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Une lettre pour Laye : Des lézardes dans la défense de Diendéré ?

 

Cher Wambi,

 

Les choses ne sont vraiment plus ce qu’elles étaient. Tout est  ‘’gnagamé’’, on ne sait plus quand commence la saison pluvieuse et quand elle finit. Je pense même qu’il faut revoir les manuels scolaires. Quand nous étions petits en effet, on nous avait appris à l’école que l’hivernage débutait en mai et finissait en septembre. Rien de tel de nos jours avec le changement climatique. Jadis, le mois d’août  était ainsi le plus pluvieux de la saison. Aujourd’hui, nous sommes le 16 et mis à part quelques ondées éparses, je ne vois pas grand-chose.

 

 

Mais peut-être que je fais du « Ouagacentrisme » ainsi qu’on m’en fait souvent le reproche comme si le Burkina se limitait à sa capitale. Il est vrai que la situation est assez disparate d’une région à l’autre ainsi que le montre, une fois de plus, le relevé pluviométrique de la semaine du jeudi 8 au mercredi 14 août que m’a fait parvenir l’unité de prévision et de protection de l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA) :

 

Dori : 27,9 mm ; Ouahigouya : 20,4 mm ; Ouagadougou-aéro : 37 mm ; Dédougou : 20,7 mm ; Fada N’Gourma : 45,5 mm ; Bobo-Dioulasso : 21,9 mm ; Boromo : 31,4 mm ; Pô : 2 mm ; Gaoua : 37,8 mm ; Bogandé : 34,9 mm.

 

 

 

Cher cousin, je ne savais pas que le « siingo » existait toujours. Pour ceux qui ne le sauraient pas, c’est une pratique ancestrale en milieu moaga notamment, qui consiste, en cas de mort suspecte (sorcellerie, empoisonnement, etc.), à transporter le cadavre, lequel, du seul fait de sa force mystique, conduirait les porteurs bon gré mal gré vers celui ou celle qui l’aurait trucidé. Sondo Issa du village de Kassila dans la commune de Grand-Samba (Passoré) en a été victime il y a quelques jours de cela. Tout est parti du décès le 3 août dernier de Sondo Madi des suites de maladie. Mais certains de ses parents, estimant que cette mort n’était pas naturelle, ont décidé qu’il faut porter le terrible « siingo » qui a désigné plusieurs personnes, lesquelles ont dû quitter immédiatement le village. Ce que le nommé Issa, indexé lui aussi, a refusé de faire, s’obstinant à rester malgré la menace qui pesait sur lui. Il a alors été conduit manu militari hors du patelin et battu jusqu’à ce que mort s’ensuive.

 

Je ne saurai te dire, cher cousin, s’il était effectivement coupable de ce dont on l’accablait ou si c’est parce qu’il était convaincu de son innocence qu’il n’a pas voulu partir, mais si  je t’en parle, c’est que ces choses métaphysiques sont, par essence, difficiles à démontrer. Si bien que beaucoup d’innocents, accusés de sorcellerie ou de toute autre pratique occulte, sont trucidés à tort sans autre forme de procès ou, au mieux, bannis. Le plus grave est que, dans les contrées où ces croyances sont ancrées, les leaders d’opinion (coutumiers, religieux, intellectuels) s’en lavent les mains, n’osant même pas  critiquer ces us et coutumes sujets à caution, de peur d’être eux-mêmes traités de sorciers - et donc d’en subir les conséquences - à moins qu’ils y croient également. Autant dire que ces mœurs  ont encore, hélas, de beaux jours devant elles.   

 

 

 

Cher Wambi, dans ma dernière missive, je t’annonçais que le vendredi 02 août 2019, Seidou Ouédraogo, le président de la chambre de première instance du tribunal militaire de Ouagadougou avait, en ce qui le concerne, donné un avis favorable à la « demande itérative d’autorisation de voyager du général Yipèné Djibril Bassolé pour des soins médicaux ». Je t’informais que c’est finalement en France que le premier et unique général de gendarmerie de notre pays devrait aller soigner la maladie de la gélatineuse du péritoine dont il souffre.

