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Soudan : Quand l’Union africaine souffle le chaud et le froid

Deux jours après avoir pris la décision de suspendre le Soudan de l’organisation, l’Union africaine a mandaté le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, pour jouer au monsieur bons offices auprès des protagonistes de la crise.

 

 

 

En deux jours de va-et-vient entre la junte et l’Alliance des forces de la liberté et du changement (ALC), l’envoyé spécial de l’UA a peu d’acquis à faire valoir, et pour cause : les insurgés et le Conseil militaire de transition(CMT) continuent de se regarder en chiens de faïence et à jauger leur capacité d’occuper la rue, les premiers par des barricades, le second à en chasser les croquants.

 

Dans un tel contexte, difficile de parier un kopeck sur la reprise du dialogue, notamment sur la base des acquis des pourparlers précédents, comme l’a ouvertement souhaité l’organisation continentale.  De fait, si le CMT se dit disposé à reprendre le dialogue sans préalable, ce n’est pas le cas de l’ALC qui demande que la junte reconnaisse sa responsabilité dans le massacre du 3 juin et accepte une enquête internationale sur cette tuerie.

 

Par ailleurs, l’UA est allée au-delà de sa médiation pour donner un point de vue qui ressemble fort à une prise de position partisane dans la crise : en effet, outre les mesures punitives qui ont été brandies contre les premiers responsables de la junte, elle a ouvertement exprimé sa préférence pour qu’une autorité civile dirige la transition. Dès lors, malgré les déclarations de son N° 1, le général Abdel Fatah Al-Burhan, en faveur d’un « dialogue avec toutes les parties dans l’intérêt du pays », plus d’un observateur reste plus que circonspect sur la capacité de la junte à lâcher du lest dans sa volonté de jouer les premiers rôles dans ce Soudan de l’après-El Béchir.

 

Autant dire qu’Abiy Ahmed dans le dossier soudanais doit marcher sur des œufs et l’Union africaine, elle, tombe dans le paradoxe de vouloir une chose et son contraire : jouer au médiateur avec cependant un parti pris contre la junte, brandir des sanctions et appeler au dialogue ; autant dire souffler le chaud et le froid. Le CMT aurait compris l’ambiguïté de la position de l’UA qu’il n’agirait pas autrement que de montrer lui aussi une attitude ambivalente. Ainsi se déclare-t-il pour une sortie négociée de la crise non sans réprimer violemment les insurgés depuis le lundi 3 juin 2019. Voilà alors le Premier ministre éthiopien à la peine pour rapprocher des positions diamétralement opposées et  l’Union africaine qui bégaie sa diplomatie dans cet imbroglio.

 

Comme on la comprend, l’Union africaine ! Au nom du principe de la défense de la démocratie et des droits de l’homme, elle ne peut accepter qu’un nouveau régime militaire s’installe à Khartoum après avoir enjambé des monceaux de macchabées. Mais elle ne peut non plus ignorer que l’attitude de l’armée est une partie et du problème et  de la solution à la crise politique soudanaise.

 

Elle y joue un rôle primordial depuis au moins 30 ans, et vouloir la contraindre à être désormais cantonnée dans les casernes, c’est faire fi de cette réalité. Au demeurant, au-delà des communiqués officiels, le médiateur de l’UA devrait demander l’avis non officiel du président égyptien, président en exercice de l’organisation. Ce n’est pas pour rien que ce dernier soutient discrètement mais fermement les dirigeants de la junte soudanaise. A bon entendeur …

La rédaction   

Dernière modification lelundi, 10 juin 2019 23:05

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