Menu

Grève du SYNTSHA: Des mesures pour stopper l’hémorragie

Les hôpitaux publics tournent depuis hier au ralenti en raison d’un mouvement de grève de 48 h lancé par le Syndicat des travailleurs de la santé humaine et animale (SYNTSHA) qui exige l’application du protocole d’accord signé avec le gouvernement le 13 mars 2017.  Dans les centres de santé que nous avons pu visiter, internes, stagiaires et agents des services de santé de l’armée ont été mobilisés pour maintenir le service minimum.

 

 

9h aux urgences médicales de l’hôpital Yalgado-Ouédraogo. Comme à l’accoutumée, l’endroit est plein de blouses blanches qui passent des couloirs  aux salles d’hospitalisation pour parer au  plus pressé. A priori rien d’anormal : les malades sont là, les soignants aussi. Sauf  que les bandes patronymiques sur les blouses trahissent la qualité de leurs porteurs, des stagiaires et des étudiants pour la plupart. Ici, le mot d’ordre de débrayage du SYNTSHA est suivi à la lettre. A l’heure du décompte, « aucun infirmier n’est là, deux auxiliaires sur cinq sont absents », nous indique un membre du personnel, sous couvert de l’anonymat. Il nous apprend également que  les personnes réquisitionnées n’avaient pas jusque-là répondu à l’injonction. Les deux médecins programmés du jour étaient, eux, en activité. Des agents des services de santé des armées étaient attendus pour leur prêter main forte. Un accompagnateur, visiblement pas rassuré par cette mobilisation, a néanmoins pris la direction d’une clinique privée avec son malade.

« Je suis syndiqué, mais je vois mal le fait d’abandonner les malades et leurs accompagnateurs. Si je reviens, comment ils vont me regarder ?» nous indique notre interlocuteur, qui note les spécificités de ce département. Les urgences médicales accueillent en 24 heures  généralement entre 20 et 24 patients en situation critique.  Par mois, ce sont environ 100 malades qui passent de vie à trépas. En ces temps de forte  chaleur, le personnel craignait un afflux de malades dans l’après-midi. Ceux déjà présents ont tous bénéficié de soins, comme nous le confirme Saydou Kafando, un accompagnateur : « Notre malade a été pris en charge, nous n’avons pas rencontré de problèmes particuliers ».  L’artiste musicien Jacob Salem, qui a mené son frère tombé en syncope la veille au soir, est passé par toutes les émotions depuis le début de l’arrêt de travail à 7h. «  On devait faire un scanner. Et on m’a dit que le  personnel est en grève, j’ai eu très peur. J’ai même failli couler des larmes. Mais entre-temps, j’ai vu des gens qui ont commencé à prendre les malades en charge », raconte le « roi du rock mossi ». Le musicien épouse la cause de ceux qui ont choisi de déposer la seringue  pour exiger  de  meilleures conditions  de vie et de travail. « Je demande au gouvernement de soutenir les agents de santé, de répondre à leurs attentes. Si j’étais à leur place, j’allais donner plus d’argent aux médecins qu’aux députés. Ils travaillent jour et nuit, baignant au quotidien dans la mauvaise odeur de Yalgado avec des risques de contracter eux-mêmes des maladies », développe-t-il, promettant de composer prochainement une chanson pour  rendre hommage aux toubibs.

Venu avec une délégation dresser le tableau clinique de la situation qui prévaut  à l’hôpital historique de la capitale, le secrétaire général du ministère de la Santé,  le Dr Robert Karama,  a effectué sa première halte  à la maternité, autre point névralgique de Yalgado. Comme aux urgences,  le service minimum y est assuré. La patronne des lieux, le  Pr Blandine Thiéba, chef du service de gynécologie obstétrique, fait le point : «  La grève est suivie, car le nombre de prestataires que nous avons tous les jours n’est pas atteint, mais le service minimum est assuré. 80% de nos prises en charge sont des urgences obstétricales et gynécologiques. Des réquisitions ont été faites par l’administration et le personnel est présent. Nous avons des stagiaires qui nous accompagnent et  travaillent sous notre supervision, car comme nous sommes un centre hospitalier de formation, ils n’ont pas droit de grève ».  Ici aussi, on anticipe sur l’arrivée massive dans les heures à venir de malades, notamment des autres centres de santé.  Le Pr Blandine Thiéba rassure : « Nous seront prêts à les accompagner ».

A la fin de sa tournée, le SG du département de la Santé s’est félicité de la continuité du service dans des départements sensibles comme la maternité, les urgences médicales, la traumatologie et l’urgence viscérale.  « L’essentiel pour nous c’était de permettre aux malades qui sont dans une situation d’urgence d’avoir des soins. Des dispositions ont été prises avec les gestionnaires des hôpitaux et les directeurs généraux dans ce sens », a signifié le Dr Robert Karama. Ces mesures ont été prises dans les autres hôpitaux avec le même résultat, à en croire le directeur régional de la santé du Centre, le Dr Thomas Ouédraogo : « Nous avons appelé les M-CD (médecins-chefs de district) de la région et il en est ressorti que les urgences sont fonctionnelles », explique-t-il. C’est le constat que notre équipe de reportage a aussi fait au CMA de  Pissy et au centre médical urbain de Samandin où on a noté par ailleurs une faible affluence des malades.

