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Médecine traditionnelle : Attention à la poudre de perlimpinpin !

Le 11e congrès scientifique de la médecine traditionnelle a eu lieu du 10 au 13 décembre 2019 à Lagos (Nigeria) sous le thème « Médecine traditionnelle au 21e siècle, quelle voie pour l’OOAS (Organisation ouest-africaine de la santé) ? » Cette activité a connu la participation du président de la Fédération nationale des tradipraticiens de santé du Burkina (FENTRAB), El Hadj Ousmane Ouédraogo. Celui-ci a, à son tour, organisé un atelier de restitution pour les membres de ladite structure le vendredi 31 janvier 2020 à Ouagadougou. L’occasion nous a été donnée d’en apprendre un peu plus sur l’institution qui fait la promotion de la médecine traditionnelle, un univers dans lequel certains n’hésitent pas à profiter du désespoir de leur prochain pour se faire de l’argent. Comment faire la différence entre le vrai tradipraticien et  le charlatan ? Que font ces hommes et ces femmes pour valoriser leur savoir et être dans l’air du temps ? Ce sont autant de questions que nous avons posées à El Hadj Ousmane Ouédraogo.

 

Si vous faites un tour au siège de l’APMT, l’Action pour la promotion de la médecine traditionnelle, vous verrez qu’ils sont nombreux, les Burkinabè qui croient en la médecine traditionnelle. En effet, des hommes et des femmes de toutes classes sociales, de tout âge, notamment des jeunes filles, y font le déplacement en quête de traitement pour venir à bout de leur mal. Pendant que nous patientons, une famille arrive avec une petite fille visiblement souffrante. Le vieux à côté n’hésite pas à leur lancer : « Maintenant que vous êtes là, sachez que votre enfant va retrouver la santé ». Il ne tarde pas à ajouter : « Il y a quelques années, lorsque je suis venu ici pour la première fois, nous n’étions que trois. Voilà aujourd’hui, la cour ne peut même plus contenir le monde », preuve donc que le secteur a de l’avenir. Malheureusement, il est de plus en plus envahi par des charlatans, des personnes qui profitent de la naïveté et de la douleur des uns et des autres pour se faire de l’argent. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les acteurs du domaine en ont conscience.

Pour le président de la Fédération nationale des tradipraticiens de santé du Burkina (FENTRAB), El Hadj Ousmane Ouédraogo, le tradipraticien, c’est quelqu’un qui détient un savoir. Il utilise les écorces, les feuilles et les racines pour faire une combinaison et soigner un malade. Ainsi, certains ont été initiés par leurs géniteurs, et c’est le cas d’ailleurs de  notre interlocuteur qui souligne cet aspect avec humilité et fierté. « Enfant, j’ai vu mon père pratiquer la médecine traditionnelle. J’ai cherché à comprendre d’où lui vient ce savoir et il m’a dit, en son temps, qu’il  y a été initié par son papa », a-t-il expliqué.

 

Celui qui n’a pas de lieu fixe de travail n’a pas de garantie

 

Pour permettre à la population de distinguer le vrai du faux, il a invité chaque Burkinabè à être regardant et vigilant et à éviter les produits prohibés. A son avis, un vrai tradipraticien doit être enregistré au sein d’une association, d’un groupement et d’une fédération. Il doit disposer d’une autorisation d’exercer délivrée par le ministère de la Santé et d’une carte de membre. Aussi, celui qui n’a pas de lieu fixe de travail n’a pas de garantie. Ses produits peuvent être bien, mais s’il y a problème, comment vous arriverez à le retrouver ? », s’est-il demandé, convaincu que, s’il est sur place, ses clients peuvent l’appeler à tout moment et  même prendre des conseils. A son avis, ce n’est pas pour rien que 80% de la population a recours à la médecine traditionnelle. « C’est leur médecine, elle est moins chère, accessible, ses produits sont naturels, sans effets secondaires et sans produits chimiques ». Et pour cultiver cette confiance, ces praticiens veulent faire en sorte d’évoluer avec le temps et de s’adapter à la modernisation.

C’était d’ailleurs l’objectif général du 11e congrès scientifique de la médecine traditionnelle, qui a eu lieu du 10 au 13 décembre 2019 à Lagos (Nigeria) sous le thème « Médecine traditionnelle au 21e siècle, quelle voie pour l’OOAS ?» Cette rencontre, qui a regroupé 63 participants de 14 pays, a abouti à la formulation de plusieurs recommandations, notamment pour la production de la cartographie des praticiens de la médecine traditionnelle et  la provision rationnelle des produits à efficacité prouvée en vue de jouer un rôle important dans l’offre médicale de la CEDEAO au 21e siècle. Les participants ont également sollicité l’appui de l’OOAS pour la création de centres d’excellence et afin de faire le plaidoyer auprès des autorités dans le but de mettre à disposition des fonds substantiels pour la promotion de la MT.

Pour le président de la FENTRAB, des efforts sont faits au niveau du Burkina, où la médecine conventionnelle leur fait souvent appel dans certains cas. Il a aussi évoqué l’existence de la DMTA (Direction de la médecine traditionnelle et alternative) dont l’objectif est d’accompagner les acteurs sur les plans organisationnel, de la formation et du suivi évaluation. En sus, depuis 2002, il y a des arrêtés portant autorisation de mise sur le marché des médicaments issus de la pharmacopée, ce qui permet aux uns et aux autres de faire étudier (toxicité, innocuité, qualité) leur produit afin qu’il soit homologué et mis dans le circuit de distribution. Selon El Hadj Ouédraogo, l’APMT, créée en 2002, possède dix  produits homologués et certifiés par le ministère de la Santé. Pour le moment, ils ne figurent pas tous dans les officines, car cela nécessite de trouver de bons emballages pour bien présenter le médicament. S’agissant des prix, ils dépendent des pathologies : pour un traitement du palu, par exemple, il faut débourser entre 3000 et 6000 F CFA, 13000 pour le kit complet hémorroïdes, 15000 pour la prostate, 2000 pour les maux de dents, les toux (sèches et grasses), les règles douloureuses et les diarrhées.

A la question de savoir comment il compte transmettre le savoir qu’il a acquis auprès de son géniteur, notre interlocuteur n’a pas été très affirmatif. Cependant, selon ce que nous avons compris, il espère que l’un de ses enfants va un jour manifester de l’intérêt pour ce métier. Il ne souhaite y forcer personne, car ça doit, selon lui, être une passion. Pour le moment il se consacre à l’APMT et à la Fédération, qui a été créée en 2015 et compte 33 000 affiliés dont 800 ont leur autorisation d’exercer et plus de 53 produits homologués et certifiés. Ses objectifs sont de renforcer les capacités intellectuelles des tradipraticiens, d’améliorer la recherche et la collaboration avec la médecine conventionnelle et de sensibiliser la population aux vertus de la pharmacopée traditionnelle.

 

Zalissa Soré

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