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Obsèques DJ Arafat : Ce ne sont plus des « Chinois », mais des barbares

Ils sont des centaines de milliers. Voire des millions en Côte d’Ivoire. Des « Chinois », comme on les appelle, au regard de leur grand nombre. Des « Daïshi boys », du surnom de leur idole, décédée dans un accident de moto le 12 août 2019.

 

 

Depuis cette date tragique, ils ont occupé nuit et jour le boulevard Latrille, prenant soins des fleurs déposées et des bougies allumées en la mémoire du chantre du coupé-décalé. Ils ont exigé et obtenu que des obsèques nationales soient organisées à la hauteur de l’œuvre musicale de Yôrôbô. Mais le jour de l’inhumation, les meilleurs amis du défunt ont commis la pire des abominations.

 

Samedi 31 août. Quartier nord d’Adjamé. Scène de guérilla  urbaine entre policiers et « Chinois ». Des volutes de fumée obscurcissent l’horizon. Un groupe de jeunes fait irruption dans le cimetière de Williams-ville.  Attroupement autour d’une tombe fraîchement refermée. Le cercueil est retiré, puis ouvert. La dépouille est examinée de près. Pour s’assurer qu’il s’agit bien de celle de celui que toute la Côte d’Ivoire pleure.

 

Voici l’ultime et nauséeux acte d’adieu que les enragés du coupé-décalé ont tenu à réserver à celui qui fut désigné en 2015 artiste africain le plus influent à l’international par Forbes Afrique et TRACE Africa.

 

« Ange Didier Houon, reviens ! tes fans sont devenus fous », serait-on tenté de crier face à cette répugnance.  

 

Pourtant, tout avait été bien réglé comme du papier à musique et bien orchestré par l’Etat ivoirien qui, pour la circonstance, a casqué la rondelette somme de 150 millions de francs CFA.

 

La veille, vendredi 30 août, au stade Félix Houphouët-Boigny,  ce fut vraiment 24 heures de communion et d’ « enjaillement » (1), comme DJ Arafat l’aurait souhaité de son vivant.  Tous ont fait le déplacement à la cuvette du Félicia.

 

Les « Chinois », par dizaines de milliers, les galactiques de la musique africaine comme Davido, Koffi Olomidé, Fally Ipupa, Sidiki Diabaté, Floby, pour ne citer que ceux-ci, se sont succédé au podium jusqu’au petit matin.

 

Y étaient également présents des hommes politiques comme Maurice Bandaman, ministre de la Culture, et son homologue de l’Education nationale, Kandia Camara, et bien sûr Hamed Bakayoko, ministre d’Etat, ministre de la Défense.

 

Ce dernier, physique herculéen, accoutrement de circonstance, casquette renversée, s’est même permis de s’offrir en spectacle.  Sans qu’on sache véritablement s’il était venu pour pleurer celui qui l’appelait affectueusement « papa » ou pour s’adonner à une opération de marketing politique.

 

Mais passons pour revenir au cauchemar qui a suivi cette nuit d’hommage d’anthologie à cause du fanatisme de pacotille dont ont fait preuve une escouade d’inconditionnels sans scrupule de l’artiste.

 

A travers les images frissonnantes qui ont fait le tour des réseaux sociaux et que bien de gens ont d’abord pris pour un « fake new », l’on voit  des profanateurs à la petite semaine en train de discuter. Ils ne croient toujours pas au décès du « golden boy » d’Abidjan. Les uns sont enfin persuadés de sa mort,  les autres toujours incrédules.  

 

C’est que la disparition brutale du Commandant Zabra est l’objet de tous les fantasmes et de toutes les conjectures. 

 

Mais le scepticisme avec lequel certains « Chinois » ont accueilli l’annonce de la mort de leur président ne saurait justifier l’insoutenable scène de la nécropole de Williams-ville.

 

En effet, ce n’est pas la première fois que des fans ne croient pas au décès de leurs idoles, aussi évident soit-il. D’Elvis Presley à Michael Jackson en passant par 2Pac, il y a eu des saints Thomas qui ont douté de la disparition de ces icônes  de la musique. Pour autant, ils ne se sont pas laissé aller à une telle débauche de bestialité et d’immoralité. Bien au contraire. Malgré le doute, ils ont su honorer, dans la dignité et la déférence, la mémoire de leurs divinités, dont les tombes  sont devenues des lieux  de pèlerinage.   

Alors, il faut que les « Chinois », plutôt les barbares du cimetière de Williams-ville, en prennent de la graine : Daïshi est mort et bien mort. C’est regrettable. Mais en s’abattant sur sa dépouille, comme des bêtes sur une charogne, ils l’ont tué une deuxième fois. Et ce crime, puisque la profanation en est un, ne devra pas rester impuni. Avec les images dont on dispose, il est possible de remonter jusqu’à cette vermine  afin qu’elle réponde de son ignominie.

 

C’est d’autant impérieux que ce n’est pas la première fois que la tombe d’un artiste ivoirien est ainsi outragée.     

 

En effet, alors que le cercueil de DJ Abobolais, décédé le 22 janvier 2017, venait d’être porté en terre au même cimetière de Williams-ville, des individus se réclamant de son « fan club », ont exigé que le corps soit exhumé. De guerre lasse, la famille a fini par céder devant l’intransigeance des amis supposés du défunt. Les discussions suscitées par la vue de la dépouille ont provoqué une bousculade monstre.  

 

Alors il est temps de mettre fin à ce voyeurisme funeste qui fait retourner les morts dans leurs tombes.

 

Alain Saint Robespierre

 

(1)                Grande ambiance dans le jargon de la jeunesse ivoirienne.

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