur. C’est comme cela qu’on peut déconstruire un système. Nous avons pris en toute responsabilité la décision d’en finir avec les pratiques du CDP à travers les RSS et les autres qui ont quitté ce parti.

 

 

 

A l’évidence, il a été plus facile de conquérir le pouvoir d’Etat que de l’exercer. Mais, où est donc passée l’expérience des dirigeants qu’on a vendue aux électeurs ?

 

 

 

Là aussi, ce sont des lectures trop faciles que les gens ont. Il faut savoir que lorsqu’on est passé par une période d’insurrection, soldée par une Transition où on a manqué de mettre les pendules à l’heure, ramener tout le monde à oublier cet esprit d’insurrection permanente, en disant qu’il faut se mettre au travail pour avancer, je ne dirai pas qu’on a raté le coach mais plutôt que le service après-vente né de l’insurrection n’a pas suffisamment été assuré par ceux qui avaient les mains peut-être libres pour le faire. Je ne suis pas en train de jeter l’anathème sur quelqu’un mais je fais l’analyse sociologique avant de faire l’analyse politique. Après tout cela, celui qui vient par l’élection a sur le dos tous ceux qui pensent avoir été pour quelque chose dans l’insurrection, même ceux qui étaient couchés chez eux. Ils pensent qu’ils sont devenus des héros et que le pouvoir MPP doit rendre compte au-delà du devoir de redevabilité. Donc, il nous fallait prendre en compte la part contributive des uns et des autres qui avaient des attentes légitimes et ce n’est pas par une baguette magique qu’on peut satisfaire ces attentes.

 

 

 

Certes, mais est-ce que le MPP n’a pas fait un faux départ en essayant de gérer les attentes sociales au cas par cas ?

 

 

 

De ce point de vue, nous avons reconnu l’erreur qui a été faite. Voilà pourquoi s’est tenue la conférence nationale sur le système de rémunération. Car on s’est dit, après avoir traité au cas par cas, qu’il y a de la surenchère en l’air, et qu’on ne pouvait pas continuer ainsi. Donc, il fallait trouver le cadre le plus approprié pour mettre tous les acteurs, une fois pour toutes, autour d’une même table, de les écouter et d’apporter globalement des solutions qui vont être porteuses d’un nouveau contrat. Mais en lieu et place de cela, il y a eu des gens qui ont tiré à boulets rouges sur ce processus.

 

 

 

Parlant du fonctionnement du MPP, votre parti a encore du mal à mettre en place des sections et sous-sections dans certaines localités. Comment comptez-vous circonscrire le problème ?

 

 

 

Je ne dirai pas qu’on a du mal mais plutôt que c’est le jeu démocratique. Si on voulait coller avec les anciennes pratiques, ils suffisaient de rester à Ouaga et de décider que telle personne est dirigeante et exiger des gens qu’ils suivent. Mais on n’a pas voulu de cela, on a pris des collèges régionaux et provinciaux pour qu’il y ait un jeu démocratique. Donc on doit aller au rythme de la négociation sociale parce que vous composez avec des hommes. Et lorsque quelqu’un te dit que cette porte noire qu’il voit est de couleur rouge, il est difficile de le convaincre qu’il se trompe. Il faut laisser le jeu démocratique se faire dans le renouvellement des structures tout en respectant les échéances.

 

 

 

Comme l’albatros, le MPP n’est-il pas victime de son gigantisme comme l’a été le CDP en son temps ?

 

 

 

Bien sûr, un corps minuscule a plus de facilité de se mouvoir qu’un corps d’albatros. Plus vous êtes gigantesque plus vous avez du tout en votre sein. Vous avez des gens qui ont le sens de la responsabilité, vous avez des gens qui sont pressés d’accéder aux postes de responsabilité, vous avez ceux qui pensent que la politique se limite à la question des postes. Cela est légitime parce que nous sommes des hommes et parce que chacun à des aspirations. Le principe démocratique voudrait que ceux qui n’ont pas été choisis accompagnent le processus parce qu’aujourd’hui ce sont les uns mais demain ça peut être les autres. Personne ne doit claquer la porte parce qu’il n’a pas été choisi.

