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Maladie neurologique : «L’épilepsie ne se transmet ni par la salive ni par les rapports sexuels» (Pr Athanase Millogo)

 

L’épilepsie, contrairement aux nombreux préjugés, n’est pas contagieuse. Mieux, c’est une maladie qui se soigne et même se guérit. Tout sur l’épilepsie dans cette interview du Pr Athanase Millogo, neurologue au Centre hospitalier universitaire (CHU) Sourô Sanou de Bobo-Dioulasso, spécialiste des affections portant sur le système nerveux et actuel président de la Ligue burkinabè contre l’épilepsie.

 

 

 

 

Dans quel cadre êtes-vous à Ouaga ?

 

 

 

Je suis là dans le cadre de la sortie officielle (ndlr : le 7 mars 2019) des jeunes neurologues entièrement formés au Burkina. A l’occasion de cette sortie, nous avons aussi organisé un séminaire sur l’épilepsie, dédié aux sortants et à d’autres médecins d’autres spécialités comme la psychiatrie, la pédiatrie, la neurochirurgie et la gynécologie.

 

Nous avons également invité des experts, à l’image du Pr Pierre Genton de Marseille, du Pr Amadou Gallo Diop du Sénégal, du Pr Balogou du Togo, qui était notre représentant au niveau de l’Académie africaine de neurologie de la région de l’Afrique de l’Ouest, qui sont tous venus nous appuyer pour la soutenance des mémoires et pour l’animation du séminaire.

 

 

 

Ainsi, l’épilepsie constitue encore de nos jours un problème de santé préoccupant ?

 

 

 

Oui, l’épilepsie reste et demeure un problème préoccupant de santé publique, pas seulement à cause de sa fréquence qui est 5 à 10 fois plus importante en Afrique que dans les pays développés et cela, à cause de conditions particulières, en raison de ses répercussions économiques et socioculturelles sur le vécu du malade épileptique, mais aussi à cause des préjugés que l’entourage et la société ont de l’épileptique. Ce qui fait de l’épilepsie une maladie très stigmatisante, conduisant parfois à l’exclusion sociale.

 

 

 

Comment la définit-on?

 

 

 

C’est une maladie neurologique qui se définit par la survenue de décharges électriques au niveau du cerveau, responsables de manifestations très nombreuses et très variées.

 

 

 

Comment elle se manifeste ?

 

 

 

Ses manifestations peuvent être motrices, traduites par des mouvements anormaux comme les convulsions. Il peut s’agir d’absences (le malade restant le visage vide pendant quelques instants avant de reprendre son activité), de manifestations psychiatriques (avec fugues), végétatives (impression de boule dans la gorge, de déglutition, de mâchonnement, etc.) ou à type d’hallucinations, qu’elles soient sensitives, sensorielles ou autres.

 

C’est dire qu’il ne s’agit pas toujours des signes de la crise tonico-clinique généralisée où le malade crie et tombe, s’agite, émet de la salive ou perd des urines et ne s’en souvient pas au réveil. C’est d’ailleurs la forme la plus reconnue, car elle est très spectaculaire et fait très peur, d’autant plus que le malade s’évanouit pendant un certain temps avant de reprendre connaissance. D’autres formes existent mais le plus souvent, il faut des spécialistes pour les reconnaître. En effet, les signes de l’épilepsie sont très variés si bien que le diagnostic peut être très difficile. Car le diagnostic ne se pose pas seulement sur la base des manifestations cliniques, il y a aussi l’examen de l’électroencépahlographie (EEG) qui apprécie la traduction de la décharge électrique dans le cerveau.

 

 

 

Y a-t-il différents types d’épilepsie ?

 

 

 

Oui. Même si les manifestations sont diverses : motrices, sensitives, sensorielles, psychiques et végétatives, il s’agit toujours d’épilepsie. Les types dépendent des lobes cérébraux concernés. Les 2 principaux types sont les crises généralisées tonicocloniques et les crises partielles encore appelées focales.

 

 

 

Quelles en sont les causes?

 

 

 

Les causes de l’épilepsie sont très nombreuses et dépendent souvent de l’âge.

 

Les conséquences d’un accouchement difficile au cours duquel l’enfant a été réanimé, les traumatismes crâniens sévères, les séquelles d’infections du cerveau (telles que la méningite), des infections parasitaires telles que la neurocysticercose qui est la conséquence des œufs de Taenia du porc dans le cerveau humain, les tumeurs et les malformations cérébrales (attention donc à la consommation de viande de porc mal cuite) mais aussi à l’hygiène des mains, les séquelles d’accident vasculaire cérébral.

