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Médiation russo-turque en Libye : Le niet du maréchal Haftar

C’est un départ qui équivaut à un niet. Après avoir laissé planer le doute et entretenu un flou artistique, le général Khalifa Haftar a finalement quitté Moscou sans avoir apposé sa précieuse signature au bas de l’accord concocté par le tandem russo-turc après de longues heures de tractations.

 

Alors que son vis-à-vis, Fayez al-Sarraz, le chef du gouvernement d’union nationale reconnu par la communauté internationale, avait déjà signé le document actant le cessez-le-feu, l’homme fort de l’est libyen a demandé deux jours de réflexion supplémentaires pour requérir l’avis de ses alliés sur le terrain.

En affirmant qu’il ne pouvait pas décider seul sur tous les aspects de l’arrangement politique, l’ambitieux maréchal de 76 ans reconnaît à demi-mot qu’il n’est pas aussi puissant et libre de ses mouvements qu’on aurait pu le croire.

Deux raisons principales expliquent cette fin de non-recevoir du commandant de l’armée nationale libyenne. Il craignait d’abord qu’en jouant le jeu jusqu’au bout, il légitime quelque part l’intrusion turque sur la scène politique libyenne après la décision du président Recep Tayyip Erdogan d’envoyer sur place des troupes, en réalité des mercenaires syriens, pour soutenir le pouvoir d’al-Sarraz qui fait face depuis de longs mois à une offensive du maréchal rebelle,  qui tient coûte que coûte à prendre Tripoli après s’être emparé récemment de la ville clé de Syrte. Pour ce dernier, il n’est d’ailleurs pas question, comme le suggère le compromis, et c’est là la deuxième raison du refus, que les belligérants retournent à leurs bases alors qu’il semble si proche du but.

Avis d’échec donc sur la médiation russe, qui avait pourtant employé les grands moyens pour réunir les protagonistes, et statu quo sur le terrain après cette rebuffade d’Haftar. Signalons au passage que d’autres acteurs comme la France avaient échoué à faire parler le même langage aux frères ennemis libyens. Faut-il vraiment s’en étonner, connaissant l’irrédentisme de chaque camp et sachant que les prétendus médiateurs ont chacun son protégé dans cette affaire ?

Moscou, par exemple, joue la carte Haftar quand Ankara, comme rappelé ci-dessus, vient de mettre les pieds, aux côtés de ceux d’al Sarraz, dans un plat libyen déjà bien trouble. L’arrivée de ces supplétifs turcs complique de fait un écheveau déjà difficile à démêler.

Même si les Européen ont bon dos de crier haro sur le baudet ottoman, ils sont les principaux responsables de ce bourbier, en particulier la France qui, sous Nicolas Sarkozy, a mis tout son poids militaire et diplomatique aux côtés de la rébellion pour déboulonner le colonel Kadhafi pour des raisons pas seulement humanitaires. Transformant ainsi l’oasis en un véritable bazar livré aux factions ennemies qui se disputent la dépouille de cet Etat pétrolier depuis maintenant une bonne dizaine d’années. Et on ne le sait que trop, la crise sécuritaire qui mine actuellement les pays du Sahel est aussi due en partie à cette plaie béante libyenne que personne n’arrive à refermer.

Ceux qui n’ont pas prévu de service après-vente après avoir foutu le bordel peuvent-ils donc se piquer de donner des leçons aux autres ?

 

Hugues Richard Sama

 

Dernière modification lemercredi, 15 janvier 2020 19:11

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