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Cappuccino 4 ans après: Une plaie toujours rougeoyante

Le 15 janvier 2016, une indicible horreur s’abattait sur l’avenue Kwame NKrumah. 4 ans après l’attaque terroriste contre le Cappuccino et l’Hôtel Splendid, le souvenir reste vivace dans les esprits.

 C’est la plus belle avenue de Ouagadougou, elle est devenue celle de tous les drames. Kwame NKrumah a subi deux épreuves du feu : le 15 janvier 2016 et le 13 août 2017. Chaque fois des vies heureuses qui profitaient de l’ambiance festive de cette rue autrefois animée ont été fauchées.  Comme si le temps qui passe n’effacera jamais les douloureux souvenirs, la stèle  érigée à la mémoire des victimes de la première barbarie a parfaitement trouvé sa place sur un terre-plein en face du lieu de la tragédie. 30 noms y sont égrenés, de simples anonymes aux personnes plus ou moins connues comme la photographe Leila Alaoui. La plupart étaient attablés ce fatidique soir de janvier sur la terrasse du café-restaurant Cappuccino. Mais les éclats de rire céderont la place aux râles des mourants quand à 19h 30 débarquent trois terroristes armés. C’est le carnage. Leur basse besogne accomplie, ils mettent le feu à des véhicules stationnés, se retranchent où ils peuvent et tiennent tête aux forces de défense toute la nuit.

4 ans, jour pour jour après la tragédie, le Cappuccino qui tel un phœnix était né de nouveau de ses cendres le 10 juin 2017, grâce notamment à la folie de vivre de son patron, Gaetano Santomenna qui a perdu sa femme, son fils et sa belle-sœur dans l’attaque, présente un visage inhabituel. Ses portes sont closes. Des bandeaux noirs barrent l’entrée principale. Pas donc de clients prenant leur petit-déjeuner comme tous les matins. Un calme de deuil a remplacé l’ambiance des jours de service. Sur l’une des portes vitrées, ce message : « Notre établissement sera fermé le 15 janvier 2020 en mémoire aux victimes de l’attaque. Nos cœurs continueront de battre à travers eux. Nous vous remercions, chers clients, pour votre fidélité et votre confiance…» A notre demande, l’un des vigiles qui assurent la sécurité des lieux nous indique un bureau où nous pouvons rencontrer un responsable des lieux. Peine perdue. « Si c’est le patron que vous cherchez, sachez qu’il était là ce matin mais il est rentré », nous informe un autre agent commis à la sécurité, après s’être enquis de l’objet de notre présence.

L’atmosphère pesante n’est pas sans rappeler le jour noir où l’établissement a été léché par les flammes. « Ce furent la peur et la débandade », se souvient encore une vendeuse de fruits à proximité, répondant à nos questions dans l’anonymat.

Qu’importe qu’elle ait retrouvé sa moto calcinée, elle brûle toujours des cierges pour remercier Dieu de l’avoir sauvée.

Si l’administration du Cappuccino a choisi de refaire le deuil en fermant ses portes, ce n’est pas le cas chez les deux autres établissements touchés cette nuit-là : l’Hôtel Splendid et le restaurant Taxi-brousse. Ils ont opté pour la poursuite de leur train-train quotidien, bon an mal an.

 

Résilience

 

Dans le hall tout comme sur la terrasse, les employés de Taxi-brousse sont à leurs occupations respectives, en attendant les clients dont la majorité viendra la nuit tombée. A la cuisine, la patronne, Zaïnatou Kontogomdé est au four et au moulin. A la question de savoir quel souvenir elle garde de cette soirée du 15 janvier, c’est par un « ouf ! » qu’elle entame un  récit qu’elle interrompt pour nous faire voir les impacts de balles encore visibles çà et là. Du plancher au plafond, le plomb a laissé des traces indélébiles. Pour notre interlocutrice, ouvrir le bar en ce jour de douloureux anniversaire est une forme de résilience. « On ne peut pas arrêter de travailler ; ce serait faire plaisir aux terroristes », dit-elle. Cette résilience suscite l’admiration de certains clients. « Beaucoup de gens passent ici nous encourager. C’est ce qui nous motive aussi à  ne pas arrêter le travail», se réjouit dame Kontogomdé.

Mais elle ne le cache pas, l’activité économique, 4 ans après le drame, peine à retrouver son envergure d’antan sur Kwame NKrumah. Le Taxi-brousse, dont le nom est associé à la tuerie, est frappé de plein fouet  par cette paralysie de « KK », gagnée par la peur.Les tirs de sommation à la base aérienne, située à quelques jets de pierres de là, ont invariablement pour effet la débandade. De ce fait, « Chaque fois qu’il y a des coups de feu, ici des clients commencent à détaler pour nous laisser des chaises renversées et des bouteilles cassées », explique celle qui dit gérer Taxi-brousse depuis 27 ans.

Au-delà de la peur, les sinistrés des attaques du 15 janvier déplorent une absence d’un soutien quelconque qui leur permettrait de redonner de l’envol à leurs activités. « Depuis quatre ans, nous n’avons reçu aucune aide de la part des autorités. Chacun se débrouille comme il peut. Ailleurs, l’Etat aurait fait quelque chose pour les sinistrés », s’indigne Zaïnatou Kontogomdé.

 

Hugues Richard Sama

Bernard Kaboré

 

Encadré

 

Black friday

 

C’est la fin d’une ère. Le vendredi 15 janvier 2016  restera à jamais comme le jour où le Burkina, qui a toujours baigné dans une relative stabilité, a basculé dans l’horreur. Un « Black friday », ou si vous voulez un vendredi noir.  S’il est vrai que le pays avait déjà subi des assauts terroristes, notamment  à Samorogouan le 9 octobre 2015 (3 morts), le 15 janvier, les forces du Mal vont se déchaîner sur le Pays des hommes intègres. Dès l’après-midi, une vingtaine d’individus non identifiés ont attaqué une équipe de la gendarmerie de Tin-Akoff, faisant deux morts. Rien de comparable à ce qu’allait subir la capitale quelques heures plus tard. A 19h 30,  alors que de nombreux clients étaient attablés au Cappuccino, restau branché de l’avenue Kwame Nkrumah, trois jeunes membres d’AQMI débarquent et ouvrent le feu dans le tas. 30 personnes de 11 nationalités différentes perdront la vie. Les autorités mettent du temps à comprendre ce qui se passe. L’assaut durera toute la nuit, et le dernier terroriste sera abattu au petit matin au Taxi-brousse, où les assaillants s’étaient retranchés, par les gendarmes burkinabè, aidés des forces spéciales françaises venues en renfort. Les enquêtes permettront d’identifier le commanditaire en la personne de Mohamed Ould Nouiny alias El Hassan, émir du groupe Al Mourabitoune et adjoint de Mokthar Belmokhtar. Le chef des opérations, Mimi Ould Baba Ould Cheikh, sera, quant à lui, arrêté au Mali en janvier 2017.

Alors qu’à Ouagadougou les unités d’intervention tentaient de débusquer les terroristes de leurs cachettes, à Djibo, le Dr Arthur Elliott Kenneth, chirurgien d’origine australienne,  installé dans la ville depuis 30 ans, et son épouse sont enlevés dans la nuit. Le rapt sera revendiqué par « l’Emirat du Sahara », une branche d’al-Qaïda au Maghreb islamique. Si Jocelyn Kenneth a été libérée en février 2016, 4 ans après, on est toujours sans nouvelles de son époux, naturalisé Burkinabè.

 

H.R.S.

B.K.

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