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Mamadou Zongo à propos de la CAN 98 : «J’étais effectivement blessé»

Il était considéré par plus d’un observateur sportif comme la coqueluche du football burkinabè dans les années 2000, ce qui lui avait d’ailleurs valu le surnom de Bébéto. Malheureusement la carrière tant prometteuse de Mamadou Zongo a été écourtée à cause, sans aucun doute, des nombreuses blessures qu’il a connues. Ce qui l’avait d’ailleurs contraint, bon gré mal gré, à renoncer à la CAN 98 jouée au Burkina. Aujourd’hui, reconverti dans l’encadrement des jeunes à Bobo-Dioulasso, avec sa propre équipe, le Vitesse FC (2e division), l’ancien sociétaire du RCB, de l’ASEC d’Abidjan, de Vitesse Arnhem (Pays-Bas) veut transmettre son amour du footballeur aux jeunes. Dans cet entretien, il revient sur sa carrière mais également sur l’épisode de la CAN 98 et sa non-sélection.

 

 

 

Que devient aujourd’hui Mamadou Zongo ?

 

Mamadou Zongo est toujours présent sur les terrains notamment dans l’encadrement. On a créé une équipe qui s’appelle ‘’Vitesse FC’’ avec des jeunes. C’est vraiment mon passe-temps avec des amis et des anciens joueurs. Nous voulons faire de la formation notre cheval de bataille.

 

Est-ce à dire que c’est  la reconversion après que votre carrière de footballeur a été prématurément écourtée ?

 

Ce n’était pas prévu mais cela est dû à la manière dont j’ai arrêté de jouer. Je me sentais toujours dans la peau d’un joueur. J’ai commencé à entraîner à Ouagadougou sur le terrain du COMET avec des joueurs qui n’avaient pas de club, et petit à petit j’y ai pris goût.

 

Votre aventure en tant qu’entraîneur a véritablement commencé avec le Santos FC en D1 et le Royal FC en D3. Qu’est-ce qui s’est passé pour que vous créiez votre propre équipe ?

Quand je suis rentré de Ouagadougou, j’ai trouvé le président de Royal FC (club basé à Bobo-Dioulasso) qui s’apprêtait à créer son club ; mais il n’avait pas suffisamment de joueurs. Avec mon ami Zagalo (…à l’état civil NDLR) et d’autres personnes, nous avons fait chemin avec ce club jusqu’à un moment donné.

 

Finalement cette expérience a fait long feu avec ce club qui venait d’accéder à la 2e division. N’est-ce pas un travail qui commençait à prendre ?

 

Après une saison, les enfants ont terminé effectivement deuxième du championnat de D2. Or c’était uniquement le 1er (Rahimo FC) qui accédait à l’élite. Le président du club, Karim Barro, n’en était pas content, et a voulu faire appel à un autre technicien. Nous avons trouvé sa décision injuste, car non seulement Royal FC s’entraînait sur nos installations, mais, en plus, une grande partie des joueurs nous appartenaient. Mes amis et moi lui avons demandé de nous céder la cour de l’école qui fait office de camp de base pour nous et aussi nos joueurs. C’est à partir de là que l’idée nous est venue de créer notre propre formation.

 

Quelles sont vos ambitions avec cette équipe de Vitesse FC avec qui vous évoluez déjà en 2e division ?

 

On a démarré avec des jeunes. On dispose de toutes les catégories d’âge. Que ce soit les juniors, les cadets, les minimes, les sous-minimes et mêmes les pupilles. En plus des séniors, ça nous fait 5 catégories au total. Il n’y a pas de club qui fasse mieux. Nous participons actuellement au championnat des cadets où nous avons joué 25 matchs pour 20 victoires, 5 matchs nuls et 0 défaite. On a terminé premier de la région de Bobo, et on se prépare pour la phase finale à Ouagadougou.

 

Vous êtes comme un président-entraîneur ; avez-vous fini de passer vos diplômes ?  

 

Il me manque la licence «A» CAF. On avait d’ailleurs commencé le module 1. Il me reste les modules 2 et 3. Mais déjà avec la licence «B», je suis habilité à entraîner une équipe en première division et aussi à être coach adjoint au niveau de l’équipe nationale, comme c’est d’ailleurs le cas avec les Etalons cadets où je seconde Eric Zié Ouattara.

 

N’est-ce pas prématuré pour vous d’être dans l’encadrement des Etalons, même si ce sont les cadets ? N’y avait-il pas lieu de faire vos armes en club d’abord ?

 

Je me dis que ça va ensemble. J’ai déjà une expérience en formation, et je peux partager mes connaissances avec les jeunes. Si tu travailles avec les jeunes, tu apprends à mieux les connaître, sur les plans psychologique, mental et même technique. Et cela facilite le coaching sur le terrain.

 

Revenons à ta carrière de footballeur : tout a commencé au RCB et même dans le quartier Accart-ville de Bobo avec Boka Juniors…  

 

C’est vrai, je jouais avec Boka Juniors lorsque j’étais au lycée mixte d’Accart-ville. Mais le début, c’est vraiment au Racing club. J’ai évolué avec les minimes, les cadets et les juniors. Vers l’âge de 18 ans, je me suis engagé avec le Racing.

