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Appel de Bensouda contre Gbagbo et Blé Goudé : «C’est Venus tout entière à sa proie attachée»

Ils vont donc devoir prolonger leur séjour dans le couloir de …la liberté.

 

Quelque huit mois après l’acquittement de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé par la Cour pénale internationale (CPI), la procureure Fatou Bensouda a décidé hier de faire appel de cette décision, excipant du fait que les juges auraient dû prononcer, non un acquittement, qui blanchit les deux accusés, mais plutôt un non-lieu, qui laisse ouverte la question de la responsabilité des crimes qui leur étaient imputés. Une nuance sémantique importante pour les spécialistes de la chose juridique.

A l’évidence donc la procureure n’est pas prête à lâcher prise, telle  «Venus tout entière à sa proie attachée», pour reprendre le célèbre ver de Racine dans la pièce Phèdre. Est-elle vraiment convaincue de son bon droit ou agit-elle juste par orgueil ? La question mérite d’être posée, car, il y a quelque deux mois, soit six mois après le délibéré, les juges avaient en effet remis leur motivation écrite, dézinguant point par point,  sur plus de 1 000 pages, les charges du parquet. Les trois magistrats dont deux ont voté l’acquittement y dénonçaient notamment la «déconnexion globale entre le récit de l’accusation et les preuves tangibles», «les bases incertaines et douteuses des thèses de l’accusation» ou encore le «récit simpliste et manichéen de la situation ivoirienne décrite par Bensouda» ; pour conclure qu’ «aucune politique visant à attaquer des civils de manière généralisée et systématique n’a été mise en œuvre par les deux accusés». Mais il faut bien plus que ce dépiéçage de son dossier pour décourager  l’ancienne ministre de la Justice gambienne, comme si elle avait été travaillée au corps par ceux qui, à Abidjan notamment, ne souhaitent pas voir «l’Enfant terrible de Mama» et son trublion ancien ministre de la Jeunesse libres de leurs mouvements.

Avec cette décision de l’accusation, c’est en effet reparti pour un tour de piste judiciaire qui va prendre encore de longs mois. La Chambre d’appel devra in fine se prononcer sur la conformité de la décision prononcée en première instance aux standards juridiques appliqués par la CPI. Trois cas de figure se présentent : les juges pourraient soit ordonner la tenue d’un nouveau procès, soit  poursuivre le procès interrompu par l’acquittement, ou encore débouter tout simplement la procureure.

En attendant, la «Dame de fer de la Haye» devra détailler ses arguments dans un mémoire à présenter devant la Chambre d’appel d’ici décembre. Après quoi le bataillon d’avocats des deux illustres acquittés  devra lui donner la réplique, puis s’en suivront quelques jours d’audience avant que les juges   tranchent sur les questions soulevées par le bureau de la procureure.

On le voit, les millions de « Gbagboïstes »  qui rêvaient déjà d’accueillir leur héros et de célébrer son retour triomphal à Abidjan devront encore ronger leur frein, eux qui étaient déjà passés par toutes les émotions depuis son acquittement le 15 janvier dernier.

Dieu seul sait finalement quand est-ce que  cet interminable feuilleton judiciaire, qui dure depuis le transfèrement de l’ancien président ivoirien à la prison dorée de Scheveningen le 30 novembre 2011, va connaître son épilogue. D’ici là, c’est sûr que beaucoup d’eau va couler sous les ponts Félix-Houphouët-Boigny, Général-de-Gaulle et Henri-Konan-Bédié d’Abidjan. Plus que jamais, le retour du «Woody» sur les bords de la Perle des lagunes avant la présidentielle d’octobre 2020 est hypothéquée. Et si c’était finalement le but du jeu ? C’est Alassane Dramane Ouattara, qui avait vu une alliance PDCI-FPI se former contre lui dans l’éventualité d’un retour de Gbagbo, qui doit boire en ce moment du petit lait.

 

Hugues Richard Sama

Dernière modification lemardi, 17 septembre 2019 21:56

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