 

Si tu te rappelles bien, j’avais précisé qu’après l’onction du juge, il restait à obtenir celle du politique, notamment du ministre de la Défense, Chérif Sy, celui-là même qui doit signer l’autorisation de sortie du territoire. C’est pour cela que j’avais été prudent en affirmant qu’ils auraient tort, les partisans du général, s’ils pensaient que dès les jours qui suivent le feu vert du juge, Bassolé pourrait prendre son avion pour le pays de Macron. La preuve est que, deux semaines après l’autorisation du juge, il est toujours à Ouagadougou.

 

Mais des sources proches du champion de la Nouvelle alliance du Faso (NAFA), j’ai appris que Chérif Sy, qui était hors du pays pendant un certain temps, est rentré il y a seulement quelques jours. C’est donc probablement maintenant qu’il va voir la demande de sortie du territoire déposée sur son bureau par les avocats de Bassolé. Et il n’y a pas de doute, Chérif donnera une suite, favorable ou pas, à cette demande puisque, j’ai appris que le ministère a toujours répondu aux différents courriers des avocats du général.

 

D’ores et déjà, cher cousin, j’ai appris des mêmes sources que des réservations ont déjà été faites dans un ensemble de cliniques françaises même si l’établissement sanitaire élu ne pourra en  être confirmé qu’une fois le précieux sésame obtenu du ministre de la Défense. Mais à l’allure où vont les choses, tout laisse croire que l’Etat pourrait avoir son mot à dire concernant le choix définitif de la clinique qui devrait accueillir Djibril Bassolé. Alors attendons de voir.

 

 

 

Cher cousin, on nous avait annoncé, pour le jeudi 8 août dernier, une conférence de presse du pool d’avocats du général de brigade Gilbert Diendéré, le principal accusé dans le dossier du putsch manqué de septembre 2015. Et comme il fallait s’y attendre, le ban et l’arrière-ban de la presse étaient au rendez-vous pour voir et entendre les défenseurs de Diendéré. Sur place, les journalistes ont vu que celui qui a tenu le crachoir était Me Jean Degli du Togo qui avait à ses côtés notre compatriote Me Paul Kéré. Ce qui m’a quand même étonné, c’est l’absence remarquée de Me Barterlé Mathieu Somé, qui est le chef de file des conseils de Golf. Qu’une conférence de ses avocats puissent se tenir sans la tête de pont me paraît tout de même bizarre. Me Somé était-il empêché d’une manière ou d’une autre ou est-ce le signe d’une divergence d’approches entre les différents avocats qui avaient pourtant donné  jusque-là l’impression d’être soudés ? Je ne saurais le dire. Mais en tout cas, ce point de presse a été l’occasion pour Me Jean Degli de faire son show.

 

De toutes les façons, intervenant après les empoignades judiciaires, je ne saurais te dire, cher cousin, de quel poids va peser cette  arme de la communication dans la balance judiciaire au moment du délibéré du tribunal.

 

 

 

Cher Wambi,  toujours au sujet de ce procès du putsch manqué, Me Alexandre Sandwidi a déposé auprès du tribunal militaire, le 6 août 2019, un recours afin de voir déclaré illégal le régime de la Transition. Dans son argumentaire, il soutient qu’à l’état actuel de la législation en vigueur au Burkina Faso, on ne peut attenter qu’à la sûreté d’un régime régulièrement constitué suite à des élections et en respect total des dispositions de la Constitution. Partant de là, il se demande si le régime de la Transition, mis en place comme on le sait tous, répondait aux stipulations de la loi. Est-ce que le président Michel Kafando a été élu par le peuple ? Est-ce que la succession à Blaise Compaoré a respecté tout ce que prévoit la Constitution ? Est-ce que les députés du Conseil national de la Transition ont été élus par le peuple ? A ces questions Me Alexandre Sandwidi apporte des réponses négatives. Du coup, à son entendement, on ne peut pas dire que le putsch du 16 septembre 2015 est une atteinte à la sûreté de l’Etat.