 

 

 

 

 

Y a-t-il un âge pour faire l’épilepsie ?

 

 

 

Hélas, la maladie peut survenir à tout âge, qu’on soit un nouveau-né ou un vieillard. Mais les pics de fréquence de l’épilepsie se situent aux deux extrêmes des âges de la vie, du plus jeune, parce que le cerveau est immature, au plus vieux, parce qu’il y a des pathologies liées à l’âge, comme les cancers du cerveau ou les métastases de cancer situées ailleurs dans l’organisme et qui vont se loger au niveau du cerveau.

 

 

 

Y a-t-il une particularité de l’épilepsie chez la femme ?

 

 

 

Oui. Très souvent, la femme utilise la contraception. Le problème, c’est l’inadéquation entre les médicaments de la contraception et ceux épileptiques qui peuvent interagir l’un sur l’autre : les contraceptifs peuvent rendre les antiépileptiques inefficaces et vice versa. C’est pourquoi la contraception chez la femme épileptique oblige à prendre des dispositions afin que celle-ci reste efficace et ne diminue pas l’efficacité des médicaments antiépileptiques.

 

 

 

Est-ce une maladie qu’on peut soigner ? Y a-t-il les médicaments pour la traiter convenablement ?

 

 

 

C’est une maladie qu’on peut et qu’on doit soigner. Comme je vous l’ai déjà dit, en fonction des répercussions sur le plan social dont les malades sont victimes, il est évident qu’il faut les soigner pour qu’ils soient ou redeviennent productifs. Les médicaments existent mais nous n’avons pas toutes les variétés au Burkina. Dans les pays en développement comme le nôtre, il y a les 4 molécules qui sont des antiépileptiques classiques, de vieux médicaments toujours efficaces dans 70% des cas et qui sont surtout moins chers. Il y a des médicaments plus récents mais qui sont extrêmement chers.

 

Au Burkina, nous sommes surtout confrontés au problème de rupture du stock de médicaments, notamment le Phénobarbital, un médicament générique, qu’on peut même trouver dans les CSPS mais qui peut manquer, parfois sur une période de 6 mois.

 

 

 

Peut-on en guérir ?

 

 

 

Evidemment. Si on a prescrit le type de médicaments adaptés aux crises d’épilepsie ou au syndrome épileptique, si le médicament est pris à dose suffisante et à posologie régulière, et si, en plus, le malade évite les privations de sommeil ainsi que l’alcool, si toutes ces conditions sont réunies, il va constater un espacement de ces crises puis leur disparition.

 

 

 

Peut-on prévenir la maladie ?

 

 

 

La meilleure prévention est le traitement ou l’évitement de la cause. Par exemple, les crises d’épilepsie dues aux traumatismes crâniens provoqués par les accidents sur la voie publique peuvent être prévenues par le respect du Code de la route et l’utilisation de casques, ce qui n’est pas gagné dans notre pays.

 

L’amélioration des conditions d’accouchement avec assistance d’un agent de santé bien formé, la vaccination contre la méningite, l’observation des règles élémentaires d’hygiène, la lutte contre les facteurs pouvant provoquer des accidents vasculaires cérébraux (par exemple en contrôlant bien sa tension artérielle, en suivant les conseils et les traitements du diabète, en évitant l’alcoolisme, l’obésité) peuvent concourir à éviter l’épilepsie pour certaines des causes.

 

 

 

Trop de préjugés sur cette maladie. Quels sont vos conseils pour que l’épileptique cesse d’être vu d’un mauvais œil ?

 

 

 

L’épilepsie est une maladie neurologique qui se soigne, qui n’est pas contagieuse : ni par le contact, ni par les rapports sexuels, ni par le fait de partager un repas. Pourtant, il y a beaucoup de contre-vérités sur cette maladie. Par exemple, on dit que si la salive du malade vous touche, que si vous mangez ou buvez dans le même bol que lui, dans certaines régions même, que si son pied gauche vous touche ou que si vous piétinez l’endroit où il a fait sa crise, vous serez contaminé. Tout ça n’est pas vrai, il n’y a aucune preuve scientifique. La preuve, nous soignons les épileptiques après les avoir examinés, même sans gants, mais nous ne sommes pas devenus épileptiques pour autant…

 

 

Alima Séogo née Koanda

 

Tél. : 79 55 55 51

 

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