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Convocation dirigeants G5-Sahel par Macron : Niamey pour préparer la riposte de Pau

« Jupiter dit un jour : Que tout ce qui respire

 S’en vienne  comparaître aux  pieds de ma grandeur.

Si dans son composé quelqu’un trouve à redire,

Il peut le déclarer sans peur :

Je mettrai remède à la chose.

Venez, Singe ;  parlez le premier,  et pour cause… »

Plus de trois siècles après, ces vers de La Fontaine dans «La besace » rappellent étrangement l’invite  comminatoire faite aux chefs d’Etat membres du G5 Sahel par le président français  lors du récent sommet de l’OTAN.

 

 

Ses compatriotes, qui l’ont affublé du surnom moqueur de Jupiter, par allusion à son ego surdimensionné, ne pouvaient pas trouver mieux. Au détour  d’une phrase, Emmanuel Macron avait en effet enjoint à ses «homologues» de venir à Pau clarifier la position de leurs pays vis-à-vis de l’Hexagone,  particulièrement de la Force Barkhane qui, malgré ses 4500 hommes et son armada qu’on pensait invincible, n’arrive toujours pas à enrayer la spirale de la violence terroriste dans la sous-région qui va même de mal en pis.

   

Cette invitation aux allures de convocation d’un sous-préfet de la coloniale intervenait, on le sait, après la mort de treize militaires français à Inata au Mali le 25 novembre dernier suite à une collision de deux hélicoptères. Treize héros anonymes, treize de plus, treize de trop engloutis dans les sables mouvants du Sahélistan, ce qui a encore davantage l’opinion française, les familles des victimes, la classe politique et  les frères d’armes des défunts qui se posent de plus en plus de questions sur l’utilité de la présence militaire hexagonale au Sahel.

 

 Des questions devenues d’autant plus lancinantes que leur répond en écho la montée du sentiment antifrançais à Bamako, Niamey et Ouagadougou, Paris étant accusé au, mieux, de ne pas pouvoir régler notre problème, au pire, de pactiser avec l’ennemi ou de faire son jeu en soufflant parfois sur les braises. Ajoutez-y les vieilles brûlures de notre histoire commune (l’esclavage, le colonialisme, le néocolonialisme, le pillage de nos ressources avec la complicité des dirigeants vermoulus, le franc CFA, le soutien aux despotes, etc.) et vous finissez par réaliser que la coupe est sans doute pleine de part et d’autre.

 

Peut-être les propos du locataire de l’Elysée étaient-ils surtout destinés à sa propre opinion publique pour la raison invoquée plus haut, mais la forme étant «le fond qui remonte à la surface» selon Hugo, ce n’était pas très malin de sa part d’ainsi  tancer nos premiers responsables qui n’ont pourtant jamais raté la moindre occasion de dire combien le soutien de «nos ancêtres les Gaulois», malgré tout ce qu’on peut en dire,  était précieuse ; des chefs d’Etat obligés de justifier à l’image des grands dignitaires musulmans de France et de Navarre contraints de toujours psalmodier l’antienne selon laquelle « l’islam est une religion de paix » à la moindre attaque terroriste.

 

En les mettant ainsi en demeure tels  de vilains garnements pris à défaut, l’irrévérencieux petit Emmanuel,  qui n’a aucun respect pour ses tontons, accentue, on l’a vu,  le french-bashing et complique un peu plus les choses. Le voilà qui a été obligé de missionner la semaine passée Christophe Bigot, son envoyé spécial au Sahel,  pour inviter officiellement les convoqués (il aurait dû commencer  par  là), rattraper donc diplomatiquement dans les capitales concernées une bourde qui n’aurait pas dû être faite si celui qui l’a commise prenait l’habitude de remuer sa langue sept fois avant de parler. Mais ce n’est pas le genre de la maison. Et le rhéteur du Palais n’en est pas à sa première sortie de piste.

 

Certes, après l’hécatombe d’Inatès au Niger (revendiquée par l’Etat islamique) où le 10 décembre plus de 70 soldats nigériens ont péri sous les balles assassines des prétendus djihadistes dans l’attaque de leur camp, le conclave des Pyrénées-Atlantiques a finalement été repoussé à janvier 2020, mais le problème reste entier.

 

Après Inatès et avant Pau, Idriss Déby Itno, Mahamadou Issoufou, Ibrahim Boubacar Keita, Roch Marc Christian Kaboré et Mohamed Ould Ghazouani, après s’être recueillis hier à Niamey sur les tombes  des 71 martyrs, se sont ainsi retrouvés à un sommet extraordinaire pour harmoniser leurs vues et préparer, qui sait, la riposte anti-jupitérienne alors que, pour nombre de leurs compatriotes, ils ne devraient pas déférer à cette convocation de Pau. Pau qui n’a pas été choisie au hasard puisqu’abritant le 5e régiment d’hélicoptères de combat  d’où venaient certains des 13 morts d’Inata. Pau où un certain Thomas Sankara, chantre du panafricanisme, de la lutte contre l’impérialisme et du «compter sur nos propres forces», effectua un stage de parachutisme en 1972.

 

Aller ou ne pas aller, telle est donc la que l’équation qui se pose aux dirigeants du G5 Sahel. Si oui, que faut-il dire à l’hôte du sommet ? Puisqu’«on ne dirige pas les hommes, avec des soupirs»,  comme dirait le général de Gaulle, on ne voit pas trop comment, malgré les imprécations de leurs concitoyens, les «invités»  pourraient ne passer à table sauf se porter pâle. Passe encore pour le Tchadien et le Mauritanien, relativement épargnés par la peste salafiste, mais pour la Malien, le Nigérien et le Burkinabè qui sont dans l’œil du cyclone, la real politik impose d’effectuer le déplacement au moins pour se dire «les gwès». Surtout que cette guerre sale quasi planétaire ne peut se gagner seul sans alliés, arrêtons de rêver, car aucun d’entre eux ne sera jamais désincarné, qu’il s’agisse de la France, des Etats-Unis, de la Chine ou de la Russie. 

 

De ce point de vue, le président du Faso a raison : autant nous pouvons éclaircir notre position si c’est encore nécessaire,  autant la France a aussi des choses à confesser comme le survol de nos terres par ses avions sans que nos autorités politiques et militaires en soient informées au préalable ; comme le partage du renseignement qui ne serait pas aussi fluide ; comme ses liaisons dangereuses avec les rebelles touaregs ; comme de nombreuses autres pommes de discorde extra-sécuritaires qui pourraient s’inviter autour de la table paloise. A ce petit jeu, il n’est pas sûr qu’au finish, Jupiter ne se retrouve d’ailleurs pas dans la situation de l’arroseur arrosé. Et tant pis si le clash doit arriver. 60 ans après les indépendances formelles, le  nouveau Pacte franco-africain est peut-être à ce prix.

 

La Rédaction        

Dernière modification lelundi, 16 décembre 2019 23:27

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