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Soumaïla Traoré, vainqueur du Marathon : «C’est la meilleure compétition à laquelle j’ai participé»

Soumaila Traoré, le vainqueur du marathon Paalga du Grand-Ouaga, n’a pas encore fini de savourer sa victoire. Malgré l’effort, il affiche la pleine forme. Avant de s’envoler pour sa Côte d’Ivoire natale, il est passé nous dire au revoir et n’a pas manqué de nous faire quelques confidences. Ce garçon de 27 ans, qui a établi son camp d’entraînement au Kenya estime que c’est une première que de voir un marathon doté de 3 000 000F en Afrique de l’Ouest. 

 

 

Après que l’émotion est retombée, comment ressens-tu ta victoire devant les Ethiopiens, Nigériens, Béninois et Ghanéens ?

 

Nous sommes tous pareils. La seule différence est que, par exemple, les Ethiopiens et les Kenyans sont à 2 800 mètres d’altitude. Leur entraînement est aussi différent, mais une fois que nous arrivons là-bas, nous devenons pareils, car c’est le même programme que nous subissons. Il est vrai que ce n’est pas facile de s’adapter, mais après être resté avec eux pendant longtemps, on s’acclimate. J’ai fait au moins 6 mois au Kenya. Avant cela j’ai été en Tunisie pour la haute préparation à 1 200 mètres d’altitude.

Revenant à votre question, je dois dire que, depuis le Kenya, j’avais confiance en moi pour ce marathon. Donc que ce soit les Kenyans, les Ethiopiens ou les Marocains, il n’y avait pas de peur. Dans une course, c’est le meilleur qui gagne. C’est la raison pour laquelle, dès le départ, j’ai respecté les consignes de mon entraîneur, et c’est ce qui a donné cette victoire.

 

Qui est ton entraîneur ?

 

C’est le coach Gabriel. Un Kenyan. Il encadre des athlètes de haut niveau qui font les championnats du monde et qui ont des records mondiaux. J’ai eu la chance de le contacter, et il m’a accepté. C’est un travail que nous avons commencé ensemble, et c’est la première fois pour moi de courir un marathon en 2h19mn. J’en suis très content. En Tunisie, j’ai fait un autre marathon que j’ai couru en 2h 42mn. A Abidjan c’était en 2h 43mn. Ce sont ces performances qui m’ont poussé à aller au Kenya, et j’étais convaincu que je pouvais mieux faire. Arrivé là-bas, je n’ai pas dormi, j’ai travaillé dur, tout le monde sait que l’entraînement à ce niveau n’est pas de l’amusement. 

 

Est-ce que ce n’est pas l’allure imposée par les prétendants sérieux qui t’a poussé à plus d’effort ?

 

Non. Après le départ, j’étais à un kilomètre d’eux. Au marathon, chacun a son allure. Quelqu’un peut imposer un rythme qu’il ne peut pas tenir. Ce qui n’est pas bon. Depuis le Kenya, je faisais des entraînements spécialement pour cela. Ce n’est pas parce que quelqu’un est devant moi qu’il sera le premier. Un marathon se joue à partir de 35 voire 37 km. C’est à cette distance qu’on commence à sentir la fatigue. Et quelqu’un qui a débuté avec la vitesse  ne pourra pas le terminer. Lorsque j’ai rattrapé les hommes de tête, je suis resté avec eux, et ils couraient à un rythme de 4 minutes par kilomètre. Vu la distance, je me suis dit qu’il fallait courir à 2 minutes 55 secondes par kilomètre. J’ai donc maintenu cette cadence pour remporter la course.

 

Depuis quand coures-tu les marathons ? 

  

J’ai commencé en 2016 au marathon d’Abidjan où j’ai été 3; soit le premier Ivoirien. Avant je faisais du 5000 m. Ce n’était pas mal, mais je me suis dit que si j’arrive au Kenya, je pourrais mieux faire.

 

Tu as fait combien de marathons jusque-là ?

 

Je suis à mon cinquième marathon; j’en ai fait en Côte d’Ivoire, en Tunisie… et j’ai fait beaucoup de semi-marathons ; ce qui a fait que je suis vite monté à 2h 19mn. Je dois cette performance à l’expérience de mon coach. Quand je suis arrivé là-bas, je ne supportais pas les entraînements, mais y étant allé de mon gré et à mes propres frais, j’avais intérêt à travailler dur.

Les 2h19 mn, c’est donc ton record personnel ?

Oui bien-sûr, aussi bien pour moi que pour la Côte d’Ivoire. Le record là-bas est de 2h 22mn. Je suis très content d’avoir réalisé cette performance à Ouaga. J’espère que l’année prochaine, je serai là pour écrire une nouvelle page.

 

Au-delà de la compétition, comment apprécies-tu  l’organisation de ce marathon?

 

La compétition a été bien organisée. Chacun a joué son rôle. Je félicite aussi tous les sponsors qui ont soutenu l’activité. Je tire mon chapeau également à la sécurité. Au niveau des points d’eau aussi, ils ont assuré. Le marathon, c’est surtout l’eau de ravitaillement, sans quoi ce n’est pas facile de tenir. De plus, on était bien logés. On a bien mangé lors du gala. Donc tout s’est vraiment bien passé. Tous les athlètes étaient heureux à la cérémonie de récompense.

 

3 000 000 millions de F  CFA et de nombreux prix spéciaux, est-ce la plus grosse prime que tu as remportée dans un marathon ?

