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Déguerpissement à Bobo: «On ne pouvait pas tolérer des habitats spontanés sur les berges du marigot » (El Hadj Bakoné Millogo, maire de l’arrondissement 4)

La fin de la semaine dernière fut cauchemardesque pour les habitants de la zone non lotie du secteur 32. Des habitats spontanés qui ont subitement poussé comme des champignons sur les berges du marigot et qui constituaient un véritable danger, aussi bien pour leurs occupants que pour les populations riveraines, ont été démolis. Une opération de déguerpissement que le maire de l’arrondissement 4, El Hadj Bakoné Millogo, explique par la nécessité pour ses services de prévenir une éventuelle catastrophe dans cette zone inondable mais aussi par le besoin de créer les conditions d’une viabilisation du secteur 32. C’est ce qu’il nous a dit dans cette interview qu’il nous a accordée mardi dans son bureau.

 

Comment expliquez-vous d’abord l’occupation des berges du marigot qui sont quand même une zone à protéger ?

Il faut reconnaître que les berges du marigot ont été réservées par les services techniques chargés de l’aménagement de la ville de Bobo-Dioulasso comme périmètre de sécurité. Par conséquent, aucune exploitation du site pour quelque motif que ce soit ne doit être tolérée. D’ailleurs, c’est une zone inondable qui mérite une plus grande prudence. C’est même pour prévenir une éventuelle catastrophe que les services techniques ont laissé une marge d’environ cent mètres par endroits. Mais depuis un certain temps, les gens ont accaparé ces espaces et y ont érigé des maisons d’habitation. Et depuis 2016, nous avons attiré leur attention sur les dangers qu’ils encourent dans cette zone. Les conseillers municipaux du secteur 32 ont été mis à contribution pour sensibiliser les propriétaires de ces habitats spontanés et le problème a même été évoqué au conseil municipal. Nous avons aussi utilisé le canal des médias pour les inviter à ne pas investir dans la zone. Nous avons toujours été écoutés sans être compris. On était alors obligé de passer à l’acte.

Quelles sont les raisons qu’ils avançaient pour expliquer l’occupation du site ?

Aucune explication ne tient en pareille circonstance parce qu’il s’agit d’une zone desécurité, un espace protégé. Avec la situation de changement climatique que nous vivons, il y avait trop de risques en cet endroit qui, pour moi, reste un vrai danger pour les occupants. Et il fallait agir pour prévenir ce danger. Nous avons alors décidé de les faire partir de gré ou de force pour ne pas être obligés, un jour, de courir dans tous les sens pour sauver des vies en danger. Comme je l’ai dit, c’est une zone à haut risque très inondable.

Oui, mais ces habitants de la zone non lotie du secteur 32 ne se sentaient nullement inquiétés !

Je voudrais dire que même ceux qui sont dans la zone lotie ne sont pas totalement à l’abri des intempéries. Rien qu’avec la grande pluie de la semaine dernière, des familles sont venues nous voir pour dire qu’elles avaient été inondées. En certains endroits, l’eau atteignait une hauteur d’environ un mètre dans les concessions. Qu’en serait-il pour ceux qui étaient sur les berges ? Nous n’allons pas attendre le pire avant d’agir. Comme on le dit, gouverner, c’est prévoir. Et nous avons jugé bon de prendre nos responsabilités. Dans tous les cas, la ville de Bobo à un plan d’aménagement avec des principes d’occupation. Celui qui veut vivre en toute quiétude dans cet arrondissement 4, voire dans la commune, ne peut que se conformer à la réglementation en vigueur.  

Est-ce à dire que les démarches pour convaincre ces occupants des berges de ne pas investir sont restées sans suite ?

Cette affaire remonte jusqu’à 2016. A l’époque, le ministère de l’Urbanisme nous avait apporté son appui avec ses engins lourds pour l’ouverture des voies dans les zones nouvellement loties de la commune. Dans l’arrondissement 4, c’est le secteur 32 qui était concerné. Mais nous n’avons pas pu le faire en son temps parce que l’essentiel du travail passait par cette zone non lotie. Aucune action n’avait été menée en amont et il était important pour nous de tenir compte des cas sociaux. Et depuis nous avons engagé des actions d’information et de sensibilisation en faisant comprendre à ces occupants de la zone non lotie qu’ils devaient partir de là pour des raisons de travaux concernant principalement l’ouverture des voies. Le dernier lotissement remonte à 2010 et il nous fallait prendre toutes les dispositions pour avoir une situation exacte des attributions de parcelles au secteur 32. Et grâce au travail effectué par la commission d’enquête parlementaire qui a abouti à la mise en place d’une commission d’apurement du passif foncier, nous avons pu maîtriser la situation. Parce que la commission a recensé l’ensemble des difficultés concernant ces habitats spontanés. Les occupants disent s’être installés sur les berges parce qu’ils n’ont pas été attributaires au cours du lotissement. Néanmoins, nous leur avons demandé de partir pour que les 4 000 personnes qui ont été attributaires puissent mettre en valeur leurs parcelles. Ils ont besoin de l’ouverture des voies pour entamer les travaux de mise en valeur. Certains ont fait des demandes de branchement  d’eau et d’électricité qui sont restées sans suite parce qu’il n’y avait pas de route à cause de ces habitats spontanés. Des propriétaires de parcelles sont même obligés d’abandonner leur voiture ou leur moto plus loin pour rejoindre leur domicile à pied, faute de route. Donc, il fallait qu’on prenne nos responsabilités.

