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Traite négrière et esclavage : Silences, complicités et protestations…

Trop longtemps les Africains, surtout en Eglise, ont eu mauvaise conscience à ouvrir la longue et pénible page de l’histoire de la rencontre de l’Homme noir avec l’Occident blanc : ils craignaient, peut-être, d’être considérés comme ingrats vis-à-vis des missionnaires.

 

Longtemps, la loi du silence a régné sur la traite négrière et l’esclavage. Or, c’est bien connu : la toute première grande vague de colonisation européenne s’est accompagnée d’une destruction massive des civilisations non européennes et d’un asservissement brutal de leurs populations.

Nous avons déjà évoqué le positionnement honteux de l’Eglise face à cette situation. Mais ce serait injuste de ne pas prendre en considération les réactions de l’Eglise contre les théories racistes qui ont permis l’élaboration de l’esclavage. Partant du fait que le salut chrétien est offert à l’universalité du genre humain, à toute la créature et à toutes les nations, certains papes ont réagi vivement contre les préjugés racistes.

Le 2 juin 1537, à travers sa bulle Sublimis Deus, le pape Paul III dénonçait ceux qui soutenaient que les «habitants des Indes occidentales et des continents austraux… devaient être traités comme des animaux sans raison et utilisés exclusivement à notre profit et à notre service».

Et le pape ajoutait solennellement : «Dans le désir de remédier au mal qui a été causé, Nous décidons et déclarons que lesdits Indiens ainsi que toutes les autres peuplades dont, à l’avenir, la chrétienté aura encore connaissance, ne devront pas être privés de liberté et de leurs biens – sans égards aux allégations contraires – même s’ils ne sont pas chrétiens, et que, au contraire, ils devront être laissés en jouissance de leur liberté et de leurs biens».

Plus tard, le pape Urbain VIII ira jusqu’à excommunier les détenteurs d’esclaves indiens. Sur l’esclavage des Noirs, de nombreux papes et théologiens, parallèlement à de nombreux humanistes, se sont élevés contre sa pratique. Léon XIII l’a stigmatisé avec vigueur dans son encyclique In plurimis du 5 mai 1888, en félicitant le Brésil d’avoir aboli l’esclavage. A Yaoundé, le 13 août 1985, le pape Jean Paul II n’hésita pas, dans son discours aux intellectuels africains, à déplorer que des personnes appartenant à des nations chrétiennes aient contribué à cette traite des Noirs. En visite pastorale au Sénégal en 1992, le pape Jean-Paul II a fait son pèlerinage à Gorée et visité la «maison des esclaves», ce «sanctuaire africain de la douleur noire».

A cet endroit, celui qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui saint Jean-Paul Il dira : «Il convient que soit confessé en toute vérité et humilité ce péché de l’homme contre l’homme, ce péché de l’homme contre Dieu. Qu’il est long, le chemin que la famille humaine doit parcourir avant que ses membres apprennent à se regarder et à se respecter comme images de Dieu, pour s’aimer enfin en fils et filles du même Père céleste

Par ailleurs, dans son livre, Entrez dans l’Espérance, publié en 1994, Jean-Paul II fait voir que dans le Christ crucifié, Dieu s’est démontré radicalement solidaire de l’humanité et que «cela comprend tout : toute souffrance, qu’elle soit individuelle ou collective, les souffrances causées par les forces aveugles de la nature et celles qui sont délibérément provoquées par l’homme : les guerres, les goulags et les génocides. Je pense ici à l’holocauste des Juifs, mais aussi, par exemple, à l’holocauste des esclaves noirs d’Afrique…».

Lors de leur 13e Assemblée générale, du 1er au 12 octobre 2003 à Dakar au Sénégal, les évêques du Symposium des conférences épiscopales d'Afrique et de Madagascar (SCEAM), dans le cadre d’un travail général de «purification de la mémoire», ont ouvert, à Gorée, une nouvelle page de l’historiographie africaine en demandant pardon pour ceux des Africains eux-mêmes «qui ont vendu leurs frères». En sortant de Gorée, les évêques d’Afrique et de Madagascar avaient pris l’engagement d’une pastorale de la Renaissance de l’homme noir comme condition d’une authentique «purification de la mémoire».

 

P. Jean-Paul Sagadou

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