 

Depuis que je suis athlète, je n’ai jamais remporté 3 millions de CFA. En Afrique de l’Ouest, ceux qui mettent en jeu ce montant sont assez rares. Les promoteurs se limitent généralement à 2 millions. Je suis content, et c’est un bon début puisque les organisateurs du marathon Paalga du Grand-Ouaga ont décidé de placer la barre haut.  Ça se voit qu’ils aiment le sport, et nous, les jeunes, restons donc prêts.

 

Lorsqu’on gagne une telle prime, on planifie des projets ou  bien on pense au partage ?

  

 Il s’agit d’un travail d’équipe. J’ai réussi grâce à mes encadreurs, notamment un manager, un entraîneur. J’en suis heureux, et mon coach, que je vais bientôt retrouver au Kenyan, sera aussi fier de moi. Nous allons rentrer pour travailler dur et revenir encore plus fort l’année prochaine.

 

Qu’en est-il de ta nationalité, et surtout de cette petite polémique? 

 

Mon manager est du Niger mais déteint la nationalité canadienne. Etant donné que la Fédération ivoirienne n’a pas vite répondu à l’invitation, mon manager a immédiatement demandé au Niger de m’ajouter sur sa liste pour que je compétisse, mais au nom de la Côte d’Ivoire. Je ne suis pas un athlète nigérien et ne suis pas détenteur de cette nationalité non plus. Certains pensaient même que je suis Kenyan. J’ai même un penchant burkinabè puisque ma mère est originaire de Djibo, et mon père est ivoirien.  Je suis chez moi. La Côte d’Ivoire et le Burkina Faso font un. Je me sens  tranquille partout.

 

On se rend compte  finalement que tu es un athlète aux origines multiples  comme ton coach. Est-ce là que réside ta force ?

 

Je suis le produit de plusieurs nationalités. Quand je suis arrivé au Pays des hommes intègres, ma mère m’a  bien accueilli, et à Abidjan, c’est avec joie que mon père fera autant.

 

Comment se fait la récupération d’un marathonien après une compétition ?

Le plus important  pour des athlètes comme nous, c’est la récupération. Il ne faut pas se consacrer immédiatement le lendemain à un travail. En principe, quand on termine une telle épreuve, on doit rester couché une, deux semaines. Il est conseillé de  boire beaucoup d’eau durant les 2 semaines suivante et de ne pas porter de chaussures fermées, d’être relaxe toute la 3e et 4e  semaine.  Privilégier  le footing en ne fournissant pas trop d’efforts et en pratiquant aussi la marche.  Par la suite on peut courir  1 h de temps sans forcer, à 10%,  jusqu’à ce que le corps récupère. On ne peut se lancer dans un marathon après 3 semaines, ce n’est pas une course de 10 km.

 

Quels sont les futures échéances pour toi ?

 

Maintenant que j’ai fini, je dois rentrer à Abidjan pour me reposer, retrouver aussi les amis, car il y a longtemps qu’on ne s’est pas vu. On va se donner des idées, et après je retournerai au Kenya pour poursuivre mes entraînements.

 

Et peut-être que tu vas rencontrer la Fédération ivoirienne d’athlétisme…

 

Oui, c’est très important. Je suis sûr que les membres de la Fédération seront très contents de ce chrono. On va discuter également pour voir ce qu’il y a à faire.

 

A ce sujet, bénéficies-tu du soutien de l’Etat ivoirien dans ta préparation ?

 

Pour le moment, je ne bénéficie d’aucun soutien de l’Etat. C’est moi-même qui me bats avec mes propres moyens pour assurer mes entrainements, mes séjours au Kenya et même les frais de mon coach. Comme je le disais, j’ai été en Tunisie à mes frais. Ça ne sert à rien de commencer le sport les mains vides. Donc je n’ai pas attendu le soutien de quelqu’un pour commencer. Je veux bien qu’on me soutienne, mais je ne vais pas m’asseoir pour attendre ça. Je fais tout ce que je peux, et après, quand la Côte d’Ivoire verra ce que je fais comme effort, elle va m’accompagner un jour. La victoire que j’ai obtenue  est pour mon pays. Vous avez vu que chaque athlète vient défendre les couleurs de son pays, donc le pays doit être à côté de son athlète. Quand je gagne une course, je commence à prélever dans la prime  les frais de mon stage. C’est donc dire qu’on a énormément besoin de soutien.

 

Aujourd’hui tu as 27 ans, cela suppose que ta carrière est encore longue…

 

Oui, surtout au marathon où on peut courir jusqu’à un âge avancé. Vous voyez Eliud Kipchoge qui bat des records du monde à 35 ans. Cela veut dire que c’est quand on vieillit qu’on retrouve toutes les ressources pour courir. Il ne faut pas commencer à courir des marathons à l’âge de 18 ans. Au jeune âge, il faut démarrer avec les compétitions de 800, 1 500 et 5 000 m. C’est à partir d’une certaine maturité qu’on peut affronter la plus longue distance. Là aussi, il faut juste effectuer une seule course par an. En tout cas, c’est le conseil de mon coach.

 

Doit-on comprendre que tu vas faire ta carrière dans les courses de fond?

 

Pour le moment en tout cas, c’est le sport qui est dans ma tête. Je suis encore jeune. Je sais qu’il y a un talent qui est en train d’éclore en moi, et je travaille dur pour ça. Mieux, Kipchoge nous a appris que la capacité humaine n’a pas de limite. Donc on va pousser les limites de notre corps. Après, on verra.

 

Interview réalisée par

Kader Traoré et

W. Harold Alex Kaboré

 

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