 

Après, tout est allé très vite : le titre de champion avec le RCB, le transfert à l’ASEC d’Abidjan, le club vitesse Arnhem. C’était le grand tournant de votre carrière…

 

C’est vrai que les choses se sont enchaînées. A ce moment, les grands transferts se faisaient essentiellement vers l’ASFA-Y ou l’EFO. Juste un mois avant que je ne signe pour l’ASEC, des dirigeants de l’ASFA-Y sont venus me voir avec une moto Yamaha pimpante et 3 millions. Je me dis toujours qu’il faut savoir être patient. J’ai tout de suite refusé, expliquant que mon ambition était de jouer à l’extérieur. Un mois après, les portes de l’ASEC se sont ouvertes à moi. Puis après un an passé en Côte d’Ivoire, le transfert s’est dessiné pour Vitesse Arnhem au Pays-Bas.     

 

Autrement dit, l’ASEC était juste une rampe de lancement pour atterrir en Europe ?

 

A l’ASEC on a eu la chance de tomber sur un coach qui aimait les jeunes : il s’agit de Philipe Troussier. Il y avait aussi des anciens comme Abdoulaye Traoré, dit Ben Badi, Michel Bassolé, Sié Donald Olivier. Mais le coach s’est focalisé sur Bonaventure Kalou et moi. Et je crois que nous ne l’avons pas déçu. En Hollande, j’ai fait 7 ans à Vitesse Arnhem.

 

Puis vinrent les blessures à répétition qui t’ont contraint à abréger cette carrière si prometteuse.

 

D’importantes blessures m’ont effectivement créé des soucis. Par 3 fois, j’ai rompu mes ligaments croisés (au genou), ensuite les ménisques interne, puis externe. Le cartilage a même cédé à un moment. Tout ce que l’on peut avoir comme blessures au genou et en football, j’ai tout connu. Ce n’était vraiment pas facile.

 

Ces blessures étaient-elles dues à votre âge à l’époque ? Autrement dit étiez-vous mature pour affronter très tôt la rigueur du football européen ?

 

J’avais plus de la vingtaine… C’est la volonté de Dieu. Je ne cherche pas chaque fois des excuses pour m’expliquer. Je positive. Quand ça ne marche pas ici, ça peut marcher ailleurs.

 

Bien qu’étant en son temps la coqueluche du football burkinabè, vous n’avez pas été sélectionné pour la CAN 98 à domicile. Que s’est-il réellement passé ?

  

Je souffrais d’un mal à la cheville. Les dirigeants voulaient que mon nom figure sur la liste des 23 joueurs et, au cas où l’on franchirait les phases de poule, je pouvais me rétablir, contrairement à ces voix qui disaient qu’il y avait un problème entre le sélectionneur, Philipe Troussier, et moi. J’étais timide, je ne voulais pas forcer la porte de la sélection pour être à la CAN 98. Le coach en son temps discutait avec le médecin de l’ASEC qui me traitait. Peut-être que les 2 n’ont pas voulu prendre de risque.

 

En son temps quels sont les dirigeants burkinabè qui vous ont approché pour comprendre ce qui se passait avec le coach ?

 

Tout le monde était à mes côtés, à commencer par Honoré Nabéré Traoré qui était président de la Fédération en son temps. Mais je reconnais que je n’étais pas au top de ma forme ; malgré tout, j’avais l’esprit tranquille, car, avant la fin de la saison, certains clubs comme Vitesse et le RC Lens (en France) s’intéressaient à moi. Par contre, le président, Roger Ouégnin n’a pas voulu que je quitte l’ASEC à ce moment. Sous prétexte que je devais jouer la CAN 98.

Malheureusement lorsque que m’a cheville m’a lâché, il m’a dit que le mieux était qu’on aille en Hollande pour signer mon contrat. Chose que j’ai faite. C’est après tout cela que l’incident de la CAN est survenu, mais j’étais rassuré puisque j’avais un avenir dans un club. Après j’ai aussi évolué avec De Graas, un autre club hollandais. Plus tard, j’ai passé un an en Grèce, puis un autre en Roumanie et après j’ai décidé de rentrer.

 

Est-ce que le tempérament trop calme que vous aviez et que vous avez toujours n’a pas favorisé en son temps la rumeur qui a circulé sur vous ? Si vous aviez dit que vous étiez blessé et que vous ne pourriez pas jouer la CAN 98, peut-être qu’il n’y aurait pas eu toute cette polémique dont on se souvient encore.

 

Peut-être aussi que la question ne m’a pas été posée. Sinon, je suis franc et je l’aurais dit.

 

A un moment donné, des supputations couraient et faisaient croire que vos fréquentes blessures sont dues à votre hygiène de vie…

 

C’est ça, le problème des Burkinabè. Les gens s’imaginent des choses. Ma vie se résume à quitter la maison, à aller à la mosquée et à partir après à l’entraînement. C’est tout. Maintenant, chacun peut penser ce qu’il veut. La vérité, c’est celle que je vous ai racontée. Je rappelle aussi que je jouais en même temps avec les Etalons cadets, les juniors et les séniors. C’est peut-être la charge de travail qui explique aussi mes blessures.