 

 

 

Le président du Faso a annoncé depuis l’année dernière qu’il va être candidat à l’élection présidentielle de 2020. N’est-ce pas là une manière de tuer des ambitions si on suppose qu’il y a des courageux au MPP qui voulaient se présenter ?

 

 

 

Non, je ne le crois pas. Nous sommes dans un parti démocratique et chacun prend ses responsabilités. Le président a dit : « je fais un premier mandat et ce n’est pas exclu que je fasse un second ». Il n’a pas été interdit aux autres de se présenter. Vous pensez que dans les autres partis ça se passe comment ?  Si on a plusieurs candidats, on va convoquer les instances du parti et retenir celui qui peut nous représenter valablement.

 

 

 

Mais, finalement vos anciens camarades du CDP vont vous donner une leçon de démocratie, puisque chez eux c’est ouvert et le parti pourrait même aller aux primaires pour désigner son candidat…

 

 

 

Au CDP, il n’y a pas de primaires pour le moment. Il y a déjà même quelqu’un qui s’est annoncé (Ndlr : Kadré Désiré Ouédraogo), qui dit qu’il n’est pas soutenu par le parti mais par des forces vives qui lui ont demandé d’être candidat. Mais cela n’en fait pas moins un candidat du CDP, il est issu de ce parti et donc cela crée déjà une fissure. Chez nous encore, ça va puisqu’on sait déjà qu’il y a un responsable du parti qui va y aller. Je ne vois pas où se trouvent leurs primaires puisque, tout au moins, ils auront deux candidats. Nous, on n’a jamais dit qu’on mettait un terme à ce processus, le président du Faso a le droit d’être candidat et il a dit qu’il le sera. Mais il n’a jamais dit à quelqu’un : « toi, va t’asseoir, tu ne seras pas candidat ». Ceux qui vont s’autocensurer, ça sera leur propre responsabilité.

 

 

 

Depuis l’arrivée de Roch Marc Christian Kaboré, qu’est-ce qui a fondamentalement changé dans votre ministère ?

 

 

 

Vous constaterez que depuis les évènements de décembre 2017 (NDLR : des étudiants se sont affrontés à la machette pour une histoire de banc), ce ministère connaît un calme relatif. Après cela, il y a certes des problèmes, mais on sait se parler. Le plus grand actif que l’on peut relever au niveau du ministère est que le calme est revenu et qu’on constate que les étudiants ont la volonté d’aller dans les amphis, d’étudier et de sortir. La volonté est très affichée chez les enseignants aussi de faire leur travail.

 

 

 

Mais Monsieur le ministre, à quelle année académique sommes-nous exactement ?

 

 

 

Souvent les gens font des amalgames. Quand vous êtes dans le système LMD, vous ne devez pas parler d’année académique mais de semestres. Si on parle d’année, on va forcément trouver des failles. Il faut donc revenir à l’unité de mesure qui est le semestre. Il faut mettre deux semestres (NDLR : S1 et S2) ensemble pour faire une année. Et le semestre c’est un ensemble de crédits et un volume horaire soit 600 heures de cours dont 40% pour les étudiants et 60% pour les enseignants. Si les gens s’engagent, en deux ou trois mois, on peut finir un semestre.

 

 

 

Mais il y a tout de même un manque d’amphithéâtres dans nos universités…

 

 

 

