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Crise algérienne : L’armée exhume l’article 102 de la Constitution

 

La grande Muette algérienne a encore parlé, pour ne pas dire qu’elle a pris position dans cette crise qui oppose depuis un mois le pouvoir au peuple. C’est la deuxième fois car le 10 mars dernier, chef d’état-major général des armées, le général Ahmed Gaid Salah, avait, à la surprise générale, déclaré que l’armée nationale populaire partageait les mêmes aspirations que le peuple. « L’armée et le peuple algérien partagent les mêmes valeurs et ont une vision commune de l’avenir », avait-il en effet fait remarquer. Il sied aussi de rappeler qu’au lendemain de ce soutien inattendu, le pouvoir algérien avait pris une batterie de mesures dans le sens de l’apaisement de la crise qui secoue le pays depuis bientôt un mois, parmi lesquelles le renoncement à un 5e mandat du président Bouteflika, la convocation d’une conférence nationale, la mise en place d’un gouvernement de compétence nationale et l’élaboration d’une nouvelle Constitution.

 

 

Quelque deux semaines après cette sortie qui valait acte de fraternisation avec les manifestants, le même numéro un de cette armée est de nouveau sorti du silence hier, appelant ouvertement à une solution constitutionnelle à ce bras-de-fer qui oppose les caciques du FLN à tous ceux qui rêvent d’un renouvellement de la classe politique algérienne. En effet, dans une allocution, il a appelé à l’activation de l’article 102 de la loi fondamentale. Selon cette disposition, "lorsque le Président de la République, pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l'impossibilité totale d'exercer ses fonctions, le Conseil constitutionnel se réunit de plein droit et, après avoir vérifié la réalité de cet empêchement par tous moyens appropriés, propose, à l'unanimité, au Parlement de déclarer l'état d'empêchement".

 

Cette deuxième sortie sera-t-elle immédiatement suivie d’effet ? Rien n’est moins sûr ! Mais en tous les cas, elle traduit cet esprit républicain qui anime ce corps. Car, sous d’autres cieux, et en pareilles circonstances, quand le pouvoir est presque à terre, le premier troufion à quitter les rangs et à faire feu est assuré d’avoir les faveurs de la rue, quitte à ce que la pression de la communauté internationale le pousse à revoir à la baisse ses ambitions. La question est maintenant de savoir si l’appel du général va prospérer au niveau du Conseil constitutionnel. On ne le sait que trop, sous nos tropiques, les membres de cette haute juridiction qu’on appelle généralement « les sages » sont pour la plupart nommés par l’exécutif. Ce qui pose évidemment la question de l’indépendance réelle de cette institution.

 

Si la proposition était d’aventure acceptée, après cette étape, ce serait au tour du Parlement de se réunir. Comme on le voit, ce n’est pas demain en tout cas que Bouteflika sera déclaré officiellement inapte à exercer la fonction de président et, par conséquent, à céder le fauteuil à un intérimaire qui aura 45 jours pour organiser une élection libre, crédible, transparente et apaisée. Mais comme on le dit souvent, cette fois-ci, les membres du Conseil constitutionnel doivent plutôt être tenus à ce qu’on appelle le devoir d’ingratitude. C’est le meilleur service qu’ils pourraient rendre à leur pays, car l’issue de la crise est entre leurs mains. S’ils mettent en avant leurs intérêts égoïstes, ils peuvent pousser l’armée à prendre le pouvoir. Et tout le monde va partir. L’armée a donc mis le Conseil constitutionnel face à ses responsabilités, en lui montrant la voie. Même si c’est à se demander si les militaires, devant l’amplitude de la fronde, n’ont pas exhumé opportunément cet article, qui était là avant, pendant et après l’AVC du chef de l’Etat - en 2013 - pour avoir les faveurs de la rue.

 

 

 

Issa K. Barry

 

Dernière modification lemercredi, 27 mars 2019 19:59

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