 

 

Pourquoi au lieu de rester en Europe vous avez décidé de rentrer et vous reconvertir à autre chose ?

 

Pour être franc, je suis parti en Europe pour jouer. A partir du moment où je sentais que c’était difficile, à cause de mes blessures, j’ai décidé de rentrer au pays. Ma famille, qui a constaté que je n’y retournais plus, a essayé de me convaincre de le faire, mais en vain. Je leur ai fait comprendre que c’était ma décision finale et que je ne comptais pas changer d’avis.

 

La décision n’a pas été prise sur un coup de tête ?

 

Quand tu te bas pour quelque chose et que tu ne parviens pas à la réaliser, à un moment donné, il faut abandonner. Je me suis dit qu’en restant au pays, j’allais trouver quelque chose à faire. Et je me sentais bien dans ma tête. Là-bas, quand tu ne fais pas ce que tu souhaites, ce n’est vraiment pas facile dans la tête.

 

Et si c’était à refaire… ?

 

Je resterais toujours au Burkina Faso. Je suis chez moi, je suis épanoui, j’aide les enfants. Les jeunes frères qui se blessent viennent me voir. J’essaie de servir mon pays à ma façon.

 

Avez-vous gardé le contact avec les clubs où vous avez joué, notamment Vitesse Arnhem où vous pourriez éventuellement aller pour mieux vous former en tant qu’entraîneur ?

 

C’est une possibilité. J’ai toujours des contacts avec eux et avec le KNVB, la Fédération hollandaise de football. On fait souvent des tournées au Mali, au Ghana, etc. Mais le moment n’est pas encore venu. En temps opportun, je m’y rendrai.

 

Aujourd’hui, vous suivez ce qui se passe dans l’environnement du football, notamment celui de Bobo-Dioulasso que vous connaissez très bien. Bobo est-il toujours le bastion du foot national comme à votre époque ?

 

Bien sûr. Quand tu prends les clubs de la capitale, la majorité de leurs joueurs sont des ressortissants de la ville de Sya. Ce qui montre que Bobo-Dioulasso est toujours un réservoir d’éléments essentiels au football burkinabè.

 

Après avoir été footballeur professionnel, vous fallait-il forcément devenir entraîneur ? Vous auriez pu devenir agent de joueur ou autre ?

 

Non. J’ai toujours joué au football. C’est vrai que je partais à l’école, mais, ce que j’aimais par-dessus tout, c’était le ballon rond. Je veux transmettre aux jeunes du quartier ce que moi-même j’ai appris. Je veux aussi les conduire vers le chemin de l’école.  Donc, en plus du football, on oblige les jeunes à aller à l’école. S’ils n’ont pas les moyens de se scolariser, on essaie d’en trouver pour eux. Et c’est en aidant les gens que tu peux un jour avoir pour toi.

 

Sentez-vous que le football burkinabè avance?

 

Oui. Les enfants ont la chance d’être mieux encadrés qu’avant. Néanmoins, il fut un temps où le championnat n’avait pas assez de niveau. A mon avis, cela était dû au fait que des joueurs quittaient les quartiers pour se retrouver directement dans les clubs. Ce qui était impossible à notre époque. Mais, depuis quelque temps, je constate avec fierté que les jeunes joueurs sont mieux formés. Et c’est ce qui rend le championnat national plus intéressant.

 

Quel  le meilleur souvenir de votre carrière ?

 

Il y en a beaucoup. D’abord, il y a le titre avec le RCB, puis avec l’ASEC. Les premières fois où j’ai porté le maillot des Etalons cadets en 1994 et celui des Seniors en 1996 figurent aussi parmi mes meilleurs souvenirs.

 

Et les pires ?

 

Ce sont les blessures. C’est d’ailleurs à cause d’une blessure que je n’ai pu jouer la CAN 98. Ça me reste encore en travers de la gorge, mais je n’avais pas le choix, puisque je n’étais pas en bonne santé. Et l’entraîneur a décidé de ne pas me sélectionner.

 

Aujourd’hui quand vous regardez tout ce qui s’est passé, au-delà du regret, est-ce que vous vous êtes dit que les Etalons n’ont pas été ridicules puisqu’ils ont terminé à la 4e place ?

 

Effectivement. C’était aussi la première fois que l’équipe nationale arrivait à ce stade de la compétition. Nous en étions tous contents.

 

Comment se passe vos débuts avec les Etalons cadets ?

 

Nous avons fait le premier regroupement. Nous attendons le premier match officiel. On a seulement fait un tournoi en France. Nous avons également joué un match amical au Maroc. En novembre, nous avons d’autres compétitions. Le hic est que le groupe doit être reconstitué. Parmi les joueurs cadets qui ont compéti en France, 2 ou 3 seront frappés par la limite d’âge en 2021. Donc, nous sommes en train de mettre sur pied un groupe recomposé.

 

Quel est le côté jardin de Mamadou Zongo ?

 

Je suis marié, père d’un enfant.

 

 

Interview réalisée par

Kader Traoré

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