Non. C’est vous qui le dites.  Nous avons fait des statistiques. Il y a ce que les gens disent. Ceux qui veulent montrer que ça ne marche pas, vous diront toujours qu’il n’y a pas d’amphithéâtres. Si vous partez sur le campus de Ouaga 1, on n’a même pas l’espace pour mettre encore un amphi. Les gens refusent de décompter tous les bâtiments pédagogiques que nous avons construits. Aujourd’hui, on a même des salles pour des doctorants. Ce qui ne se faisait pas avant. On a un bâtiment rien que pour les écoles doctorales. Si vous faites le tour, vous verrez qu’il y a des amphis qui sont libres mais les gens font la bagarre sur un amphi quelque part. C’est un problème de gestion des infrastructures. Et là, on est en train de développer un logiciel que Bobo va expérimenter. Ce logiciel va permettre de gérer les infrastructures et de pouvoir faire des programmations de façon conséquente sur trois mois. On sait qui doit intervenir dans quel amphi et à quel moment. Si vous n’avez pas cette visibilité, les gens vont continuer à faire la bagarre. Voici ce que les étudiants font : quand ils constatent un amphi vide, ils ne cherchent pas à comprendre et ils partent chercher un enseignant pour venir dispenser les cours. Ils l’occupent alors qu’ils ne sont pas programmés. Conséquence, l’enseignant qui est programmé viendra trouver que le bâtiment est occupé par d’autres personnes. Ce problème est récurrent. Mais sur le site de Ouaga 2, les infrastructures qui ont été érigées sont impressionnantes.

 

 

 

Justement, quand l’Université de Ouaga 2 sera-t-elle fonctionnelle ?

 

 

 

Nous sommes en train de faire en sorte que dès la rentrée prochaine, les petits effectifs déménagent déjà. On fait ça parce qu’on a des salles de cours pour cent, deux cents personnes. Mais si vous prenez SEG 1 (première année sciences économiques et gestion) et le Droit 1 avec 2000 ou 3000 étudiants, si vous n’avez pas d’amphi, on sera obligé de continuer à squatter le SIAO. Par contre aujourd’hui, on est en train de construire un amphithéâtre de 2500 places à Ouaga 2 et un autre de 1500 places. Les travaux sont avancés. Dès que ces bâtiments seront équipés, les gros effectifs pourront déménager. Aujourd’hui, on a déjà dix mille places assises à Ouaga 2. Sur le site, il y a un centre médical de grande envergure qui est aussi mis en place et qui sera accessible aux populations et étudiants.

 

 

 

Il y a des étudiants qui sont affectés à la nouvelle université de Banfora mais jusqu’en fin janvier, ils étaient toujours à la maison. C’est quand même étonnant qu’une université qui vient de s’ouvrir accuse déjà un retard à l’allumage !

 

 

 

C’est normal. Nous avons planifié la rentrée à l’université de Banfora en 2019-2020. Les forces vives de la région ont fait un travail extraordinaire avec l’accompagnement du gouverneur. Elles ont dit qu’elles ont recensé des bâtiments qu’elles vont mettre à notre disposition. J’y suis allé avec le président de l’université. On a été convaincu par leur  détermination. Nous leur avons donc dit que comme elles veulent anticiper l’ouverture, nous la ferons donc en 2018, sinon, nous avions prévu l’ouverture en 2019. L’université de Banfora a été créée en même temps que celle de Manga. La cité de l’Epervier va attendre 2019 pour l’ouverture de son campus.

 

A Banfora, quand nous avons anticipé l’ouverture, nous leur avons dit que nous allons commencer par ce qui est plus facile pour nous. Ce sont les Lettres et le Droit, parce qu’on peut dupliquer. Ils ont souhaité deux autres. Nous avons ajouté mathématiques, physique et informatique. Je peux vous garantir qu’avant les vacances, les deux semestres pourront être faits. Parce que le personnel est disponible au niveau de Bobo mais les enseignants doivent mutualiser pour travailler pour l’université de Bobo, ensuite se déporter à Banfora pour les cours. Ils ont même commencé pour les Lettres avec les enseignants qui viennent de Ouaga. Je peux vous garantir, il n’y aura pas un retard. Ça va se gérer.

 

 

 

A quoi ça sert de déconcentrer les universités publiques dans les autres régions si les moyens basiques (locaux, enseignants) ne suivent pas toujours ?

