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Acteurs de Pascal Noyelle: Plongée dans l’univers des comédiens

Pascal Noyelle, expatrié et enseignant français à la retraite, est connu pour être un acteur fétiche de la compagnie Le Ruminant. Acteurs est un texte qu’il a écrit et mis en scène avec Serge Henry dans le rôle principal. Une plongée dans l’univers burlesque et tragique d’un vieux comédien. La représentation a eu lieu le samedi 14 septembre 2019 à l’Espace Gambidi.

 

 

Pour sa seconde pièce d’auteur dramatique, Pascal Noyelle s’attaque à la question de la vie de l’acteur et surtout de l’acteur en déclin. Il est évident qu’il a puisé dans sa vie et dans celles des comédiens du théâtre burkinabè, mais c’est un sujet souvent traité dans la littérature ou le théâtre. On songe au vieil acteur du Chant du Cygne d’Anton Tchekhov ou de Minetti de Thomas Bernhard.

La pièce Acteurs tourne autour de la vie de Serge, un vieil acteur qui joue depuis des années dans une série policière à succès. Tout bascule pourtant lorsque son producteur, joué par Charles Wattara, décide qu’il est trop vieux pour le rôle, et lui préfère un jeune comédien.

C’est le début de la descente aux enfers de Serge. Les économies fondent comme neige au soleil, le quotidien devient difficile, la voiture est bradée, les rôles se font rares, et puis la mémoire se montre traîtresse.

Le texte, sans jamais renoncer au comique, glisse subrepticement vers le tragique. En effet, on rit beaucoup pendant le spectacle. Des fanfaronnades de Serge devant sa femme, de sa posture au bar quand il joue à l’acteur comblé devant les jeunes comédiens qui mangent de la vache enragée.

Mais le rire se fait gênant lorsque Serge est réduit à jouer les seconds rôles dans une pub de boisson énergisante où il est réduit à dire une phrase d’une platitude renversante et incapable d’être synchrone avec son partenaire et l’équipe technique. Mais le rire disparaît quand Serge apparaît au final, en loque humaine, la mémoire trouée, guetté par la maladie d’Alzheimer. De l’entame de ce spectacle en abîme où il joue au séducteur dans son beau costume gris au final où il est avachi sur une chaise, en short et maillot, on peut dire que la trajectoire du vieux comédien est descendante telle une étoile filante qui s’arrache du ciel dans les profondeurs de la nuit. Des lumières du vedettariat aux ténèbres de l’isolement.

Pascal Noyelle réussit avec ce spectacle qui met en abîme un acteur dans son rôle d’entraîner les spectateurs dans les dédales du petit monde des comédiens. On y découvre leur fragilité psychologique et économique, leur narcissisme, leurs déboires et leur précarité. Ce texte aborde tous les aspects du métier d’acteur, du jeu d’acteurs à l’économie en passant par la comparaison entre les différentes scènes : théâtre, cinéma et télévision. C’est un spectacle qui synthétise toutes les théories sur l’art du comédien, de Diderot à Brook en passant par Brecht, Vilar, etc. Il est à recommander aux étudiants des filières de lettres modernes et d’arts du spectacle.

La mise en scène est très austère : un peu de lumière, quelques meubles, des coussins et deux paravents à retourner pour le changement de lieu, tous les autres personnages sont taillés à la serpe, sommairement esquissés juste pour porter et mettre en lumière Serge Henry. Il occupe tellement toute la scène que l’on se dit qu’on pourrait facilement monter ce texte comme un seul comédien sur scène.

Ce texte s’intéresse au comédien vieillissant et à ses déboires. Mais cela vaut aussi pour le sportif professionnel, pour le fonctionnaire ou pour l’éléphant vieillissant. Quand les années s’accumulent et que les forces déclinent, la société ou le monde animal vous retirent du monde et vous relèguent dans un coin. Avant que la Faucheuse ne finisse le job, c’est la société qui assène le premier coup. Ainsi roule la vie, on achève bien les vieux ! Et c’est ce que ce spectacle semble nous dire avec un humour grinçant.

 

Saïdou Alcény Barry

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