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1er- Mai: Fête du travail en temps de terrorisme

Le 1er mai de chaque année a lieu la fête du travail dans le monde entier en commémoration du massacre des ouvriers de Chicago aux Etats-Unis en 1886. Ceux-ci étaient alors en lutte pour la réduction du temps de travail à une journée de 8h. Hier à Ouagadougou, le 133e anniversaire de cet événement a été marqué par la remise d’une lettre de protestation destinée au Premier ministre, Christophe Marie Joseph Dabiré, en lieu et place du cahier de doléances. S’en est suivi un meeting à la Bourse du travail, où les responsables syndicaux ont dépeint une situation socio-économique peu reluisante et la persistance de l’insécurité avec son corollaire de drames.  

 

La célébration de la fête du travail avait un cachet particulier hier 1er mai 2019 à Ouagadougou : pas de marche, pas de remise de cahier de doléances comme à l’accoutumée. L’information est donnée à la Bourse du travail pendant que les travailleurs affluaient de part et d’autre vers une enceinte déjà surchauffée. Surchauffée dès 8h comme si le soleil était déjà au zénith. Il y avait des sonorités d’artistes dits engagés, des banderoles portant les abréviations d’organisations et de structures syndicales sans oublier les commerçants de T-shirts et de gadgets. Quelques instants plus tard, une vingtaine de responsables syndicaux convergent vers le ministère de la Fonction publique, du Travail et de la Protection sociale sur l’avenue Kwame N’Krumah. Les y attendaient au perron de ce département Séni Mahamadou Ouédraogo et ses collègues de la Communication, du Commerce et de la Femme. Après de chaleureuses poignées de main, le président du mois des centrales syndicales et sa délégation se tiennent face aux membres du gouvernement et à leurs collaborateurs. «Comme vous le savez sans doute, nous avons décidé de ne pas déposer de cahier de doléances, mais nous avons une communication à vous faire par rapport aux relations qui existent entre le gouvernement et les travailleurs », introduit Georges Yamba Koanda. Il affirme que, depuis 2017, le gouvernement ne s’est pas préoccupé de rencontrer ses ‘’partenaires sociaux’’ que sont les syndicats alors que les rencontres avec le secteur privé, les paysans, les jeunes, entre autres, se sont régulièrement tenues. «Sans surestimer notre place ou notre rôle, nous estimons que notre contribution à la vie socio-économique doit nous valoir plus de considération de la part du gouvernement. Notre protestation vaut d’autant plus que des demandes d’audience introduites par l’UAS (Unité d’action syndicale) sont restées sans suite », ajoute celui qui est également le secrétaire général de l’Union syndicale des travailleurs du Burkina (USTB). Puis d’expliquer que c’est cette absence de rencontre en 2017 qui les a conduits à ne pas déposer de cahier de doléances en 2018, tout comme l’année en cours, avant de recevoir une correspondance annonçant la tenue d’une rencontre du 16 au 22 avril dernier autour du cahier de 2017. Mais du fait d’un problème de calendrier, les centrales syndicales et les syndicats autonomes ont demandé un report après le 1er mai 2019.

 

L’hommage aux victimes des attaques terroristes

 

Passé ce point, Georges Yamba Koanda relève que si le mouvement syndical a retenu de ne pas effectuer de marche cette année,  c’est en hommage à toutes les victimes des attaques terroristes. Et de citer les éléments des Forces de défense et de sécurité, des camarades travailleurs, notamment ceux du secteur de l’éducation, comme les principales cibles des forces obscures. Il espère que des dispositions seront prises dorénavant pour assurer la tenue régulière de la rencontre annuelle Gouvernement/Syndicats. Du côté de l’exécutif, c’est le responsable du maroquin de la Fonction publique qui demande une minute de silence à la mémoire des travailleurs arrachés à l’affection des leurs et de la Nation. Il salue l’esprit de dialogue qui a toujours guidé les organisations syndicales et loue leur disponibilité à ne pas déposer de cahier de doléances ;  eux qui ont préféré prendre en considération les circonstances nationales liées aux attaques terroristes avec les difficultés que l’Etat connaît. Séni Mahamadou Ouédraogo réaffirme à l’occasion la disponibilité du gouvernement à œuvrer dans le sens de la concertation pour trouver les solutions adéquates aux défis auxquels le monde du travail est confronté.  

 

«Mobilisation et lutte ! ça suffit ! Trop, c’est trop ! »

 

