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Grève du SYNTSHA : Ce que ressentent les Ouagalais

La grève du Syndicat des travailleurs de la santé humaine et animale (SYNTSHA) se poursuit. Au deuxième jour de ce débrayage, le mercredi 22 mai 2019, nous avons rencontré des citoyens dans la ville de Ouagadougou. Ces derniers ne cachent pas leur ressenti. Beaucoup d’interviewés trouvent la lutte des agents de la santé légitime, mais déplorent le fait qu’il n’y ait pas de service minimum dans certaines unités de soins. D’autres personnes pensent que la remise à plat des rémunérations des agents de l’Etat pourrait être la panacée.

 

 

Daouda Guelbéogo, commerçant

« Nous sommes tous témoins du manque de matériel »

 

J’ai entendu parler du débrayage des agents de la santé. Selon moi, ce n’est pas bien. Je demande aux autorités d’accéder à leur requête afin qu’ils lèvent leur mot d’ordre de grève. C’est cela qui va nous arranger tous. Les agents de la santé ont raison. Nous sommes tous témoins, quand nous partons à l’hôpital, qu’il y a un manque criard de matériel. Lors de la précédente grève, un de mes proches a failli se faire amputer la jambe. Nous avons été à Yalgado pour faire la radio de son pied, mais il n’y avait pas de médecin. 

 

Thomas Ouédraogo, assistant des douanes à la retraite

« Nous déplorons le manque de service minimum »

 

La grève est autorisée dans la Fonction publique depuis très longtemps. Je ne trouve pas celle du SYNTSHA illégale, mais le syndicat devait quand même prévoir un service minimum. La satisfaction de la lutte des magistrats a été une porte ouverte aux revendications. Pourquoi donner de l’eau et du pain à Paul et donner rien que de l’eau à Pierre ? C’est donc une grève qui se justifie. Seulement, ce que nous déplorons, c’est le manque de service minimum. Nous souhaitons que les plus hautes autorités y trouvent une solution, car j’ai vu à la télé des gens quitter les hôpitaux en traînant leur malade. 

 

Lydia Ouédraogo, enseignante

« J’accuse le gouvernement »

 

Si nous sommes aujourd’hui face à une situation de grève généralisée, j’accuse le gouvernement. Il prend des décisions qu’il ne respecte pas. C’est donc tout à fait normal que les agents de santé partent en grève si leur plateforme minimale revendicative n’est pas respectée. Ce que nous déplorons, c’est le manque d’un service minimum. 

 

André Ouédraogo, retraité

« Ils ont affaire à un gouvernement qui ne se décide pas »

 

« A écouter les syndicats de la santé, je pense qu’ils ont raison. Ils ont affaire face à un gouvernement qui ne se décide pas. L’Etat prend des engagements qu’il n’honore pas. A mon avis, en dehors des ministres, le gouvernement devait avoir un comité d’intellectuels qui réfléchissent pour sortir le gouvernement des situations difficiles. A l’heure actuelle, il y a un blocage et nous ignorons quelle sera la stratégie de l’Etat pour sortir de cette impasse. Les syndicats disent que la responsabilité incombe à l’Etat. Ce n’est pas faux. Presque tous les ministères grèvent. Le gouvernement a raté son départ et il sera très difficile aujourd’hui de concilier les points de vue. L’Etat a accédé à la requête des magistrats, donc les autres fonctionnaires se disent pourquoi pas nous. »

 

Joachim Zongo, journaliste à la retraite

« Il faut qu’on accepte tous la remise à plat des rémunérations »

 

 La santé est la chose la plus importante. Quand vous êtes bien portant, vous pouvez tout faire. La grève est un droit, mais il y a l’éthique. Il faut savoir que, quand on va en grève et qu’on est dans un secteur vital comme la santé, il ne faut pas oublier que le manque de soin peut entraîner la mort qu’on veut éviter aux malades. C’est pour ainsi dire, qu’on est bien d’accord que des gens aillent en grève, mais qu’ils sachent mesurer la portée de leur débraye. Je viens de faire un mois et demi à Yalgado au service dermatologique. J’ai été très bien traité et j’en suis ressorti content. C’est pour dire qu’aujourd’hui, j’ai le cœur meurtri de savoir que ceux-là qui m’ont très bien traité pour que je me porte bien sont obligés d’arrêter le travail. Nous sommes d’accord avec le principe d’aller en grève, mais nous souhaitons qu’ils mesurent la portée de leur geste parce que quand on ne donne pas la santé, on perd des vies.