 

En dépit de tout ce que vous avancez comme raisons à cette opération de déguerpissement, il y a eu des résistances.

Effectivement, certains se sont opposés et ça n’a pas été facile pour nous. Des gens sont allés jusqu’à défier l’autorité. Mais nous leur avons prouvé que force reste à la loi. Nous sommes dans un pays de démocratie et sommes tenus d’être à l’écoute de tout le monde. Mais il nous appartient aussi de préserver l’intérêt général. Nous n’avons pas mené cette action par simple plaisir ou pour des visées électoralistes. Nous avons tout simplement voulu faire appliquer la loi. Il y a d’abord eu une première tentative et cette fois nous avons décidé d’aller jusqu’au bout. On n’a pas attendu qu’ils enlèvent les toitures. Nous sommes allés directement faire tomber les maisons.

Quel avenir pour ces déguerpis ?

Ce n’est pas de gaieté de cœur qu’on entreprend une telle opération de déguerpissementqui engendre forcément des cas sociaux. Mais je vous dirai qu’aucune autre solution n’a été envisagée pour ces derniers. D’ailleurs nous n’avons pas à trop nous apitoyer sur le sort de ces déguerpis. Parce que ce qu’il faut savoir ici à Bobo est que bon nombre de personnes sont attributaires de parcelles mais les vendent pour aller créer ou s’installer dans de nouvelles zones d’habitats spontanés en attendant de prochains lotissements pour être de nouveau demandeur. Avec l’opération que nous venons de mener au secteur 32, certains croyaient que des déguerpis allaient être dans la rue. Beaucoup d’entre eux ont simplement enlevé leur toiture pour rejoindre leur parcelle en zone lotie. C’est vous dire qu’il n’y avait que des spéculateurs de parcelles sur les berges du marigot qui n’avaient visiblement pas besoin de prise en charge après l’opération. Mais nous leur avons tout simplement garanti que la commission d’apurement du passif sur le foncier urbain va incessamment donner son rapport. C’est à l’issue de cela que ceux qui doivent être dédommagés le seront. 

Certains déguerpis pourtant veulent se faire entendre dans les jours à venir !

Il faut savoir qu’en pareille circonstance, il y a toujours des récalcitrants. Des gens quicherchent toujours des problèmes où il n’y en a vraiment pas. C’est clair et net que les berges du marigot sont une zone de sécurité et qu’il faut la protéger. Je pense d’ailleurs que l’opération de sensibilisation que nous avons menée a permis à bon nombre de personnes concernées par le déguerpissement de comprendre l’importance de l’action. Mais comme toujours, ils ont traîné les pieds, se disant que les autorités resteraient sensibles à leur situation. Sinon, je crois savoir qu’ils ont, dans la grande majorité, compris la nécessité de l’ouverture des voies et que les travaux devraient forcément empiéter sur certaines concessions. D’ailleurs après le déguerpissement, nous avons reçu de fortes délégations d’attributaires de parcelles venues nous féliciter du travail abattu et nous encourager pour tous les efforts que nous faisons pour le développement de l’arrondissement et aussi, les facilités que nous leur offrons désormais pour l’accès et la mise en valeur de leur parcelle.  

A vous entendre, la situation est sous contrôle.

Parfaitement sous contrôle et il n’y a aucun risque de dérapage. Nous avons régulièrement les échos de l’après-déguerpissement et, de plus en plus, les gens adhèrent à notre action qui va certainement accélérer la viabilisation du secteur avec les branchements d’eau et d’électricité. Ce qu’il faut savoir est que dans mon arrondissement, la situation des parcelles se présente comme partout ailleurs dans la commune. Le dernier lotissement à Bobo remonte à 2010. En 2014, il y a eu des retraits de parcelles dans mon arrondissement parce que non mises en valeur et réattribuées à d’autres demandeurs par mon prédécesseur. A notre arrivée, il n’y avait aucune parcelle à attribuer. Et jusque-là, nous attendons le rapport de la commission d’apurement pour savoir la conduite à tenir désormais en matière de lotissement. Nous sommes convaincus que ce rapport sera assorti de recommandations de façon à aplanir les difficultés en matière de lotissement et à garantir la transparence. Alors, je demande à la population de garder son calme et de ne pas s’en tenir à la rumeur selon laquelle les berges ont été vendues à des promoteurs immobiliers. C’est du pur mensonge parce que même les promoteurs immobiliers connaissent bien l’importance des berges du marigot et les responsables de l’environnement ne vont jamais tolérer cela. Nous n’avons pas déguerpi les gens pour créer des problèmes mais plutôt pour prévenir des problèmes. Nous sommes là pour le bonheur des populations qui nous ont élus et qui attendent de nous des actes concrets pour l’amélioration de leurs conditions de vie. Les gens ont tendance à dire aujourd’hui que plus rien ne sera comme avant. Je pense que cela doit se ressentir dans leur comportement de tous les jours. Nous y gagnerions tous.

                                                       

Propos recueillis par

Jonas Apollinaire Kaboré 

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