 

L’avocat s’attendait à ce que son recours soit transmis au Conseil constitutionnel dans la mesure où le tribunal militaire ne peut se prononcer sur des questions de constitutionalité. Mais il n’aura finalement pas eu gain de cause puisque le président Seidou Ouédraogo de la chambre de première instance du tribunal militaire a jugé le recours recevable mais a dit qu’il ne pouvait pas le transmettre aux Sages. Pour quelle raison ? Eh ! bien parce que le juge estime que l’avocat n’a pas visé une disposition précise, un article de loi qu’on veut appliquer à ses clients et qui serait contraire à la Constitution à ses yeux. En clair, le recours vise à déclarer illégal une institution, précisément le régime de la Transition et non des articles précis d’une loi.

 

Cette décision avant-dire droit ne satisfait pas l’avocat qui n’a pas apprécié l’imprécision du tribunal, car le juge n’a pas dit s’il comptait joindre ce recours au fond ni ce qu’il comptait en faire au juste.

 

 

 

Enfin, cher Wambi, pour refermer le volet judiciaire de la présente missive, je voudrais te rappeler que les Burkinabè ont des chercheurs qui cherchent et qui trouvent que ce soit dans le domaine de l’agriculture, de l’art ou encore du droit. Lorsque l’affaire Norbert Zongo avait éclaté, la commission d’enquête indépendante mise en place avait conclu son rapport en identifiant 6 « suspects sérieux » de l’assassinat du journaliste. Une notion dont on ne trouve toujours aucune trace dans le Code pénal. Mais comme c’était une commission d’enquête, fût-elle indépendante, et non l’institution judiciaire elle-même, on pouvait encore comprendre.

 

Et voilà que dans l’affaire Auguste Denise Barry, accusé d’avoir voulu attenter au régime de Roch Marc Christian Kaboré, la justice burkinabè a encore frappé un grand coup en requalifiant l’affaire en « offre non agréée de complot ». J’ai beau être profane de la chose juridique, cette formulation m’étonne d’autant plus que je ne l’ai jamais rencontrée en compulsant les ouvrages de droit. Alors je me demande quels sont donc les articles de notre arsenal juridique qui visent une telle infraction. C’est certainement pour toutes ces raisons que les mauvaises langues disent qu’on ne fait plus du droit mais de la littérature. Je ne suis pas un juriste, mais j’espère que les spécialistes du domaine vont nous apporter leurs éclairages sur cette infraction qui me semble nouvelle et surtout citer les textes de loi qui la définissent.

 

 

 

A présent, cher Wambi, je te propose ces quelques élément que Tipoko l’intrigante a consignés cette semaine dans son précieux carnet.

 

 

 

 

 

- Cela fait maintenant un mois qu’un drame sans précédents s’est produit dans les locaux de l’unité antidrogue  de la police nationale à Ouagadougou. En effet, au cours de la nuit du dimanche 14 au lundi 15 juillet dernier, onze personnes interpelées pour des faits de consommation et de vente de stupéfiants ont trouvé la mort dans la cellule où elles étaient gardées à vue. Cette tragédie avait scandalisé l’opinion jusqu’au sommet de l’Etat. Des sanctions administratives ont été prises contre des responsables de la police sous réserve de poursuite judiciaire : c’est ainsi que le commandant de l’Unité antidrogue, le commissaire Richard Bélem, et la directrice de la police judiciaire, Néné Ami Ouédraogo, ont été relevés de leurs fonctions.

 

Ces mesures, a justifié le gouvernement, avaient été prises pour permettre le bon fonctionnement de l’enquête. Mais depuis lors, plus rien ou presque pas grand-chose ne filtre du dossier de la trentaine de personnes parmi lesquelles des clients, des revendeurs, des fournisseurs et des consommateurs tombés dans les filets de la brigade des stups.

 

Selon une source policière, sur la vingtaine de personnes qui n’avait pas succombé, certaines ont été déférées à la MACO et, selon une confidence, huit de ces personnes ont été libérées. Ont-elles bénéficié d’une liberté provisoire ou est-ce de façon définitive ? On attend de le savoir.

