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Grève des agents de santé : Les malades sont-ils maintenant… vaccinés ?

Comme annoncé le 24 juin dernier lors de leur marche d’avertissement, les agents de santé ont effectivement déserté les centres hospitaliers depuis le dimanche 30 juin à 00h pour ne reprendre que le lundi 8 juillet à 00h. Nous nous sommes rendus dans la matinée du mercredi 3 juillet 2019 au Centre hospitalier universitaire Yalgado-Ouédraogo.  Constat : pas d’affluence. On est tenté donc de se poser la question de savoir si les malades sont vaccinés contre les grèves ou s’ils prennent leur précaution dès l’annonce d’un arrêt de travail.

 

                                   

Il est 10h lorsqu’une équipe de votre journal fait son entrée au Centre hospitalier Yalgado-Ouédraogo. L’ambiance est morose. Quelques rares patients aux urgences traumatologiques. Dans la cour, un monsieur allongé sur une chaise roulante sous un arbre attire notre attention : c’estAnna Amekou, un malade venu de Pô le dimanche 30 juin, le jour du début de la grève. Il a auparavant subi une intervention chirurgicale à la cuisse et est resté alité un mois  : « Quand les infirmiers se sont rendu compte de la gravité de ma situation, ils m’ont proposé de m’évacuer à Ouagadougou. »

« Cela fait 3 jours que je ne mange plus »

« Ayant épuisé toutes mes ressources, j’ai contacté le service de l’action sociale qui a bien voulu m’aider. C’est ainsi que j’ai été évacué à Yalgado et je suis là depuis dimanche soir et jusque-là, je n’ai reçu aucun soin », nous relate-il déçu avec une mine d’enterrement, assisté de sa femme qui, elle, a visiblement perdu tout espoir : « Quand j’interpelle un infirmier pour lui parler de mon problème, aucun ne me prête attention, tous semblent pressés. Certains au moins me disent qu’ils ne s’occupent pas des cas d’interventions non réussies, d’autres me disent qu’ils s’apprêtent à aller en grève, donc ils n’ont pas le temps. Cela fait trois jours que je suis assis sans soins. Je n’arrive plus à manger, tellement je souffre », s’est-il affirmé.

Un attroupement de cinq vieux attire notre attention dans un couloir. Il s’agit d’un cas malheureux. Souba Bandé, un septuagénaire, nous prête une oreille attentive. Il est en effet venu de Koupéla, avec son neveu pour des soins, mais celui-ci n’a pas eu de chance. Il a succombé à sa maladie. « Il avait un problème rénal et a subi une intervention chirurgicale à la suite de laquelle son mal a persisté. Il est donc revenu voir son médecin traitant depuis cinq jours, qui lui a demandé de passer une  radio. Résultat : anémie.  Malheureusement, il n’y avait pas  de sang qui lui convenait. Après trois jours d’attente, le malade a rendu l’âme ce matin à quatre heures », a confié le vieux Bandé tout abattu. Avec la douleur, il a du mal à enlever le corps de son neveu défunt : «depuis ce matin, nous cherchons un infirmier pour le constat. Nous parcourons  presque tous les services pour pouvoir enlever le cadavre, mais c’est peine perdue. Les agents que nous abordons nous disent qu’ils sont en grève ou qu’ils ne sont pas habilités à faire ce travail », a-t-il poursuivi, sans savoir sur quel pied danser, la tombe étant prête.

Certains malades ont eu plus de chance : Saïdou Nikiéma, un technicien du bâtiment,  victime d’un accident de la circulation sur la route de Ziniaré, a l’avant-bras bandé avec des vices dedans. Il reçoit tous les trois jours ses soins malgré la grève : « J’ai été victime d’un accident de la circulation et je me suis en sorti avec une fracture ouverte. Mais depuis, je viens fréquemment pour mes soins tous les trois jours. Aujourd’hui, malgré la grève, je suis venu prendre une ordonnance pour l’achat de mes produits, et je n’ai eu aucune difficulté. Moi, je n’ai pas ressenti la grève, c’est comme les autres jours ordinaires », a affirmé Nikiéma.

