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Elections 2020 au Burkina Faso : «Nous voulons extirper les médias confessionnels du champ de la couverture médiatique»(Mathias Tankoano, président du CSC)

 

Couverture médiatique des élections, traditionnel appui aux médias en période électorale, question des télénovelas sur nos chaînes de télé… Voilà autant de sujets que le président du Conseil supérieur de la communication, Mathias Tankoano, évoque dans l’entretien qu’il nous a accordé le 29 janvier 2020 dans les locaux de son institution. Concernant les échéances électorales à venir, une certaine catégorie de presses ne les couvrira pas. « Nous voulons extirper les médias confessionnels… », a annoncé Mathias Tankoano, président du CSC.

 

 

 

2020 est une année électorale, et le Conseil supérieur de la communication est l’une des pièces maîtresses du processus. Comment préparez-vous cette échéance ?

 

 

 

Le CSC, de par la loi, intervient énormément dans le processus électoral, non seulement pour contrôler le contenu du discours politique, mais surtout pour assurer un égal accès des candidats et des partis politiques aux médias publics ou privés ; d’autre part, en concertation avec le ministère de la Communication, il assure un minimum d’appui aux presses publique et privée pour leur permettre d’atteindre leurs objectifs en matière de couverture des élections. Au niveau du collège des conseillers et de l’ensemble des collaborateurs, directeurs centraux et services déconcentrés, nous avons adopté une stratégie globale de gestion du discours politique dans le cadre des élections de 2020. Nous avons intégré cette année le vote des Burkinabè de l’étranger. Ce dernier aspect est assez délicat parce que, les législations étant nationales, c’est très difficile pour le CSC d’aller intervenir dans d’autres pays. Donc il reste à voir comment nous allons appuyer les médias pour qu’ils assurent la couverture et surtout comment sensibiliser les partis politiques dans les discours qu’ils tiendront dans ces différents pays. Nous sommes toujours là-dessus.

 

En ce qui concerne l’élection sur le territoire national, et comme vous le savez, nous signons des conventions avec un certain nombre de radios et de télévisions pour qu’elles puissent en assurer la couverture de sorte que l’égalité entre les candidats soit assurée. Cette année, nous voulons enlever du champ de la couverture médiatique les radios confessionnelles. Nous continuons la réflexion sur les radios communautaires. Mais nous ne voulons pas du tout que les radios confessionnelles se mêlent de la politique même par la diffusion de communiqués. Cela, pour éviter qu’il y ait des confusions et pour ne pas les exposer. Il en est de même pour les radios communautaires. Comme on l’a toujours dit, les radios communautaires sont là pour accompagner le développement à la base. Lorsque ces radios font des couvertures de meetings politiques ou passent des communiqués politiques, ça peut être mal interprété par les populations, qui ont besoin de vivre ensemble et  en symbiose. Le défi sécuritaire auquel nous sommes confrontés aujourd’hui au Burkina nécessite que nous prenions des mesures pour encadrer le discours politique et encadrer véritablement les médias à la base.

 

 

 

Ne craignez-vous pas que ces médias crient à l’exclusion  dans le cadre du processus électoral ?

 

 

 

Nous allons mener la réflexion y relative et entamer des discussions avec ces radios et toutes ces télés dans leur propre intérêt et  dans l’intérêt de la communauté. Si vous avez par exemple  une commune où il y a cinq partis en compétition et qu’il y en a deux ou trois qui ont les moyens pour faire passer régulièrement des communiqués, naturellement les autres vont dire que les radios communautaires se sont mises à la disposition de certains candidats ou de certains partis politiques. Cela va discréditer ces médias. C’est pour ça que nous voulons les extirper de ce champ.  

 

 

 

Quel est le budget prévisionnel de cette occasion et quels en sont les principaux postes budgétaires ?

 

 

 

Nous avons élaboré un budget prévisionnel, que nous avons soumis au gouvernement. Nous l’avons défendu devant l’Assemblée nationale en l’expliquant poste par poste. Dans l’ensemble, pour les élections à venir, il tourne autour de un milliard sept cent millions de francs CFA. On y compte l’appui que nous réservons aux presses publique et privée, le déploiement des observateurs, la formation tant à l’endroit des journalistes, des politiques que des FDS, cette année. Il y a aussi l’archivage numérique que nous voulons maintenir, l’élaboration de codes didactiques, de codes de bonne conduite pour un discours politique apaisé...