 

Hugues Richard Sama

Zalissa Soré

 

 

Encadré

Les revendications du SYNTSHA

 

1)   Le respect concret du protocole d’accord gouvernement-SYNTSHA du 13 mars 2017, notamment :

1.1. Le respect du libre exercice des libertés démocratiques et syndicales, le droit de grève en particulier ;

1.2        La prise de mesures diligentes pour un fonctionnement optimum des formations sanitaires et vétérinaires du pays et la transparence dans la gestion ; arrêt de l’impunité, luttes concrètes contre la corruption, le racket, etc., dans les formations sanitaires et les services vétérinaires;

1.3.        L’adoption suivie de leur mise en œuvre en fin avril 2019 au plus tard des statuts particuliers et du RIME dans les secteurs de la santé humaine et animale y compris la période transitoire liée au relèvement du niveau de recrutement des infirmiers/ères d’Etat, des sages-femmes et maïeuticiens d’Etat, des agents Itinérants de santé et d’hygiène communautaire et des garçons et filles de salle, d’une part, et, d’autre part, les textes relatifs à l’Agence nationale des soins de santé primaires (AGSP);

1.4.        Le paiement en fin avril 2019 des salaires et indemnités dus aux travailleurs aux termes de la loi 057-2017/AN portant statut de la fonction publique hospitalière en respectant la date d’effet du 1er janvier 2018 ;

1.5.        La mise en œuvre immédiate du reversement en A1 des attachés de santé et des conseillers d’élevage conformément au protocole du 13 mars 2017 et avec pour date d’effet le 1er septembre 2017;

1.6.         La mise en œuvre effective en 2019 du maintien de toutes les indemnités des travailleurs de la santé humaine et animale en stage.

1.7.        Le respect de tous les autres engagements pris par le gouvernement dans le protocole d’accord de mars 2017 : amélioration de l’allocation indemnitaire notamment l’indemnité de contagion et de contamination pour la santé animale, prise en charge de la santé des travailleurs, etc. ;

1.8.        Un échéancier clair pour la relecture et l’adoption des textes conformément au protocole d’accord du 13 mars 2017 : arrêté conjoint sur une réglementation des marchés publics adaptée au secteur de la santé (point 4, page 21 du protocole d’accord); textes relatifs à la participation des travailleurs à travers leur syndicat aux instances où se décide leur sort (Conseil d’administration, Conseil de santé de district, Comité technique régional de santé, etc., (point 5, page 21 idem).

2)               L’adoption rapide du décret fixant modalités de gestion des logements administratifs dévolus aux communes dans le domaine de la santé et juste règlement des problèmes de logement des agents de santé antérieurs audit décret.

Source : Préavis

 

 

Encadré 2

« On est très satisfait»

 

                                       (Hamadé Konfé, secrétaire administratif du SYNTSHA)

 

Le bilan de cette première journée de mobilisation est très satisfaisant, a jugé le secrétaire administratif du SYNTSHA, Hamadé Konfé. A l’en croire, le mot d’ordre a été respecté à Ouagadougou comme à l’intérieur du pays. S’il se félicite des débuts du mouvement, Hamadé Konfé regrette que le gouvernement fasse la sourde oreille aux revendications des travailleurs de la santé. Depuis le préavis, les autorités n’ont entamé aucune discussion avec le syndicat, a-t-il dénoncé, estimant que « le gouvernement ne joue pas franc-jeu ». Par rapport aux mesures prises pour assurer le service minimum, le syndicaliste estime que c’est un écran de fumée. « L’apparence qu’on donne est que les services marchent alors que ça ne marche  pas ».

Réagissant à  la récente sortie de l’Ordre des médecins qui invitait dans une déclaration les grévistes à assurer le service minimum, Hamadé Konfé assène que le « SYNTSHA n’a pas d’ordre à recevoir de cette structure ». « Nous nous apprêtons à lui répondre », a-t-il poursuivi, tout en notant les rapports de collaboration que les deux entités ont  au quotidien dans le cadre de leur exercice.

Notons que la ministre de la Santé s’est exprimée sur le mouvement de grève au sortir du conseil de ministres. Léonie Claudine Lougué maintient que le dialogue n’est pas rompu et que les concertations se poursuivent. Sur le respect de l’accord avec le SYNTSHA, elle rassure : « Il y a certains points qui nécessitent une adaptation avec les textes réglementaires, mais le gouvernement n’a jamais arrêté de mettre en application les promesses qu’il  a faites ».

 

H.R.S.

Ajouter un Commentaire

Code de sécurité
Rafraîchir

Retour en haut