On a l’habitude de dire que l’ouvrier mérite son salaire. Le travail qu’abat le personnel de la santé est sans répit, il faudra que les autorités portent un regard sur cela. Il y a des gens qui travaillent beaucoup et qui n’ont rien. Et d’autres qui travaillent peu, mais ont beaucoup d’argent. Il faut que les gens acceptent qu’on remette à plat les rémunérations pour essayer de créer un climat d’homogénéité. Ainsi, la vie ira mieux. 

 

Marcel Byen, étudiant en communication et journalisme

« Dans un domaine aussi sensible, on ne devrait pas entendre parler de grève »

 

Je ne connais pas très bien les règles qui régissent le domaine sanitaire, mais ce domaine est tellement sensible qu’on ne devrait pas y entendre parler de grève. Ç’aurait été dans un autre domaine qu’on aurait pu comprendre. Nous sommes tous conscients que chaque minute, voire chaque seconde qui passe, il y a des urgences, des situations tellement délicates qu’on ne peut pas s’imaginer fermer un centre de santé ne serait-ce que pendant une seconde. Ce mouvement d’humeur ne participe pas au développement et à la construction du pays. Concernant ce que les agents revendiquent, j’estime qu’il appartenait au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour qu’on n’en arrive pas à la situation actuelle. L’Etat devrait répondre à leurs revendications le plus rapidement possible afin qu’il n’y ait pas de dégâts. Personnellement, je n’ai pas de parent ou ami qui en a payé les pots cassés. Mais le Burkina Faso est une Nation, et tout Burkinabè qui ne se sent pas bien dans sa peau doit être vu comme un membre de la famille qu’il faut sauver. 

 

Korotimi Bamogo, étudiante en économie

« Les agents ont quelque part raison »

 

A analyser la situation, les agents ont quelque part raison. Il est vrai que cette grève, au regard de sa durée, aura des conséquences désagréables, mais sous nos cieux c’est ce qu’il faut pour avoir gain de cause devant les autorités. S’il s’agissait d’une grève sans conséquences, c’est évident qu’ils ne seraient pas écoutés. Actuellement, nous assistons à une montée des revendications, et partout l’on réclame l’amélioration des conditions de vie et de travail. Mais s’il y a un corps qui a plus besoin de travailler dans de meilleures conditions, c’est bien les agents de santé. 

 

Emmanuel Sawadogo, étudiant en 2e année de mathématiques

« Ça ne sert à rien d’arrêter le travail pour une lutte »

 

Les agents ont des raisons d’aller en grève pour revendiquer de meilleures conditions quand on sait que de par le passé d’autres corps comme celui des magistrats ont procédé ainsi. Mais n’oublions pas que nous sommes dans un domaine où un arrêt ou un ralentissement du travail peuvent occasionner des pertes en vies humaines. Je pense donc qu’ils peuvent mener leur grève tout en travaillant. C’est la méthode pour se faire entendre qu’il faut changer. Dans les pays asiatiques, par exemple, les travailleurs portent des bandeaux sur la tête en signe de protestation. Ça ne sert à rien d’arrêter le travail pour une lutte. Je suis convaincu qu’au bout des revendications il y aura forcément gain de cause, mais abandonner les services pour revendiquer, c’est sûr que des milliers de personnes vont mourir. Imaginez un tant soit peu les malades dans les services d’urgence qui doivent suivre des soins intensifs. 

 

Souleymane Ouédraogo, étudiant en 2e année de Chimie

« Quand on est cultivateur, on ne peut pas aller au champ sans sa daba »

 

C’est normal que des travailleurs de la santé luttent pour l’amélioration de leurs conditions. Quand on entre dans bon nombre de nos hôpitaux, on constate beaucoup de dysfonctionnements. Si ce n’est pas le personnel qui est insuffisant, c’est le matériel qui manque. On présume que dans chaque formation sanitaire il y a un responsable chargé de faire régulièrement le point des besoins aux autorités et que chaque fois celles-ci reçoivent les doléances et doivent les solutionner rapidement.

A Yalgado comme dans d’autres formations sanitaires, des patients perdent la vie pour une coupure d’électricité. Je me pose la question de savoir pourquoi on ne peut pas trouver de groupes électrogènes de relais. Comme le dit l’adage, lorsqu’on est cultivateur on ne peut pas aller au champ sans sa daba. Il y a des secteurs prioritaires dans lesquels le gouvernement devrait mettre conséquemment les moyens et c’est le cas du secteur de la santé.