 

 

 

Votre intervention ne peut être vraiment efficiente si vous n’avez pas de matériels adaptés. Dans ce domaine, de quoi disposez-vous ?

 

 

 

Nous remercions le gouvernement et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ( ARCEP)  qui ont accepté de nous accompagner dans un projet que nous avons élaboré, et qui permet aujourd’hui de reprendre entièrement le système d’information à l’intérieur de l’institution à travers l’acquisition d’une licence, l’installation de l’intranet, une nouvelle salle d’informatique avec des équipements. Ces supports permettent d’installer le nouveau système de monitoring pour lequel nous avons acquis le système  HMS, une solution de monitoring marocaine. Ce  matériel nous permet d’être à la pointe de la régulation des médias audiovisuels. Il s’agira pour nous de suivre pendant ces élections tout ce qui se dira sur les radios et les télévisions 24 heures sur 24. Mieux, ce système nous permettra de voir le temps d’antenne que chaque parti politique aura consommé dans les médias audiovisuels. C’est l’innovation majeure pour ces élections. Nous pourrons à tout moment analyser, conformément aux dispositions de la loi, le degré d’équilibre en matière d’accès aux médias des partis et des candidats.

 

 

 

Concernant le cas particulier des médias, le soutien traditionnel sera-t-il de rigueur et en quoi cela va consister ?

 

 

 

Nous voulons que les médias jouent leur rôle.  Nous allons même inviter les médias qui, auparavant, se mettaient en marge des élections conformément à leur ligne éditoriale.  Nous allons discuter avec ces médias. Cette année, c’est une élection où nous aurons toutes les candidatures, puisque personne n’est « frappé » d’exclusion comme ce qui s’est passé en 2015. Il y aura toutes les forces en présence. Et pour que les médias puissent faire leur travail, nous allons intervenir à deux niveaux. Nous allons organiser des formations à l’intention des journalistes pour la couverture électorale. Il y a également  l’appui que nous voulons donner à la presse. Il n’y a pas de secret ! Si nos prévisions se réalisent, nous comptons appuyer les médias publics à hauteur de cinq cents (500) millions, et la presse privée avec une enveloppe de trois cents (300) millions.

 

 

 

Avec l’explosion  du nombre de médias, comment comptez-vous répartir cet appui ? 

 

 

 

Nous allons faire appel aux faîtières des organisations professionnelles des médias. Ensemble, nous allons discuter et convenir des modalités de cet appui. Une chose est de mettre les moyens à la disposition des médias, et une autre est de les rendre efficaces. Et ce qui est plus important, c’est un accompagnement efficace. Ce n’est pas en élargissant le nombre de bénéficiaires que nous allons atteindre cet objectif. Les moyens seront donnés à un maximum d’organes, surtout à ceux qui peuvent apporter un plus à la qualité du débat politique. Notre objectif ne sera pas de faire du nombre, mais de la qualité.

 

 

 

Vous avez remis récemment une série de trois rapports. Pourquoi avoir accumulé tant d’exercices ?

 

 

 

Nous sommes arrivés et avons trouvé que le rapport de 2016 était déjà prêt.  Mais avec la crise que l’institution a connue, le rapport n’a pu être  remis officiellement au Président du Faso. Nous avons jugé nécessaire de procéder à cette remise, qui est une obligation légale. Nous avons préféré faire  d’une pierre trois coups avec la remise de trois rapports, 2016, 2017 et 2018. Concernant  2019, c’est cette année que nous allons le remettre, parce que le principe, c’est l’année plus un.

 

 

 

De façon ramassée, que peut-on retenir de ces rapports ?  

