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Procès putsch manqué / «Dans cette affaire, l’émotion balaye tout sur son passage» (Me Olivier Yelkouni, avocat de Diendéré)

 

L’audience du jeudi 1er août 2019 s’est ouverte par les plaidoiries des avocats du général Gilbert Diendéré. Pour les infractions de meurtres ainsi que de coups et blessures volontaires retenues contre l’accusé, ses conseils ont plaidé l’acquittement. Me Olivier Yelkouni, lui, a fait remarquer au tribunal que dans le procès du putsch manqué de septembre 2015, il y a beaucoup d’émotion si bien qu’on pourrait passer à côté de la justice.

 

 

Au nombre des charges retenues contre le général Gilbert Diendéré, il y a l’infraction de meurtres et celle de coups et blessures volontaires. Pour Me Maria Kanyili, qui fait partie des avocats du prévenu, le parquet n’est pas arrivé à établir que le général a participé à ces infractions. Selon elle, l’accusation devait dire quel manifestant Diendéré a tué et quel soldat il a envoyé commettre le crime. « Le parquet n’a pas apporté la moindre preuve en ce qui concerne ces infractions », a-t-elle affirmé.

 

Lors du passage des témoins à la barre, Me Kanyili a dit n’avoir entendu aucun d’eux citer Diendéré comme auteur de meurtre. Elle dit donc avoir été étonnée de constater que le parquet a requis la prison à vie contre son client sans pour autant donner un seul élément concret le chargeant. « On vous demande de condamner sans vous donner d’éléments ». Pour elle, malgré le temps et les moyens mis à la disposition du procureur militaire, il n’a pas pu trouver de preuve contre le général. C’est pourquoi elle demande son acquittement pour l’infraction de meurtre.

 

Pour les coups et blessures, l’avocate a dit avoir beau fouiller, elle n’a vu aucune preuve tangible présentée par le parquet pour prouver que le général a administré des coups ou est à l’origine de la blessure d’un manifestant. « Cette infraction n’est pas constituée. Nous vous demandons, Monsieur le président, d’acquitter le général pour infraction non constituée », a-t-elle dit au patron du tribunal. Même si elle dit reconnaître que cela sera difficile parce qu’une certaine opinion dira que le président du tribunal a failli à sa mission. Selon Me Kanyili, le président du tribunal ne doit sentir aucune gêne s’il vient à acquitter le général, car son rôle n’est pas de condamner.  « Il revenait au procureur militaire de vous fournir suffisamment de preuves. Comme ce n’est pas le cas, quand vous allez entrer en délibération, il faut douter des éléments que le parquet vous a fournis ».

 

La plaidoirie de son confrère Me Mathieu Somé a porté sur les mêmes infractions.  Pour lui, rien ne prouve que les 13 personnes mortes ont perdu la vie du fait de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP). A son avis, il n’y a aucun procès spécial. « Procès égale procès. S’il n’y a pas d’élément contre le général, je vous demande de l’acquitter », a-t-il plaidé.

 

Me Latif Dabo prendra un exemple de cas d’école pour bétonner sa plaidoirie. Il s’agit de 5 jeunes garçons passant une soirée dans une villa. Ils sont accompagnés d’une fille mineure. Ils boivent de l’alcool et consomment des stupéfiants. L’alcool a été servi par un barman. La maison appartient à l’oncle d’un des jeunes. Après un, deux verres, les jeunes garçons commencent à avoir des idées malsaines. Ils violent la gamine. Peut-on dans ce cas poursuivre le barman pour fait de viol ? Assurément non, a répondu l’avocat, car vendre l’alcool à un mineur ne saurait entraîner un viol. « Le barman ne peut pas être poursuivi pour viol parce que chez nous au Burkina, ils sont nombreux, les parents qui envoient leurs enfants mineurs leur acheter de la bière ».

 

 

 

« Diendéré n’est pas un traître »

 

 

 

Selon Me Dabo, tout citoyen aurait pu identifier le général par sa silhouette au moment du coup d’Etat s’il avait été sur le terrain pour commettre les infractions retenues contre lui. Et de poursuivre en disant qu’aucune pièce dans le dossier ne permet à l’accusation d’établir que le général a incité des éléments à commettre des actes contraires à la discipline militaire.

 

A en croire l’avocat, le général Diendéré a sacrifié plusieurs fois des activités sociales au bénéfice de la sécurité de la nation. Il est donc inconcevable de croire un seul instant qu’il ait trahi le Burkina Faso comme l’a dit le parquet. « On peut dire beaucoup de choses sur lui, mais personne ne pourra qualifier le général de traître ». Avant de remettre le crachoir, l’avocat a fait savoir au général que quand il était gamin, ces aînés lui disaient que si quelqu’un parlait mal de Blaise Compaoré, l’ancien président du Faso, il courait le risque que le général lui refasse le portrait parce que celui-ci avait placé un micro dans tous les domiciles. La légende contée à Me Dabo dit également qu’il affrontait 5 RSP chaque jour. En outre, à la fin de la formation des soldats de ce corps d’élite, quand il n’y avait pas eu mort d’homme, Diendéré disait de reprendre les exercices, toujours selon ces rumeurs. Avec ce procès, l’avocat dit qu’il a su que tout cela n’était qu’allégations sans fondement. Diendéré, pour lui, est un homme comme tous les autres, avec ses défauts, mais pas un criminel.

 

Le dernier à intervenir avant que l’audience ne soit suspendue autour de 14h était Me Olivier Yelkouni. L’homme en robe noire a demandé au tribunal de ne pas laisser la vengeance triompher de la justice. « Des gens ont demandé de taper fort parce que des accusés ont refusé de répondre à des questions. Ces mêmes personnes veulent vous faire croire qu’elles ne veulent pas de vengeance, mais la justice. Nous n’y croyons pas. Nous vous demandons d’attendre. Nous, avocats de la défense, avons une tâche difficile. Vous aussi. Néanmoins, nous savons que nous pouvons compter sur votre vigilance ».

 

Selon l’analyse de Me Yelkouni, dans ce procès, « l’émotion balaye tout sur son passage ». C’est pourquoi il a demandé au président du tribunal de ne pas prêter une oreille attentive aux discours haineux, mais de baser son jugement sur le droit.

 

Aux dernières heures de la tentative du putsch, le général Gilbert Diendéré recevait et passait de nombreux coups de fil. Parmi ses interlocuteurs, il y a eu le chef d’état-major de l’armée ivoirienne, le général Soumaïla Bakayoko. Ce dernier conseillait à Diendéré de provoquer un clash pour inverser le rapport de force afin d’être en mesure de sortir de l’impasse dans laquelle il se trouvait. « Parce que si tu ne fais pas ça et que tu restes coincé comme ça… Tôt ou tard, l’étau va se resserrer et tu n’auras plus aucune marge de manœuvre. Et là, d’abord, ils vont tout mettre sur toi. Ça, il faut le savoir. Politiquement ils vont te dire ‘’tu es le plus gradé, tu es un général’’. Ils vont estimer que c’est toi qui as mis les gens dans cette situation-là. Et si tu ne fais pas attention, tes propres petits vont se retourner contre toi. Et après, c’est vous et vos familles qui allez payer ». Les appels téléphoniques ont valu au général l’infraction de trahison. Une charge insensée, selon son conseil, car il ne voit nulle part le général en train de demander du soutien. C’est sur ces mots que le président du tribunal a suspendu l’audience. Elle reprend ce vendredi matin à 9 h.

 

 

 

San Evariste Barro

 

Akodia Ezékiel Ada

 

Dernière modification lelundi, 05 août 2019 22:25

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