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La Bible : Protestation et revendication

Nous l’avons déjà écrit : dans les limites du possible, le combat de la communauté noire s’est mené une Bible à la main, au nom de la Parole de Dieu.

 

En même temps, il ne faut pas se faire d’illusions : la résistance des Noirs à l’entreprise des Blancs n’a pas commencé aux Etats-Unis, mais sur les rivages de l’Afrique lors de leur déportation. Ils ont protesté de multiples manières contre cette déportation. Souvent au moment de l’embarquement, certains esclaves se jetaient désespérément à la mer. D’ailleurs, ils sont nombreux, ceux qui croyaient que les Blancs les achetaient pour les manger. D’autres refusaient de manger et de s’alimenter pendant la traversée.

Il semble que les suicides n’étaient pas rares. De nombreuses mutineries ont également eu lieu. Le film d’Alex Haley, Kunta Kinté, mis en scène à partir du roman Racines, révèle des aspects de ces mutineries. Par ailleurs, sur le sol des Etats-Unis, face à la situation de servitude qui était la leur, les esclaves ont souvent mis en place des systèmes de défense. Ainsi, au milieu du pire esclavage, la lutte pour la liberté n’a jamais été complètement absente. La rencontre avec le christianisme va permettre de consolider cette tradition de résistance. La conviction de base était assez claire : Dieu ne les a pas créés pour être éternellement les serviteurs des Blancs.

Les Noirs sont fascinés par la Bible dans son Ancien Testament. Mais, alors que dans la même Bible les Blancs privilégient le livre de la Genèse, les esclaves noirs vont avoir une prédilection pour le livre de l’Exode avec la figure libératrice de Moïse. Ils se sentent aussi en affinité avec les prophètes et les Psaumes, mais c’est l’Exode qui constitue le prototype de la libération espérée. Pour eux, le Dieu de la Bible est le Dieu de justice. Tout au long de la campagne abolitionniste, les Noirs utiliseront l’argument religieux. Ils identifient esclavage et péché. Le passage scripturaire le plus cité est celui de Actes 10, 34 : « Dieu ne fait pas acception de personnes ».

Les textes favoris des prédicateurs noirs sont connus aussi : Malachie 2, 10 : « N’avons-nous pas tous le même Père ? » et Actes 17, 16 : « A partir d’un seul sang, Dieu a créé tous les peuples pour habiter toute la surface de la terre ». La conclusion ne peut donc être que la suivante : Dieu n’est pas partial, il est le Dieu de tous. Dans une lettre à son ancien maître, un esclave fugitif proclame l’évangile de la liberté : « L’Evangile correctement compris, enseigné, reçu, senti et pratiqué, est contre l’esclavage comme il est contre le péché. Aussi loin et aussi vite que le véritable esprit de l’Evangile gagnera le pays, est spécialement dans la vie des opprimés, l’esprit de l’esclavage deviendra malade et impuissant comme le serpent dont la tête est pressée sous les feuilles fraîches du frêne et de la forêt ».

C’est donc clair : l’esclavage est une perversion de l’Evangile, l’invention d’hommes mauvais inspirés par le diable, un crime contre Dieu et son image humaine. Comme l’écrira plus tard Beecher Stove, « la cause de Dieu et la cause de l’homme sont identiques et…il ne peut y avoir divorce entre la vraie religion et la véritable humanité. Si chaque être humain est frère du Seigneur, l’injustice envers l’homme n’est pas seulement cruauté et barbarie, elle est impiété et sacrilège… ».

On peut oser l’écrire à la suite de Bruno Chenu : « Envers et contre tout, la foi chrétienne a permis aux Noirs de conquérir leur humanité. Elle a été le lieu où ils ont pu se sentir exister comme personnes et comme peuple. Grâce aux récits bibliques, grâce aux personnages de l’histoire du Salut, ils ont retrouvé leur confiance traditionnelle en la vie, ils ont préservé leur santé mentale. L’Evangile leur a parlé de liberté et a trouvé une connivence au plus secret de leur cœur ».

 

P. Jean-Paul Sagadou

Assomptionniste

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