 

Seini Ouédraogo, commerçant

« Il faut que les autorités se réveillent »

 

Les grèves n’ont pas commencé maintenant. A mon avis, c’est la preuve que les autorités ne peuvent pas gérer le pays. Il faut qu’elles sortent de leur sommeil. Les agents de santé ne peuvent pas faire leur travail pendant qu’ils ont des problèmes.  Pour qu’ils puissent donner le meilleur d’eux-mêmes, il y a un minimum qu’ils doivent avoir. Il leur faut nécessairement de bonnes conditions de travail, et les autorités doivent y travailler. Je n’ai jamais connu un Burkina Faso comme ça, où tout va de mal en pis. A l’allure où vont les choses, ce n’est pas bien pour le pays parce que c’est la masse qui en souffre. 

 

Moussa Zoungrana, commerçant

« La grève n’honore personne »

 

A mon humble avis la grève du SYNTSHA n’est pas la bienvenue. Mais je crois que s’il en est arrivé là, c’est que cela en vaut la peine. Quand quelqu’un court dans un champ de haricot en floraison, c’est que ça ne va pas.  Ma prière aujourd’hui est que les deux camps s’entendent, car la vie humaine est sacrée. J’entends les gens dire qu’il n’y a pas de service minimum dans les centres de santé. Cela n’honore ni le syndicat ni le gouvernement. 

 

Rasmata Konfé, commerçante au grand marché

«Tout le monde n’a pas les moyens de se rendre en clinique»

 

 Je ne cache pas mon mécontentement vis-à-vis de la situation. Selon moi, le syndicat et les autorités doivent poursuivre le dialogue pour la satisfaction des revendications. Si on déserte les formations sanitaires pour exprimer le ras-le-bol, c’est la population qui paiera les pots cassés. Je souhaite que le syndicat mette un peu d’eau dans son vin en tenant compte de la situation que traverse le pays, car nous sommes tous des fils et des filles du Burkina. J’ai l’impression que les agents de santé ignorent que tout le monde n’a pas les moyens de se rendre dans une clinique. Je souhaite qu’ils assurent le service minimum pour aider la population. 

 

Bernard Ouédraogo, commerçant

« Le SYNTSHA à raison d’aller en grève »

 

Je crois que c’est parce que le gouvernement a donné gain de cause à certains syndicats au détriment d’autres. Cela n’a fait que créer de la frustration à certains niveaux. Si le syndicat est entré dans la danse des mouvements d’humeurs, c’est donc avec raison. Dans les normes, la satisfaction des protocoles d’accord des syndicats devrait commencer même par l’éducation et la santé, car c’est la base de tout développement. 

 

Inoussa Dao, artiste et formateur en art plastique

« Le gouvernement nous a montré son incapacité »

 

 Dans ce pays, seules les grèves et les revendications points serrés peuvent faire bouger les lignes. Toutes les grèves en plus de celle du SYNTSHA sont de bonne guerre. Le gouvernement nous a montré son incapacité dans tous les domaines, et tous les secteurs profitent donc de cette faiblesse pour obtenir une meilleure rémunération et des conditions meilleures de travail. 

 

Moctar Thanou, enseignant de philosophie au lycée municipal Vinama Thiémounou Djibril de Bobo-Dioulasso

« On attend la remise à plat des salaires »

 

A part le fait qu’il n’y ait pas de service minimum, rien ne m’étonne. Tout le reste est normal. Puisque le gouvernement refuse de gérer tous les fonctionnaires comme des employés de l’Etat. Il ne faut pas les gérer au cas par cas. Quand on fait la sourde oreille, c’est ce qui arrive. Je crois que l’Etat doit se pencher sérieusement sur la remise à plat des salaires, sinon à ce rythme tout le monde va entrer dans la danse. La gestion du pays va être compliquée. Nous, les enseignants, avons une fois de plus capitulé parce que nous sommes à la fin de l’année et à l’orée des examens. Nous ne voulons pas sacrifier l’avenir des enfants mais l’année prochaine nous allons durcir le ton. Qu’on prenne une décision qui va être appliquée à tout le monde.

 

O. A., agent en fonction dans un ministère

« Les syndicats ne doivent pas oublier le terrorisme »

 

Je comprends qu’ils veuillent revendiquer de meilleures conditions de vie et travail, mais c’est la manière qui ne sied pas. En attendant, ce n’est pas le gouvernement qui va récolter les pots cassés. Les membres du gouvernement n’ont pas besoin de se soigner dans nos hôpitaux publics ; ils vont en clinique ou vont se faire soigner en Europe. Cette grève en définitive est contre les populations. C’est un droit pour chaque corporation de revendiquer, mais si tout le monde doit manifester, ça crée le désordre. Qui écouter ? On ne fait qu’augmenter les problèmes. Je pense que les syndicats ne doivent pas oublier la salle guerre que nous livrent les terroristes. Ils doivent tenir compte de ce problème de l’heure.

 

Akodia Ezékiel Ada

W. Harold Alex Kaboré

Félicité Zongo

Bernard Kaboré

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