De retour à la case départ, les responsables syndicaux par la voie de leur président du mois annoncent que c’est l’occasion de faire le tour de la situation internationale, africaine et nationale, d’examiner la situation du monde du travail en vue de renforcer les moyens de lutte et d’engranger par conséquent plus de victoires. Selon Georges Yamba Koanda, la situation socio-économique du Burkina Faso est marquée par l’aggravation de la misère, caractérisée par la vie chère, le chômage massif des jeunes, les difficultés d’accès à l’éducation, aux soins de santé, à un logement décent, à l’eau, ainsi que l’inaccessibilité des produits de première nécessité (riz, huile, sucre, etc.). L’autre fait marquant de la vie nationale, à écouter le tenant du crachoir, c’est la persistance de l’insécurité avec la poursuite des attaques terroristes qui ont causé et continuent de causer des morts parmi les FDS et les populations civiles. «Au total, près de quatre ans après que le peuple a chassé le président Blaise Compaoré, la déception que ressentent les populations et particulièrement les jeunes résulte de la non-prise en compte des aspirations qui ont nourri les sacrifices consentis lors de l’insurrection populaire et de la résistance héroïque et victorieuse au putsch du général Gilbert Diendéré », conclut-il avant d’aborder l’ultime point concernant le mouvement syndical. Il a évoqué notamment les multiples luttes engagées par diverses corporations, qui pour exiger la satisfaction de leurs plates-formes revendicatives, qui pour exiger la mise en œuvre de protocoles d’accords signés avec le gouvernement. Tout en félicitant les travailleurs de ces secteurs pour les lauriers engrangés, les secrétaires généraux exhortent les travailleurs à maintenir, à développer l’unité d’action à la base autour des préoccupations communes (les carrières ainsi que les conditions d’existence et de travail aussi bien au public qu’au privé) sans oublier la défense des libertés démocratiques et syndicales. Georges Yamba Koanda fait finalement cas de blocage de la relecture du Code du travail comme une préoccupation majeure du monde du travail en général et des travailleurs du privé en particulier. Il n’omet pas non plus le blocage des salaires qui a cours dans le secteur privé depuis sept ans. Des propos entrecoupés par les slogans des travailleuses et travailleurs fortement mobilisés pour la circonstance. Mobilisation et lutte pour le respect des franchises universitaires, l’amélioration des conditions de vie et de travail. Ça suffit ! Trop, c’est trop ! entendait-on.    

 

Aboubacar Dermé

Félicité Zongo

 

 

Encadré

La Coordination des syndicats de l’éducation maintient son mot d’ordre

 

Lors du Conseil des ministres du 30 avril 2019, au titre du ministère de l’Education nationale, de l’Alphabétisation et de la Promotion des langues nationales (MENAPLN), le Conseil a adopté un rapport relatif à l’apurement des dossiers sur l’indemnité de logement, l’indemnité spécifique, la bonification d’échelon à titre exceptionnel et la finalisation du projet de statut valorisant du personnel dudit ministère. Il a par ailleurs demandé au comité de rédaction de reprendre les travaux en concertation avec les syndicats le 2 mai 2019 pour un début de rédaction, le 6 mai à Koudougou dans un délai de 21 jours. Des mesures qui visaient certainement à dissiper les inquiétudes de la Coordination nationale des syndicats de l’éducation (CNSE) qui avait décidé, au sortir d’une assemblée générale le 26 avril dernier, de «la suspension des évaluations à tous les niveaux» dans le but d’obtenir la satisfaction de sa plate-forme revendicative. Mais ces décisions n’ont visiblement pas eu d’effets puisqu’à l’issue du message de l’UAS, le coordonnateur régional du Centre au sein de cette structure, Yoin Yariyé, a invité les professeurs d’éducation physique et sportive (EPS) et les encadreurs à suspendre toutes les activités jusqu’à nouvel ordre. Il les a par ailleurs exhortés à ramener toutes les fiches sorties pour les évaluations (ce 2 mai) pour ne pas dire que les épreuves sportives du Brevet d’études du premier cycle (BEPC) sont compromises.   

Joint au téléphone, le coordonnateur national, Bonaventure Bélem, a parlé de mesures qui a priori sont à saluer parce qu’elles participent à la résolution des problèmes qui ont été posés. Cependant, a-t-il déclaré, ces mesures interviennent à un moment où la méfiance entre la CNSE et le gouvernement a atteint son paroxysme d’où le fait qu’il est difficile de lever le mot d’ordre de suspension des évaluations. Il a signifié que si les rencontres prévues dans les jours à venir débouchent sur des perspectives heureuses, la CNSE pourra organiser une assemblée afin d’apprécier la situation et, de façon souveraine, décider de la levée de la suspension.

F.Z.

 

Encadré :

Omerta au SYNAFI

 

En marge du meeting, nous avons joint au téléphone le responsable du Syndicat national des agents des finances (SYNAFI) dans l’optique de décortiquer les récentes mesures gouvernementales sur la prime de motivation. Notre vis-à-vis,  après avoir indiqué qu’il était à l’instant T dans la deuxième ville du pays (Bourse du travail), promit de nous diriger vers un autre interlocuteur qui répondrait à nos questions, ce qui devait se traduire par l’envoi des coordonnées de l’intéressé, mais rien n’y fit. Dans la foulée, un autre acteur du milieu s’est voulu plus clair et précis. «Nous avons décidé de ne pas communiquer avec la presse pour le moment. Nous avons souvent des problèmes, ce que nous disons n’est pas rapporté fidèlement », a déclaré notre interlocuteur. Autant dire que la loi du silence est belle et bien d’actualité. «Mais est-ce vrai que les relations sont tendues avec les autres syndicats?» Une autre préoccupation qui allait peut-être trouver une réponse.  

A.D. 

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