 

 

 

C’est votre conviction. Quand on a créé l’université Ouaga 1, il n’y avait pas les moyens. Cette université dans son embryon même était prévue pour dix mille personnes. Aujourd’hui ils sont entre 80 000 et 100 000 étudiants. Quand on a créé l’université de Dédougou, celle de Fada et Ouahigouya, il n’y avait absolument rien. Nous avons fonctionné sur des locations de bâtiments. Mais aujourd’hui, vous pourrez avoir des images, on a mis des bâtiments impressionnants dans ces trois universités. Nous avons fait des adductions d’eau, avons fait la connexion à l’électricité. Ouahigouya et Fada ont déjà déménagé dans les nouveaux bâtiments. Aujourd’hui, l’une de nos fiertés, c’est l’université de Fada. Elle forme des gens compétents en génie civil et en mine. En plus, le retard a été résorbé. Je suis allé là-bas le 8 février pour faire le point. Tout le monde a effectué sa rentrée en novembre. Ils sont en train de travailler pour qu’à la rentrée prochaine, les gens puissent la faire en octobre.

 

 

 

Tout baigne donc ?

 

 

 

Nous sommes dans un processus de planification qui nous permet effectivement de créer ces universités régionales, de commencer à faire des locations parce que les universités n’ont pas de budget. Ces centres polytechniques universitaires sont d’ailleurs greffés à des universités qui ont des budgets déjà. Ainsi Gaoua et Banfora sont supportés par l’université de Bobo-Dioulasso. Celles de Kaya et Ziniaré le sont par l’université de Ouaga 1. Dori et Tenkodogo sont supportés par Ouaga 2. Celle de Manga est supportée par l’université Norbert Zongo de Koudougou. Dans notre planification, nous avons déjà recruté 100 assistants. Même Manga qui n’a pas commencé à fonctionner a reçu cinq enseignants. Nous planifions. Pour l’année prochaine, les enseignants sont déjà prêts. Tenkodogo a reçu cinq enseignants. L’université de Dori avait cinq mais, ils ont pu recruter deux parce qu’il y a des profils qu’ils n’ont pas trouvés. Donc, il ne faut pas vous inquiéter parce qu’on a reçu une dotation pour recruter des enseignants. Dans ce cadre, nous allons doter les universités de leurs propres personnels. Avant l’erreur était qu’on recrutait tout le monde comme enseignants et tout le monde voulait être à Ouaga. Ce qu’on fait maintenant, on dit qu’il est ouvert tel nombre de postes dans telle université et voici les profils qu’on veut. Si vous déposez votre dossier et que vous êtes admis, vous savez que vous n’allez pas tourner à Ouaga.

 

On négocie pour que l’université de Dori et celle de Fada soient achevées avec le financement de la BADEA. On a négocié la semaine passée et si les accords aboutissent, en 2020 on va commencer à construire. On aura les infrastructures pour chacun parce qu’avec les budgets que nous avons, nous faisons en sorte de doter chaque centre universitaire d’un minimum.

 

 

 

L’autre problème de nos universités publiques, c’est la soutenance. Par exemple, la plupart des étudiants en communication et journalisme valident les six semestres. Leurs documents sont prêts mais ils peinent à soutenir parce que les enseignants ne seraient pas disponibles.

 

 

 

Nous sommes en train de faire un travail pour que les enseignants fassent un minimum de sacrifice. Je suis bien placé pour vous parler de ces questions de soutenance. Quand je suis arrivé comme chef de département de Sociologie, c’était le département qui était le plus critiqué pour l’absence de soutenance. J’ai fait un conseil de département. J’ai dit aux collègues, je veux faire une semaine de soutenances groupées. J’ai fait les affiches. J’ai fait rentrer 81 mémoires. J’ai dit à mes collègues qu’une soutenance ne peut pas dépasser une heure. C’est un mémoire de maîtrise, ce n’est pas une thèse. J’ai fait passer tous les mémoires en six jours. J’ai invité des enseignants de Sociologie, d’Histoire, de Philosophie, de Linguistique, etc. pour composer les jurys. Après ça, la deuxième vague a été programmée. Plus de 50 mémoires ont été soutenus.