 

Pendant que nous y sommes, que deviennent les résultats de l’autopsie qui a été réalisée avant la remise des corps aux parents des victimes ? Les ayants droit assurent n’avoir pas encore eu accès aux résultats des examens post-mortem. C’est dire qu’ils ne savent toujours pas avec certitude ce qui est arrivé dans cette nuit du dimanche 14 au lundi 15 juillet 2019.

 

 

 

- Tous les regards étaient braqués dans la journée et même une partie de la nuit du samedi 10 août dernier sur Boussoum Kougr-Zougou (province du Sanmatenga). En effet, c’est dans ce village situé à 3 kilomètres du centre-ville de Korsimoro qu’a siégé le collège des grands électeurs chargés de nommer le successeur du Dima Naaba Sonré qui s’est éteint le 30 juillet 2019. Composé du Boussoum Kougr-Zougou Naaba Baongo ou Premier ministre du royaume, du Tengsoaba Kièma de Tangporé ou ministre chargé des Cultes et du Tansoaba Kièma de Koutoumtenga ou ministre de la Défense, ledit collège a maintenu le suspense pendant 5 heures 35 minutes, à savoir de 16h 25 mn à 21h 10 mn. Ce fut une journée mémorable, car ils ne sont pas nombreux dans la contrée à avoir déjà vécu l’élection d’un nouveau Dima. Pour rappel, la dernière, à savoir celle du regretté Naaba Sonré, date de 52 ans (Ndlr : 30 décembre 1967). Du côté des « nabiissi » (princes) ou probables candidats du royaume, deux ont confirmé leur intention de briguer le trône lors du dernier acte de salutations au Boussoum Kougr-Zougou Naaba Baongo, par ailleurs  président du collège électoral : le Nabikienga ou héritier présomptif, qui est le fils aîné du regretté Dima Naaba Sonré, et le colonel à la retraite Kassoum Ouédraogo, qui est un fils de feu Dima Naaba Koutou, grand-père de Naaba Sonré. Finalement, le collège des grands électeurs a porté son choix sur le grand prince, fils de la « Napaga » ou la mère du chef, Mariam (Ndlr : native de Foula-Yaoguin de Korsimoro). Né le 02 novembre 1974, le 32e Dima du royaume de Boussouma est un gestionnaire financier de profession en service au Projet d’appui aux collectivités territoriales (PACT). Il a pris pour nom de règne Naaba Sigri. Selon les coutumes, le nouveau Dima devrait effectuer un périple de 33 jours dans des villages du royaume avant de rejoindre le palais royal. A noter que le colonel à la retraite Kassoum Ouédraogo, candidat  malheureux, s’est plié

 

 au verdict du collège électoral et a fait allégeance, comme le recommande la tradition, à Naaba Sigri dans la matinée du 11 août. 

 

 

 

- Mecque, édition 2018-2019, a le plaisir d’annoncer au public que les premiers pèlerins burkinabè sont attendus à Ouagadougou le samedi 17 août 2019 à 23h 30 mn T.U en provenance de Djeddah. Au nombre de 288, ils seront à bord d’un Boeing 767 affrété par la compagnie aérienne saoudienne Skyprime.

 

Le premier contingent de Bobo-Dioulasso, composé de 362 pèlerins, arrive dans la nuit du samedi 17 au dimanche 18 août à 02h T.U, à bord d’un Boeing 777.

 

Ce retour intervient après l’accomplissement des rites requis à La Mecque, Mina et Arafat. Le président du Comité de suivi du pèlerinage à La Mecque souhaite à tous les pèlerins un bon retour au Burkina. Qu’Allah le Tout-Puissant et Miséricordieux agrée leur Hadj.

 

Tipoko l'Intrigante n'apprend rien d'elle-même, elle  n'invente jamais rien. Tipoko l'Intrigante est un non-être. Elle n'est ni bonne en elle-même, ni mauvaise en elle-même. Elle fonctionne par intuition, car "l'intuition c'est la faculté qu'a une femme d'être sûre d'une chose sans en avoir la certitude..."

 

 

 

Ainsi va  la vie.

 

Au revoir.

 

 

 

Ton cousin

 

 Passek Taalé

 

Dernière modification ledimanche, 18 août 2019 18:19

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