Certains agents sont remarquables de par leur blouse, mais difficile de trouver un interlocuteur au sein du personnel soignant. Nous sommes renvoyés d’un major à un autre ou d’un chef de service à un autre. Comme s’ils s’étaient passé un mot d’ordre. Finalement, le chef de service de l’Unité des urgences médicales, le DrBonkoungou, sans vouloir d’image ni préciser de détail sur son prénom, nous accorde deux minutes. Selon lui, son service dispose d’une dizaine de médecins et d’au moins vingt-cinq infirmiers qui travaillent en équipe subdivisée en cinq groupes. Le Dr Bonkoungou nous confiera que le service fonctionne sans beaucoup de difficultés malgré l’absence des médecins titulaires partis en grève : « dans ce service, nous avons la chance de disposer de médecins contractuels qui sont des agents qui, soit ont soutenu leurs thèses et attendent d’être affectés, soit attendent de soutenir », a-t-il dit en concluant qu’ils arrivent à assurer le minimum qui consiste à accueillir le patient et à lui administrer les premiers soins ».

 

Les malades immunisés contre les grèves ?

Pour lui, les malades prennent souvent leurs précautions, car dès l’annonce d’une grève, il y a moins d’affluence : «Tengandogo et Bogodogo ont beaucoup désengorgé Yalgado. Nous pouvions nous retrouver avec une cinquantaine de malades par jour, mais actuellement, nous sommes autour de la vingtaine. Et avec la grève, le nombre a considérablement baissé. C’est ce qui explique parfois le manque d’affluence dans certaines unités de l’hôpital. Certains partent dans d’autres structures sanitaires selon leurs moyens et d’autres préfèrent s’adonner à la médecine traditionnelle.

Ebou Mireille Bayala

Harouna Abdoulaye Nass

 

Encadré 1

Pied de grue pour le point de la situation

Le Pr Blandine Bonané Thiéba, chef du département gynécologique, malgré sa bonne volonté affichée, n’a pu se prêter à nos questions, protocole administratif oblige. Le chargé de communication étant en congé, nous sommes contraints de nous référer au directeur des ressources humaines qui, lui, également avoue ne pas pouvoir nous répondre sans l’autorisation du directeur général lequel, à son tour, devant être en pause entre 13h et 15h, ne pouvait non plus nous recevoir sauf dans l’après-midi.  Nous avons finalement replié sans pouvoir obtenir le point de la situation avec l’administration. 

 

Encadré 2

La radiologie foudroyée

Comme si la grève ne suffisait pas, la foudre s’est invitée à Yalgado. En effet, dans la nuit du lundi 1er juillet 2019, le jour du début de la grève des agents de santé, la foudre s’est abattue sur les installations de la radiologie,  occasionnant des dégâts  sur  les appareils. Mais il y a eu plus de peur que de mal, puisque dès le lendemain, avec la promptitude des techniciens, la panne a été réparée au grand bonheur des usagers.

 

Encadré 3

Le motif de la grève en bref

En rappel, les agents de santé regroupés au sein de 4 syndicats qui sont : le Syndicat des médecins du Burkina(SYMEB), le Syndicat des sages-femmes et maïeuticiens et accoucheuses du Burkina (SYSFMAB), le Syndicat autonome des infirmiers et infirmières du Burkina (SAIB) et le Syndicat des travailleurs de l’administration hospitalière et des services de santé (SYNTAHSS) ont marché le lundi 24 juin 2019 pour réclamer la mise en œuvre de la Fonction publique hospitalière qui est en quelque sorte le statut particulier des agents de santé. Après plusieurs démarches infructueuses et un carton jaune brandi comme avertissement  au ministre de la Santé ce jour même par les grévistes. N’ayant pas eu une oreille attentive, ils ont décidé de mettre à exécution  leur menace. D’où la tenue de cette grève d’une semaine.

On se demande quelle en sera la suite. 

 

 

 

 

 

  

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