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Attaques terroristes dans le Centre-Nord : Où est passée «Doofu»(1) ?

Nuit d’horreur à Dibilou, département de Pissila dans la région du Centre-Nord, jeudi dernier. Un groupe d’hommes armés a fait irruption dans le village en fin de soirée, tirant à bout portant sur les paisibles populations. Il se retira au bout de trois quarts d’heure, laissant sur le carreau 15 macchabées et après avoir incendié le marché et des boutiques.

 

 

Cette attaque, attribuée à des terroristes, est la nième dans cette région du Centre-Nord du Burkina qui, depuis le début de l’année 2019,, vit un véritable calvaire. Tout a commencé le 1er janvier avec le massacre de Yirgou où plus de 200 personnes ont perdu la vie. On se souvient aussi qu’il y a 8 jours, un infirmier a été assassiné dans un autre village de la même localité.

 

Deux mois plus tôt, c’est dans la commune de Dablo, dans la même région, qu’un prêtre et 5 fidèles catholiques ont été abattus au cours de la messe dominicale ; et on en oublie ces attaques perpétrées dans la région avec leur corollaire de marchés, boutiques, débits de boisson, écoles, centres de santé, commissariats, gendarmeries incendiés.

 

Quel paradoxe que ce soit au moment où les Forces de défense et de sécurité (FDS) y mène l’opération Doofu que la situation sécuritaire se dégrade au Centre-Nord, entraînant des déplacements massifs de populations vers Pissila, Barsalogho , Kaya ou encore vers d’autres localités plus paisibles du pays ! On compte désormais plus de 150.000 personnes déplacées internes au Burkina alors que le nombre de victimes dues aux attaques terroristes, selon diverses sources, est évalué entre 420 à 450 personnes depuis 2015. Les régions du Sahel et du Centre-Nord paient le plus lourd tribut à cette guerre asymétrique où, outre les morts, les services publics, pour ne pas dire l’autorité de l’Etat, ont disparu.

 

En effet, enseignants, personnels soignants, administrateurs civils ont presque tous abandonné leurs postes avec les conséquences que l’on imagine : régression de la scolarisation, de la couverture sanitaire, de l’autorité de l’Etat. Plus grave, une catastrophe humanitaire, liée à un déficit alimentaire sévère, se profile à l’horizon, car les paysans de plus d’une trentaine de villages et hameaux de culture de cette région ont fui leurs champs et eu leur bétail emporté par ces assaillants sans visage.

 

A l’évidence, l’opération Doofu, presque 3 mois après son lancement, montre des limites criardes. Il faut croire que le chiendent de l’insécurité a poussé de longues racines dans la région et que les FDS sont à la peine. Pour faire face à cette tactique de la terre brûlée qui consiste, de la part des terroristes, en des attaques éclair suivies d’un repli en petits groupes qui se fondent dans la nature, les FDS ont assurément besoin de plus de moyens humains, logistiques et financiers.

 

C’est pourquoi il faut saluer le consensus de la classe politique en faveur d’une union sacrée pour gagner cette guerre, non sans déplorer l’insuffisante collaboration  des populations dans la traque des terroristes, par peur des représailles. On appelle alors à un sursaut de leur part pour rompre la chaîne de cette collaboration inconsciente par l’omerta avec leurs bourreaux. C’est l’une des conditions pour que le délitement de la situation sécuritaire au Centre-Nord ne s’aggrave pas. En attendant,  Doofu, où es-tu passée ?

Zéphirin Kpoda

 

(1) « Doofu » veut dire « déraciner » en langue nationale peule et désigne l’opération lancée par l’armée burkinabè en mi-mai 2019 pour combattre le terrorisme dans les régions du Sahel, du Nord et du Centre-Nord.  

Dernière modification lelundi, 29 juillet 2019 22:25

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