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Nouna : Dans le « ghetto » des talibés

Les garibous, comme on les appelle ici, sont des apprenants de la religion musulmane. Confiés à des maîtres coraniques, ces enfants arpentent à longueur de journée les voies de Nouna à la recherche de leur pitance quotidienne. Quand ils sont fatigués des longues marches, ils ont un point de rencontre pour se reposer et se divertir. Nous y avons fait un tour ce vendredi 4 octobre 2019.

 

 

Munis de petits plats, les garibous vont chaque jour de maison en maison pour quémander de quoi se nourrir. Les boutiques, les marchés et tous les endroits animés sont aussi prisés par ces enfants. Les marchands, leurs clients et les passants sont également harcelés par ses bambins qui leur sollicitent quelques pièces d’argent. Certains croyants n’hésitent pas à faire l’aumône à ces innocents pour obtenir des bénédictions ou pour accomplir les prescriptions d’un charlatan.

 

Ainsi, il est fréquent de voir les talibés en possession de sachets contenant des offrandes de toute nature. Lorsque le donateur s’éloigne, ils s’empressent d’ouvrir le sachet pour en vérifier le contenu. Quand ce contenu est à leur goût, il est consommé sur-le-champ. Dans le cas contraire, le sachet est vite jeté avec son contenu. Le moins qu’on puisse dire est que les garibous préfèrent recevoir des espèces sonnantes plutôt que de la nourriture. Le comble est que certains leur offrent de la « pourriture » qu’eux-mêmes n’oseraient pas consommer. Mais d’autres ont une formule bien connue pour se débarrasser des quémandeurs. « Allah man sonna », c’est-à-dire en français « que Dieu nous donne à tous » : telle est la fameuse expression. Lorsqu’une personne prononce cette formule à l’endroit d’un garibou, le pauvre affiche une mine déconfite et court à la rencontre d’une autre. Ainsi vivent les talibés.

 

Après le tour de la ville, quand leurs jambes commencent à ne plus supporter la marche, les garibous se retirent au « ghetto » pour un repos. C’est sous le hangar construit à la place de cérémonies au haut-commissariat que plusieurs groupes de talibés se rassemblent généralement à partir de midi. Lorsque nous y sommes arrivé le 4 octobre dernier, c’est une cinquantaine de talibés qui y tuaient le temps : certains assis sur les gradins en train de causer, certainement de se raconter les aventures de la mi-journée ; d’autres couchés, en train de dormir. Un autre groupe se livrait à des jeux. Ceux-ci s’organisaient en équipes qui s’affrontaient dans un match de football avec un ballon de fortune fabriqué avec des sachets plastiques et des morceaux de tissus. « Nous venons ici pour nous reposer et aussi pour jouer », explique le petit Amadou Sidibé qui nous confie que son rêve est de devenir footballeur. Criant et gesticulant, il est visiblement le leader de son équipe.

 

Venus de différents foyers coraniques, ces enfants tissent ainsi des liens d’amitié et de fraternité. « Nous partageons le repas et moi je suis content de retrouver mes amis chaque jour ici », dit Moussa Sidibé. A partir de 15 heures, le « ghetto » commence à se vider. Par petits groupes, les talibés recommencent à arpenter les rues de la ville jusque tard la nuit. L’argent qu’ils ont reçu en guise d’aumône est, semble-t-il, remis au maître coranique lorsqu’ils retournent au foyer. Les conditions de vie de ces bambins font d’ailleurs l’objet de plusieurs critiques de la population et plus d’un se demande si ces élèves ont vraiment du temps d’apprendre ou plutôt si cette école produit les résultats escomptés.

Issa Mada Dama

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