 

Après, on cherchait des étudiants pour soutenir. J’ai des étudiants qui finissent, je les appelle à venir déposer leurs documents. Certains ont peur même de venir soutenir. Mémoire prêt, on ne les retrouve pas. Ils disparaissent. Il faut de la volonté. Je connais aussi le problème des étudiants qui disent qu’on les empêche de soutenir. Il y a des étudiants qui ne sont jamais prêts mais, qui embrouillent les amis et les parents en mettant la charge sur les enseignants. Ça aussi, ça existe. Si tu dois aller voir ton enseignant tous les jours avec une page pour dire tous les jours que tu es sur la problématique et tu ne bouges pas, l’enseignant ne peut pas continuer comme ça. Nous sommes des humains, quand tu vois quelqu’un qui est en train de piétiner ça te décourage. Vous ne pouvez pas continuer à travailler. Mais à côté, il y a effectivement des situations très difficiles où les gens n’arrivent pas à s’organiser face à leurs responsabilités. Un étudiant qui finit a le droit de soutenir. Et c’est un devoir pour nous de l’accompagner à soutenir parce que la finalité de notre travail c’est que ceux qui finissent se retrouvent sur le marché du travail. Mais les gens ne connaissent pas souvent le bonheur qu’il y a de voir des gens que vous avez encadrés qui vous sont reconnaissants. C’est une dimension que nous devons intégrer dans notre métier d’encadreurs et d’éducateurs parce que tout ne se résume pas à l’argent. 

 

 

 

Malgré les efforts, le désordre indescriptible persiste dans l’univers des universités privées. Quand est-ce que vous allez mettre de l’ordre dans ces boutiques pompeusement appelées « établissements d’enseignement supérieur » ?

 

 

 

Nous avons quand même mis de l’ordre. En 2017, nous avons fait le suivi-évaluation qui ne nous a pas valu que des amitiés. Les gens sont montés partout pour nous dire de revoir le classement. Mes agents qui sont responsables de ça ont été l’objet de toutes les maltraitances. Il y avait deux dames. On m’a même appelé pour me dire de les renvoyer. Je leur ai dit que ça relève de la responsabilité du ministre. Je ne peux pas jeter en pâture deux dames qui ont fait leur travail et je suppose qu’elles ont bien fait leur travail. C’était tellement insupportable que j’ai dû appeler la dame qui est responsable de l’enseignement supérieur privé au sein du ministère pour lui dire : « si tu penses que tu as fait ton travail en toute liberté et en toute âme et conscience, tu peux aller. Si quelqu’un doit payer ici les pots cassés ça va être le ministre parce que tu as fait ton travail technique et le reste devient ma responsabilité. Celui qui te cherche des problèmes, qu’il commence à me chercher pour que je rende compte ».

 

 

 

Cela a-t-il produit les effets escomptés ?

 

 

 

J’ai dû passer par la presse pour dire qu’il était hors de question pour nous de refaire un classement. L’année suivante les gens ont travaillé et on a reçu des écrits de fondateurs qui nous ont remerciés pour le travail qu’on a fait parce que ça met de l’ordre dans leur milieu. Ceux qui ne peuvent pas respecter le cahier de charges devront jeter purement et simplement l’éponge.

 

Nous ne sommes pas dans la logique de sanctionner pour sanctionner. C’est pourquoi cette année nous avons pris deux mesures. La première, dans le cadre des bus que nous avons reçus, nous en avons prélevé 15 pour donner trois aux premières universités et 12 aux instituts qui ont été classés comme étant les meilleurs. Nous avons donné les bus et ils sont contents. C’est le fruit de l’évaluation pour qu’ils comprennent que ceux qui font des efforts vont être accompagnés.

