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Côte d’Ivoire : Drôle d’akwaba pour Soro

Ça devait être le retour triomphal de l’enfant prodige, ça s’est transformé en véritable désillusion. Après six mois d’absence, Guillaume Kigbafori Soro devait en effet rentrer au bercail hier à Abidjan sur le coup de 13 heures, où il était attendu par ses partisans, la Génération peuple solidaire (GPS).

 

C’est finalement au Ghana voisin que son avion a atterri. L’aéroport militaire de la capitale ivoirienne, où son appareil devait se poser, a été bouclé, ses partisans malmenés, certains arrêtés et son domicile interdit d’accès, même à ses proches. Et pour ne rien arranger, un mandat d’arrêt a été, fort opportunément, décerné contre lui pour tentative de déstabilisation et détournement de biens publics.

Drôle d’akwaba (bienvenue en baoulé) pour celui qui était, il n’y a pas longtemps, la 2e personnalité de l’Etat ivoirien en tant président de l’Assemblée nationale, avant de tomber du perchoir en février dernier. Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous le pont  de la lagune Ebrié. L’ancien patron des Forces nouvelles a passé presque un semestre à l’extérieur, tissant sa toile internationale, échappant de peu à Barcelone (Espagne) à une arrestation dans son hôtel ; opération, selon lui, téléguidée depuis Abidjan, avant de déclarer sa candidature, même si c’était devenu un secret de Polichinelle.

Du reste, le divorce était déjà consommé entre Soro et son mentor ADO, depuis qu’il a refusé de rejoindre le RHDP (Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix) et qu’il faisait de moins en moins mystère de son ambition présidentielle. Il voguait ainsi à contre-courant de la volonté d’Alassane Ouattara, qui veut manifestement placer son actuel premier ministre, Ahmadou Gon Coulibaly.

Avec ce dernier rebondissement, la guerre est maintenant déclarée, et elle sera impitoyable. En délivrant le mandat d’arrêt, les autorités ivoiriennes veulent contraindre le natif de Ferkéssedougou à l’exil, ou alors, s’il devait rentrer, ce serait quitter directement l’aéroport pour la prison. Tout est donc mis en œuvre pour contrarier ses desseins politiques, et il faut croire que, ce coup-ci, celui dont on vante souvent le flair politique n’a pas senti le coup venir.

Mais en même temps, n’ayant plus rien à perdre politiquement, il faut craindre qu’il ne joue le tout pour le tout pour sa survie politique, sociale et même physique. Et vu qu’on l’a toujours soupçonné d’être derrière les mutineries perlées des forces militaires et même des anciens rebelles ivoiriens, pour beaucoup, il conserve ses capacités de nuisance intactes. Malheureusement, quand deux éléphants se battent, c’est l’herbe qui en pâtit le plus. Il faut donc craindre que la paix ne soit menacée.

L’ironie de l’histoire veut que ce soit Soro, ses rebelles et parrains sous-régionaux et internationaux -  suivez notre regard - qui aient installé ADO au pouvoir au son de la kalach. Et le spectacle qu’ils offrent aujourd’hui ressemble étrangement à ces scénarios de films western où, après avoir cassé le coffre-fort de la diligence, les bandits s’écharpent pour le partage du butin et finissent par se trucider.

 

Issa K. Barry

Dernière modification lejeudi, 26 décembre 2019 21:33

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