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Crise algérienne: Attention à ne pas sombrer dans la chienlit

Il disait à qui voulait l’entendre qu’il avait l’Algérie chevillée au corps et qu’il n’était pas attaché à un fauteuil, fût-il présidentiel. Il s’y est pourtant accroché pendant 20 ans, tel un ormeau à son rocher, y poussant même des racines jusqu’à ce qu’il en soit extrait de force, comme une dent cariée.

Six semaines de contestation ont fini par avoir raison d’Abdelaziz Bouteflika au pouvoir depuis 20 ans et qui aura multiplié depuis plus d’un mois les manœuvres pour ne pas s’en aller. La colère de la rue et le lâchage de l’armée ainsi que les nombreuses autres lézardes apparues ces derniers temps dans la maison Bouteflika, notamment celle des anciens combattants de la guerre d’indépendance, auront contraint le vieux moudjahid à rendre les armes.

Une démission qui devrait en principe ouvrir la voie à une sortie constitutionnellement encadrée, sauf que le président du Conseil de la Nation, Abdelkader Bensalah, qui devrait assurer l’intérim de 90 jours fait partie de cette vieille garde que le mouvement du 22 février a dans son collimateur. Il est vrai qu’à 77 ans, cet autre moudjahid, journaliste dans une autre vie et président de la chambre haute du Parlement depuis 17 longues années, n’est pas la personne idéale pour incarner le changement voulu par les Algériens. Il a beau être discret et ne pas traîner de casseroles trop bruyantes, sa proximité avec le démissionnaire d’El Mouradia semble être un péché inexpiable aux yeux des contestataires qui ont jusque-là rejeté toutes les mesures et décisions prises par le pouvoir moribond. Un refus qui n’a pas été accompagné de la moindre proposition concrète pour sortir de l’impasse. Que faut-il faire en effet, si on tourne le dos à la solution juridiquement encadrée, même représentée par un vénérable spécimen de l’ordre ancien ? Qui donc pour piloter cette transition délicate ?

Et ce qu’il faut craindre, c’est qu’on s’installe dans une crise sans fin, une sorte de chienlit à l’algérienne avec tout ce qu’il y a comme risque de désordre et d’instabilité, voire pire tel la résurgence du péril islamiste qui pourrait profiter de la brèche ainsi créée pour s’incruster. L’autre danger qui guette cette transition réside dans la tendance à vouloir régler tous les problèmes tout de suite, comme on l’a vu avec les poursuites judiciaires engagées par le parquet d’Alger contre 12 chefs d’entreprise réputés proches du pouvoir pour « faits de corruption et transfert illicite de capitaux vers l’étranger ». Que ces magnats du monde des affaires soient coupables de ce dont on les a toujours accusés, c’est fort probable. Mais que faisait la justice alors qu’ils prospéraient en toute impunité à l’ombre du régime? On a bien peur que l’Algérie sombre dans une chasse aux sorcières  consécutive à la guerre de tranchées qui fait rage dans la galaxie Bouteflika pour le contrôle du pouvoir.

Si l’on n’y prend garde, la transition pourrait passer à côté de l’essentiel, car 90 jours, c’est vite passé. Et le combat actuel devrait consister en l’obtention  des conditions et garanties d’une élection libre, transparente et équitable, ce qui passe forcément par des réformes politiques et institutionnelles. Malheureusement on en est encore loin.

H. Marie Ouédraogo

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