 

Deuxième mesure. Dans le temps, on envoyait déjà des boursiers dans les privés. Cette année nous avons décidé d’envoyer 2000 étudiants dans les quinze meilleures universités et instituts. On a ouvert les listes chez eux pour ceux qui étaient déjà orientés sur campus Faso et qui avaient des difficultés, soit parce que leurs orientations ne correspondaient pas à ce qu’ils voulaient, soit parce qu’ils y avaient des problèmes de distance entre leurs régions et les universités où on les envoie. On leur a dit les offres disponibles dans les privés. Nous avons négocié avec les privés pour qu’ils réduisent le coût. Annuellement, on va payer environ 400 000 FCFA par étudiant. Quand on a fait le point des 2000 étudiants, ça nous fait 650 millions FCFA. C’est pour aussi dire quand vous appréciez des gens, il faut aussi avoir le courage et la disposition de les accompagner à mieux faire. Ils nous ont dit qu’ils ont déjà commencé les cours mais qu’ils vont faire des cohortes spéciales pour que les étudiants qu’on envoie chez eux soient formés et on va les accompagner jusqu’à la licence. Ça nous fera 1 200 000 FCFA par étudiant. On a dit à ces étudiants ce qu’on paie pour eux ; c’est déjà très élevé ; puisque le FONER fait 175 000 FCFA/an. Donc, on leur a dit : si vous prenez cette orientation au privé et l’Etat paie pour vous, vous ne serez pas éligibles au FONER et vous ne devez pas demander une bourse, parce que ce qu’on vous donne est plus que le FONER et la bourse. Par contre, vous pourrez prendre le transport en commun au tarif de l’étudiant qui fait 3000 FCFA/mois. Vous pourrez aussi demander une chambre en cité et pourrez aller manger au restaurant universitaire sans problème.

 

 

 

Si on vous suit bien depuis le début de cet entretien, au « royaume de Roch » tout est au mieux dans le meilleur des mondes…

 

 

 

Je voudrais que tout le monde reconnaisse aujourd’hui que la situation est difficile. Si elle est évidemment difficile pour le citoyen, c’est que ceux qui doivent aussi gouverner ressentent ces difficultés. Parce qu’il n’y a rien de plus compliqué que quand vous faites tous les efforts en vous donnant la dose de bonne foi et la volonté qu’il faut avec la pleine conviction que vous parvenez à changer les choses et qu’avec tout cela vous avez l’impression que chaque jour que Dieu fait, les gens sont convaincus que rien n’est fait, les gens ont plutôt  tendance à vous tirer vers le bas. Je ne dis pas que c’est tout le monde qui le fait mais, c’est de bonne guerre que certains s’expriment ainsi.

 

Mais, pour celui qui sait regarder, il saura qu’on ne peut pas s’asseoir tranquillement et dire que rien ne va.  Dans tous les secteurs, des efforts ont été fournis.

 

Il faut déjà faire cette appréciation en se disant que dans tous les cas, le peuple reste le seul maître du jeu. Et ce peuple qui a fait confiance au MPP, saura, le moment venu, apprécier en toute honnêteté et en toute lucidité pour voir là où le pays est.

 

Et c’est au peuple seul que revient la décision d’accorder une fois encore sa confiance à ce parti qui, malgré les adversités qu’on connaît, malgré les difficultés qu’on connaît, s’est battu comme il faut pour faire avancer les choses. Mais évidemment, on ne peut pas empêcher nos contempteurs qui voient le cataclysme partout mais avec l’amnésie par rapport à ce que chacun a pu faire de par le passé pour envoyer le pays dans une bourrasque dont on tente aujourd’hui de sortir. Il faut que le peuple se ressaisisse et que les esprits revanchards se taisent, se calment et que chacun se dise que la seule valeur qu’il faut cultiver, c’est le travail suivi de la valeur discipline. Pour qu’effectivement les frontières de l’indiscipline  reculent, que la désobéissance à l’autorité soit combattue et qu’on retrouve les énergies qui vont nous permettre d’investir dans la perspective de se débarrasser des actes terroristes qui empêchent tout le peuple de dormir et qui ont tendance à annihiler tous les efforts d’investissement parce qu’aujourd’hui l’investissement a été réorienté totalement en direction du devoir de protection et du devoir de lutte contre l’incivisme et les actes de terrorisme.

 

 

 

Entretien réalisé par

 

San Evariste Barro

 

Hadepté Da

J. Benjamine Kaboré

Dernière modification ledimanche, 24 février 2019 18:41

Ajouter un Commentaire

Code de sécurité
Rafraîchir

Retour en haut