 

 

 

Grosso modo, nous félicitons les organes de presse pour la qualité du travail parce que dans l’ensemble les manquements que nous relevons peuvent avoir des solutions à travers une plus grande professionnalisation des médias. Il s’agit de l’absence de recoupement de sources, du traitement déséquilibré ou partial de l’information, de la diffamation, des injures et des atteintes à la vie privée ou à l’honneur des autorités publiques. Tout cela a été relevé dans les trois rapports. Au-delà de ça, il y a des défis à relever notamment celui du code numérique. Avec la multiplication des médias en ligne, nous devons voir comment nous allons réguler ce domaine. Il ne faut pas laisser la liberté tuer la liberté ; d’où l’importance que les médias professionnels engagent des journalistes professionnels. Lorsque vous laissez ce métier noble à n’importe qui venu faire du n’importe quoi, on salit le nom des journalistes et des médias, alors que tous ceux qui interviennent aujourd’hui dans les différents médias ne sont pas des journalistes. Il est nécessaire de recadrer les choses pour que nous ayons un travail de qualité, à travers des journalistes de qualité. Dieu merci, le Burkina  est reconnu pour avoir une des presses de qualité du continent,  et nous nous en félicitons.

 

 

 

Est-ce que  vous voulez dire que, dans l’avenir, on ne pourra plus s’improviser du jour au lendemain journaliste ?

 

 

 

Oui, c’est un défi pour nous. Nous devons, ensemble, avec les organisations professionnelles de médias, relever ce défi. Tout comme dans les autres corps de métiers, tout le monde ne s’autoproclame pas enseignant, policier, avocat ou magistrat. Pourquoi au niveau de la presse, nous n’allons pas travailler à  ramener les professionnels dans leur corps ? 

 

 

 

Il semble qu’entre votre institution et les chaînes de télévision, il y a des fritures sur la ligne au sujet de la diffusion des télénovelas. Quel est le fond du problème et comment comptez-vous le résoudre ?

 

 

 

Je ne dirai pas qu’il y a des fritures sur la ligne. C’est normal qu’ensemble nous ayons des débats parce que nous défendons des intérêts qui sont divergents. Les médias défendent des intérêts économiques, et nous, les intérêts du public, du gouvernement et de la frange jeune. Nous venons d’avoir une rencontre avec les faîtières des télévisions et du diffuseur principal au Burkina, qui est Canal+, pour harmoniser nos vues. Nous, au CSC, nous avons jugé que la consommation des télénovelas pose un véritable problème de société. En tant que régulateur, nous estimons que nous ne pouvons pas empêcher les Burkinabè de jouir de leurs droits à la vie privée, notamment  la consommation de ce qu’ils veulent. Mais l’Etat a l’obligation d’assurer le contrôle du contenu qui est diffusé sur le territoire national par rapport au public jeune. C’est là le problème. Nous n’avons jamais voulu suspendre ou interdire  le passage des télénovelas. Mais nous avons dit qu’il y a des heures où  les enfants et les jeunes ont droit à la télévision, quelle soit publique ou privée. C’est pour cela que nous avons souhaité que les télévisions aménagent leurs programmes pour qu’à certaines heures, ce ne soit pas des feuilletons qui passent. Naturellement, nous n’ignorons pas le rôle que les parents doivent jouer. L’Etat a son rôle, mais les parents ont leur responsabilité. Après 21 heures, les enfants et les jeunes  qui sont censés aller à l’école le lendemain doivent être endormis. C’est aux parents de faire en sorte qu’à ces heures ils ne soient pas devant la télé. Notre rôle est de faire en sorte qu’au moment où les enfants sont censés être devant la télé ils  ne consomment pas du n’importe quoi. Les télévisions nous ont posé les préoccupations qui sont les leurs, particulièrement celles liées aux difficultés contractuelles qu’elles ont avec les producteurs de ces films. Nous avons trouvé un terrain d’entente. Nous leur avons demandé d’appliquer les législations en vigueur en attendant. Dans la législation, il y a des programmes qui ne peuvent pas passer à certaines heures et il y a les pictogrammes qu’il faut appliquer. On s’est compris dans les échanges.

 

 

 

Propos recueillis par

 

Lévi Constantin Konfé

 

Dernière modification ledimanche, 02 février 2020 18:20

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