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Rencontre Gbagbo/Bédié : Le pacte de Bruxelles

On dit souvent en politique qu’un ami est un ennemi qu’on n’a pas encore découvert. Cela vaut aussi pour l’inverse, c’est-à-dire qu’un ennemi est un ami qu’on n’a pas encore découvert. Qui plus est dans cette faune politique ivoirienne où les alliances se font le matin et se défont le soir pour donner lieu à d’autres rapprochements, improbables.

 

Susurrée de longue date, la rencontre entre les anciens présidents ivoiriens, Laurent Koudou Gbagbo et Henri Konan Bédié, a finalement eu lieu hier lundi 29 juillet 2019 à Bruxelles où le premier réside depuis son acquittement en janvier dernier par la CPI.  Une entrevue sanctionnée par un communiqué final signé de leurs représentants respectifs, comme s’ils étaient toujours aux affaires.

Qui aurait cru que ces deux hommes d’Etat pourraient encore s’asseoir, échanger des salamalecs, deviser comme de bons vieux amis et même élaborer des projets ensemble ?

En effet, ils avaient passé l’essentiel de leurs carrières politiques à se combattre mutuellement depuis l’ère Houphouët quand Bédié était président de l’Assemblée nationale et donc dauphin constitutionnel, et Gbagbo, irréductible opposant. Une inimitié qui connaîtra son paroxysme à la présidentielle de 2010 lors de laquelle HKB s’était rangé avec armes (au propre) et bagages aux côtés d’Alassane Ouattara, soutenu par la France et l’ONUCI, pour chasser « l’Enfant terrible de Mama » du pouvoir. 

La suite est bien connue : une guerre civile qui a fait trois mille morts et qui vaudra au vaincu  un transfèrement à la Haye alors que les vainqueurs sabraient le champagne et s’appelaient affectueusement « petit frère » et « grand frère ». Jusqu’à ce que la coupe soit pleine pour le « Sphinx de Daoukro » qui a accusé ADO de ne plus vouloir tenir la promesse qu’il lui avait faite, celle de faire la passe, une fois ses deux mandats terminés, à son allié du PDCI/RDA, sans lequel il n’aurait pas gagné la présidentielle de 2010. 

Depuis, la guerre est ouverte entre les deux comparses d’hier.

Une franche hostilité qui rappelle l’époque où, appelé comme Premier ministre au chevet d’Houphouët mourant pour traire l’ « Eléphant », le banquier  venu tout droit de la BCEAO s’était piqué de compter les « Eléphanteaux » en disputant la succession au vieux avec le dauphin constitutionnel.

La rencontre de Bruxelles intervient, on ne le sait que trop, à un moment où la classe politique est en pleine recomposition après le refus de Guillaume Soro et de Bédié de rejoindre le RHDP, mais aussi au moment où le couple Gbagbo hume enfin l’air de la liberté, ce qui ouvre de nouvelles perspectives au FPI à une année de la présidentielle.

Après Bédié, sera-ce le tour de l’autre grand répudié de la République, Guillaume Soro, de faire le pèlerinage de Bruxelles pour parachever la « Triple Entente » que certains subodorent ?

Comme on le voit, l’ancien pestiféré de la lagune Ebrié est aujourd’hui regardé avec les yeux de Chimène.

Pour le moment, les deux convives d’hier n’ont pas explicitement parlé d’alliance, se contentant d’appeler, entre autres, à la réconciliation nationale, au retour des exilés politiques et à une profonde réforme de la Commission électorale indépendante (CEI). (Lire page 7)

Pour sûr, cette rencontre a été scrutée à la loupe, pesée et soupesée à Abidjan où le locataire du palais de Cocody reste déterminé à baliser le terrain pour son dauphin putatif, Amadou Gon Coulibaly.

Dieu seul sait ce qui peut se passer d’ici une année dans cette lagune Ebrié trouble.

 

Alain Saint Robespierre

Dernière modification lemardi, 30 juillet 2019 20:21

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